Quels métiers seront les mieux rémunérés à l’avenir? Ceux qui rapportent le plus d’argent, selon toute probabilité. «Aujourd’hui, les métiers les plus lucratifs restent ceux de la finance et du trading de matières premières», indique Eglantine Jamet, directrice d’Artemia Executive.
Est-ce que cela va perdurer à l’avenir? «Peut-être que ces métiers deviendront moins rémunérateurs, mais cela est difficile à dire.» La difficulté de prédiction vient des effets disruptifs de la technologie digitale, qui se ressentiront dans tous les métiers, y compris les plus qualifiés.
Des millions de rémunération annuelle
Secteur dont les salaires sont restés élevés ces dernières années, la finance a toutes les chances de continuer à offrir les rémunérations les plus exubérantes à l’avenir, en particulier les métiers de trader ou d’investment manager chez les gros acteurs non bancaires, comme les fonds spéculatifs (hedge funds), qui sont moins réglementés que les banques, ainsi que les gros fonds qui investissent dans des actifs non cotés (private equity). Là, on parle de plusieurs millions de rémunération annuelle, car la part variable reste très importante. «Plus les banques sont corsetées au niveau réglementaire, plus les acteurs non bancaires captent les plus hautes rémunérations», constate un vétéran des ressources humaines.
Au sein des banques, les gestionnaires de fortune resteront parmi les mieux rémunérés. En Suisse, leur salaire fixe va de 80'000 par an en début de carrière à plus de 200'000, ceci sans compter les bonus, qui peuvent dépasser le million dans les grandes banques de gestion, lors des années boursières fastes ou en cas d’acquisition de nouveaux clients.
De même, le trading de matières premières restera très lucratif, rapportant des sommes à 6 ou 7 chiffres par an aux spécialistes, du moins tant que la volatilité persistera sur les prix du pétrole, du gaz, des grains et des métaux stratégiques. En témoignent les recettes fiscales record engrangées sur ce secteur par le canton de Genève en 2023.
L'IA ouvre de nouveaux horizons
À l'avenir, on le sait, l’intelligence artificielle deviendra un gros créateur d'emplois, mais le secteur est en très rapide mutation. Ce qu’on projette à l’heure actuelle est que la science des données (data science) verra des rémunérations très élevées. Actuellement, les profils de data scientists restent rares. Dès lors, ils sont encore très recherchés et fortement rémunérés.
Mais la demande sera aussi forte dans la régulation du digital et la cybersécurité, selon Eglantine Jamet. Une grande partie de ces métiers se destine à être robotisée, y compris la création d'algorithmes elle-même et la data science. Mais selon Eglantine Jamet, «il importera que la partie des compétences qui concerne l'aspect relationnel, émotionnel et humain gagne en valorisation, car ce sont des cerveaux humains qui vont soit encadrer, soit réguler l'IA.»
Le durable est très tendance chez les chasseurs de tête
Parmi les métiers porteurs, elle cite également ceux du secteur du développement durable. «On assiste déjà à un boom de la demande de compétences dans ces métiers à forte valeur ajoutée qui peuvent résoudre des problématiques auxquelles on est confrontés».
Elle observe que des spécialisations en durabilité environnementale s’ouvrent en nombre et des pôles dédiés à ce secteur se créent chez les chasseurs de têtes. Elle cite des formations, par exemple dans le photovoltaïque, qui ne sont pas uniquement des formations initiales, mais qui permettent de se reconvertir dans ce secteur. Toutefois, ajoute la spécialiste du recrutement, il faut garder en tête qu’ailleurs dans le monde, la durabilité n’est pas autant demandée ou n’est pas forcément au centre des préoccupations.
Aujourd'hui, elle constate qu'il n'y a pas une adéquation suffisante entre les métiers les plus utiles à la société et les rémunérations qu'ils reçoivent. «Il faut mieux valoriser et mieux rémunérer des métiers qui vont dans le sens du changement qu’on veut obtenir», préconise l'experte en ressources humaines.
Typiquement, les métiers du care (s'occuper des enfants, des personnes âgées, être soignant...) sont toujours très mal valorisés. «Le secteur de la santé subira de profondes mutations grâce aux nouvelles technologies certes, mais il faudra là aussi valoriser les métiers à forte valeur ajoutée humaine, à forte compétence relationnelle, sachant que l’humain va devoir de toute façon gérer l’IA et ne pourra pas être remplacé partout.»
Ils rapporteront gros... mais ne seront pas très utiles
Pour notre vétéran du recrutement, qui a requis l’anonymat, il est évident que les métiers qui rapporteront le plus à l’avenir ne seront pas forcément les plus utiles. «Malheureusement, il existe un gros décalage à ce sujet. Ces prochains temps, ceux qui vont faire beaucoup d’argent, ce seront les marchands d’armes. Si on regarde les budgets d’Etat qui sont en train d’être alloués à l’armement, beaucoup de personnes vont s’enrichir dans ce secteur.»
Au final, la robotisation soulèvera de vraies questions sur la valeur du travail humain, estime Eglantine Jamet. «Si seuls les métiers à forte valeur ajoutée intellectuelle devaient rester du ressort de l'humain, cela poserait la question de ce qui advient du plus grand nombre et en particulier des personnes moins qualifiées. Cette perspective ne manquera pas d'alimenter les réflexions sur le revenu de base universel.»