Avoir une dette de 20'000 francs, remboursable à coup de 500 francs par mois. Être fraîchement à la retraite, et devoir se serrer la ceinture. Faire le tri dans ses documents financiers, et ne plus y voir clair. Rembourser un crédit Covid, mais ne pas avoir l'épargne pour. Tant de situations que vivent de nombreux Suisses à la recherche de soutien d'experts sur leurs questions d'argent.
Au centre de conseil Moneythek à Zurich, les demandes affluent. Les problématiques des clients varient, mais l'objectif reste le même: «Le désir de contrôler et d'avoir une vue d'ensemble de sa propre situation financière est le même pour tous», explique Simone Reiser, de la Moneythek. L'augmentation des coûts du loyer, de l'électricité, de la caisse maladie et de l'alimentation met de plus en plus de Suisses dans des situations délicates. Et de plus en plus de centres de consultation à la limite de leurs capacités.
Des mesures radicales sont nécessaires
Blick a mené l'enquête auprès des centres de conseil budgétaire suisses. Et le verdict est sans appel: «La plupart de nos centres de consultation sont très occupés», confirme Philippe Frei, directeur de l'association faîtière Budgetberatung Schweiz (DBBCH) qui compte 30 membres actifs. L'augmentation de l'affluence entraîne des temps d'attente plus longs. Le site Internet de l'association faîtière est également consulté plus souvent que d'habitude, et de plus en plus de personnes cherchant de l'aide n'hésitent plus à attraper directement le téléphone.
Depuis le début de l'année, les primes d'assurance maladie ont augmenté de près de 9%. L'électricité coûte également 32,14 centimes de plus par kilowattheure en moyenne. En outre, la plupart des locataires paient plus de loyer en raison de la hausse du taux d'intérêt de référence. Mais les salaires, eux, sont restés stables ou ont même baissé en terme réels dans la plupart des branches.
Dans un entretien avec Blick, Philippe Frei évoque la détresse des clients venant chercher de l'aide. «Ils n'ont rien changé à leur vie mais se retrouvent malgré tout avec moins d'argent à la fin du mois.» Pour beaucoup d'entre eux, il ne s'agit pas de savoir s'ils peuvent encore économiser un peu d'argent sur leur abonnement de téléphone. Les préoccupations concernent de mesures plus radicales, comme le fait de pouvoir encore se payer la voiture familiale ou non.
Ce sont surtout les personnes qui avaient déjà un budget serré qui se retrouvent à présent à la limite. L'aide sociale se présente parfois comme la dernière issue. «La pression que vivent nos clients est palpable. Nous essayons de leur offrir une certaine sécurité», explique Philippe Frei.
«De nombreux clients expriment le fait que 'tout est devenu plus cher'»
Le service de conseil en matière de budget et d'endettement d'Argovie-Soleure a également remarqué la charge croissante des clients. «De nombreux clients expriment le fait que 'tout est devenu plus cher' et qu'ils ne peuvent plus faire face aujourd'hui avec leur revenu actuel», explique-t-on sur demande. Cette année, le service de consultation a déjà aidé plus de 60 personnes de plus que l'année dernière à la même période.
Pour que la situation se stabilise à nouveau, des salaires plus élevés et davantage de logements abordables sont nécessaires. «Des déductions directes de la caisse maladie et des impôts sur le salaire constitueraient également un soulagement et permettraient de lutter contre l'endettement», explique la directrice de l'agence.
A Lucerne aussi, le nombre de consultations est croissant. Mais ce n'est pas nouveau. L'an dernier, 100 personnes de plus qu'en 2020 se sont rendues au service de conseil en matière de budget. Dans certains cas, les conseillers en matière de budget peuvent uniquement aider à fixer les bonnes priorités et à trouver une solution à une situation urgente. «Dans ces cas-là, on vit soit avec des dettes, soit avec le minimum vital», explique Manuela Stirnimann, conseillère en budget. Chaque année, la Frauenzentrale de Lucerne verse entre 50'000 et 80'000 francs d'aide immédiate aux personnes en situation de détresse, une somme financée par des fondations.
A Berne, le Frauenzentrale a déjà augmenté ses capacités en novembre 2023 en raison de l'augmentation de la demande. «Beaucoup veulent éviter de tomber dans la spirale de l'endettement», explique la directrice. A Berne, après l'établissement du budget, les personnes qui demandent de l'aide sont également accompagnées dans sa mise en œuvre. Mais tous les services de consultation n'ont pas la capacité de le faire.
Des cours en ligne pour gérer son budget
Comme les consultations budgétaires ne peuvent plus faire face à la charge des entretiens individuels, le DBBCH a l'ambition de proposer des cours en ligne. Dans un premier temps, un cours général sur le budget est prévu. Les participants auront l'occasion d'apprendre à établir un budget et plus important encore, à le respecter. Des conseils et des astuces pour économiser sont également au programme.
Le renchérissement est actuellement de 1,4%, selon les derniers chiffres de l'OFS. Un taux qui reste encore dans les limites de l'objectif de la Banque nationale suisse (BNS). Mais pour Philippe Frei, la solution est ailleurs: «Nous devons nous éloigner de ces chiffres abstraits comme le renchérissement. Au service de conseil budgétaire, nous constatons chaque jour la charge que représente l'augmentation des coûts pour chaque personne.»