A la faveur de leurs bénéfices record, les marques de luxe sont partout. On observe des collaborations dans le sport, mais aussi avec des univers a priori éloignés. Une marque peut s’associer à un groupe technologique, à un tatoueur, à un chef étoilé, tout est possible là où il y a de l’excellence. Elles déploient des budgets toujours plus importants dans le sponsoring, les collaborations et partenariats. En 2023, les marques globales ont investi près de 100 milliards uniquement dans le sponsoring, un montant qui pourrait atteindre 190 milliards d’ici à 2030, d'après la Fédération mondiale des annonceurs (WFA).
«Le sport et la culture sont les deux axes privilégiés des marques», souligne Cristina D’Agostino, fondatrice et rédactrice en chef de Luxury Tribune. A cet égard, le Festival de Cannes a constiué l’occasion idéale pour habiller les stars. Désormais, on parle souvent de «friends of the brand» (amis de la marque) plutôt que d’ambassadeurs.
Sport et luxe, en particulier, sont plus que jamais associés. «Le luxe s’intéresse à la pop culture et à la street culture, et le sport est idéal pour déployer des images et visuels», explique Cristina D’Agostino. La possibilité d’inspirer, émouvoir et toucher un immense public a fait du sport l’univers de prédilection des marques.
Les grands sportifs sont aujourd’hui tout aussi importants que les influenceurs de ces dernières années. «Rihanna ou Mbappé, ce sont désormais des univers très proches, un même milieu, poursuit la fondatrice de Luxury Tribune. Les sportifs éclipsent même souvent les stars du cinéma, car ils drainent le plus de visibilité.»
Les marques prennent (tous) les sports d'assaut
Si les marques de luxe ont toujours été présentes dans les sports prestigieux tels que golf, équitation, polo et tennis, on les trouve désormais aussi dans des sports populaires qui traversent les classes sociales, comme le football ou la natation, ce qui permet aux marques d’inviter, en qualité de sponsors, des clients VIP aux meilleures compétitions et de maximiser leur visibilité, qui inclut aussi des consommateurs à pouvoir d’achat élevé.
Les marques comme Audemars Piguet s’associent volontiers à des stars du basket, comme LeBron James, pour jouer sur l’image de numéro un, tandis que le groupe LVMH vient de faire de Léon Marchand, jeune prodige français de la natation, son nouvel ambassadeur. La recherche d’originalité fait partie du jeu. «Dans l’horlogerie, on a vu apparaître de nouveaux sports comme le padel, un des sports qui montent actuellement en alternative au tennis, et où Certina s’investit», observe Serge Maillard, éditeur du magazine horloger Europa Star.
Certaines marques choisissent des sports de niche, comme l’apnée (Richard Mille), et d’autres comme Breitling choisissent des sports moins conventionnels comme le surf, qui correspond au casual luxury, en plus du foot et du basket, poursuit le spécialiste.
LVMH et les JO: meilleurs alliés
A l’approche des Jeux olympiques de Paris de 2024, c’est tout naturellement que les groupes de luxe mettent le prix pour s’imposer dans les salons des téléspectateurs en associant leur image à la haute performance. «Il est intéressant d’observer les JO à travers le prisme du sponsoring, commente Cristina D’Agostino. Pour cette édition, LVMH – qui possède notamment les marques Dior, Fendi, Tiffany, Tag Heuer ou Bulgari – a investi un montant record de 150 millions d’euros pour être le partenaire premium.»
Une aubaine pour le Comité d’organisation de ces JO de Paris, dont le coût global d’organisation pourrait atteindre 12 milliards d’euros. «C’est la première fois que LVMH investit autant dans les Jeux, observe Cristina D’Agostino. Le groupe pourra déployer toutes ses marques sur cette édition selon diverses activations, chaque marque ayant son créneau spécifique. A travers ces JO, LVMH pourra toucher 2,5 milliards de personnes, tous médiums confondus.»
De son côté, Omega, qui appartient à Swatch Group et qui est le chronométreur officiel des JO depuis 31 éditions, s’étalant sur 92 ans, a décidé d’ouvrir sa troisième Omega House à l’Hôtel Poulpry à Paris, situé près du Musée d’Orsay. La marque horlogère biennoise avait usé de la même stratégie à Londres en 2012 et à Rio en 2016. Objectif: accueillir les VIP et athlètes durant les JO dans un lieu «exclusif», pour une rétrospective historique du chronométrage et des soirées à thème.
Des alliances... de circonstance
Les partenariats sont aujourd’hui un aspect essentiel de la communication: s’associer pour démultiplier l’effet d’image et de réputation. Ces alliances restent rarement figées, si l’on se réfère à ceux entre marques de montres et de voitures. Serge Maillard observe que ces dernières années, «les traditionnels partenariats entre horlogers et constructeurs automobiles ont connu des renversements complets d’alliances, avec de nombreux changements au fil du temps.»
Tandis que TAG Heuer a misé sur Porsche depuis trois ans, Ferrari a collaboré avec Hublot, puis avec Richard Mille, et Girard-Perregaux avec Ferrari, puis avec Aston Martin. De même, l’équipe de course à la voile Alinghi a eu plusieurs partenaires horlogers au fil des ans.
Au-delà du sponsoring et des partenariats, c’est la mise en valeur de la marque qui fait la différence. Pour Cristina d’Agostino, les marques ne se contentent plus de payer pour apparaître, elles sont les créatrices ou cocréatrices du récit: «Les marques sont véritablement aux manettes du contenu.»
Elle évoque les trois films produits par la marque Saint Laurent Productions (Cronenberg, Audiard et Sorrentino). «Les marques deviennent créatrices. Elles se situent en amont, pendant et après la communication, et contrôlent leur contenu.» En habillant l’univers Barbie, Chanel est devenu un acteur de ce blockbuster qui a dépassé le milliard de dollars au box-office.