Vendredi dernier, le 4e «halving» du bitcoin s'est achevé. Si vous ne savez pas de quoi on parle, courrez lire notre dernier article qui vous explique tout sur la réduction programmée des émissions de la crypto-monnaie la plus célèbre du monde. Son cours dépasse actuellement les 60'000 dollars, un nouveau record historique atteint en mars dernier.
Son franc succès n'est plus à prouver. Mais sa puissante volatilité n'a jamais été un secret. Il n'est pas surprenant d'assister à une hausse de 5% en une nuit, suivi d'une baisse de 7% dans l'heure qui suit. Comment de telles variations sont-elles possibles? Selon certains forums spécialisés, des robots seraient à l'origine des fluctuations du cours du bitcoin – et pourraient même le manipuler.
Des rumeurs qui, bien qu'alléchantes, sont peu probables. Mais cela ne veut pas dire que le cours du bitcoin ne peut pas être influencé. Blick a interrogé des experts à propos des méthodes d'influence et formes de manipulation sur le cours de la crypto star. Fake news, délit d'initié, spoofing... En voici les principales, et comment s'en prémunir en tant qu'investisseur.
Les «whales» dictent le prix
Les personnes possédant un très grand nombre de bitcoins sont appelées les «whales» (en français: les baleines) dans le milieu. Certains disent que ces quelques individus dicteraient le prix du bitcoin par leurs actions, mais cette hypothèse est exagérée. Aux débuts du bitcoin, les «whales» se seraient concertées sur des forums pour «pomper» (pousser) ou «dumper» (rejeter) le cours. L'influence des «whales˚ a toutefois diminué d'année en année, d'une part parce que davantage de bitcoins sont aujourd'hui en circulation, d'autre part parce que le volume des échanges n'a cessé de croître.
Manipuler le cours avec des fake news
Internet regorge de fake news et de deepfakes qui font la promotion du bitcoin ou d'autres plateformes comme les casinos en ligne. Mais ce sont surtout les personnes célèbres et puissantes qui jouissent d'une véritable influence. «Le cours du bitcoin réagit rapidement aux informations sur les réseaux sociaux. Il est donc particulièrement vulnérable aux fake news, qui sont diffusées de manière ciblée pour influencer le cours de manière positive ou négative», explique Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et de politique monétaire à l'Université de Fribourg.
Elon Musk est un exemple parfait. Entre 2019 et 2021, le fondateur de Tesla a posté de nombreux tweets sur X qui ont massivement influencé le cours du bitcoin. Lorsqu'il a vanté publiquement la crypto et annoncé que Tesla accepterait le bitcoin comme moyen de paiement, le cours a bondi de deux chiffres. Deux mois plus tard, Elon Musk est revenu sur ses paroles: sa marque n'accepterait plus les bitcoins en raison de préoccupations environnementales liées à la consommation d'énergie. Ce jour-là, le cours du bitcoin a chuté d'environ 15%.
La Commission américaine des opérations de bourse (SEC) avait menacé Elon Musk d'une enquête pour manipulation de cours de la crypto star. Mais cela n'a jamais abouti. Les règles du jeu n'étaient pas claires à l'époque. En revanche, le patron de Tesla a fait l'objet d'une plainte collective de la part de petits investisseurs pour avoir tweeté sur la cryptomonnaie Dogecoin. La procédure est toujours en cours.
Le délit d'initié, ou s'informer illégalement
Le négoce sur la base d'informations non publiques – c'est-à-dire le délit d'initié — est illégal sur les marchés réglementés. Ces démarches restent toutefois difficiles à contrôler dans le monde décentralisé et pseudonyme des crypto-monnaies. «Le secteur des cryptos est encore trop peu réglementé, ce qui laisse la place à des abus. Nous avons urgemment besoin des règles plus claires», demande le professeur à l'Université de Fribourg.
L'expert en cryptographie Rino Borini voit les choses différemment. «L'autorité américaine de surveillance des marchés financiers (SEC) a longtemps hésité. Mais maintenant, les ETF sur le bitcoin sont autorisés à Wall Street. C'est une bourse réglementée et surveillée. La SEC a également défini des règles claires en amont.» Après quelques mois seulement, les ETF représentaient déjà 4% des bitcoins en circulation. Avec Blackrock, le plus grand gestionnaire de fortune du monde est également de la partie. Pour Rino Borini, c'est un bon signe: «Le marché du bitcoin devient de plus en plus professionnel, liquide et efficace.»
Le spoofing, ou la génération de faux signaux
Passer des ordres d'achat ou de vente importants avec l'intention de les annuler avant leur exécution? Cette tactique s'appelle le spoofing. Il s'agit de générer de faux signaux de marché et de manipuler la perception de l'offre et de la demande. Un manipulateur peut par exemple passer un ordre d'achat important afin de donner l'impression d'un fort intérêt d'achat. Cela incite les autres traders à augmenter leurs ordres d'achat et à faire monter les prix. Une fois que le cours a atteint un niveau souhaité, le manipulateur annule son ordre d'achat initial, entraînant une baisse soudaine du cours.
De temps en temps, des positions sont même éliminées. Mais la plupart du temps, ce n'est pas à cause d'une quelconque manipulation, mais parce qu'une certaine limite fixée par l'acheteur a été atteinte. «Cela peut entraîner de fortes chutes de cours à court terme», explique Rino Borini. «Dans le système traditionnel, tout cela existe aussi, même si le bitcoin n'est encore qu'un adolescent sur le marché. Il va encore prendre de la maturité dans les années à venir.»
Quelle est l'ampleur réelle de la manipulation du bitcoin?
Alors, à quel point les différentes techniques de manipulation influencent-elles le cours de la précieuse cryptomonnaie? «Les investisseurs privés et les petits investisseurs prennent plus de risques que les grandes institutions comme Blackrock et autres, qui participent également au marché depuis l'introduction des ETF Bitcoin», répond Sergio Rossi. Selon lui, l'investisseur privé a un retard d'information par rapport aux grands acteurs. «Le petit se promène en aveugle sur un marché quasi non réglementé. Les grands et les puissants ont toujours une longueur d'avance sur eux.» Selon lui, cette situation est particulièrement problématique dans le cas du bitcoin.
«Bien entendu, il y a toujours et partout des forces manipulatrices. Mais je les considère comme faibles», déclare Rino Borini. Les petits investisseurs doivent être conscients de la volatilité de cette monnaie. «Ils doivent miser sur des solutions et des fournisseurs qui ont fait leurs preuves. Et doivent avant tout maîtriser leurs émotions et ne pas essayer de battre le marché avec le trading.» Par ailleurs, Benjamin Manz, fondateur et expert en argent de Moneyland, appelle à la lucidité: «Pour les investisseurs à long terme, le risque de manipulations à court terme est moins grand. Les spéculations à court terme devraient de toute façon être évitées.» Le bitcoin et les autres cryptos restent des investissements risqués, même sans manipulation des prix. «La question de savoir si le bitcoin sera vraiment le nouvel or reste, pour l'heure, encore controversée.»