C'est une novice en politique avec une activité sur les réseaux sociaux plutôt étrange. Hülya Eren est candidate sur la liste de l'UDC pour le Parlement de la ville de Lucerne. D'un côté, elle publie sur Facebook des photos d'une manifestation de son parti, où elle pose bras dessus bras dessous avec le conseiller national UDC lucernois Franz Grüter, ou un selfie avec son collègue de parti argovien Andreas Glarner.
De l'autre, elle se présente comme une fervente partisane du chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan. La manière dont la politicienne suisse explique son engagement en faveur du sulfureux président est explosive, celui-ci étant réputé pour ses tendances autoritaires.
Avant les élections municipales turques de dimanche dernier, elle a par exemple publié une photo d'Erdogan avec l'inscription «Leader jusqu'à la mort». Des posts antérieurs sur son profil Facebook le montrent bien: Hülya Eren a de fortes sympathies pour Erdogan et n'en fait pas un secret.
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Symboles des «loups gris» d'extrême droite
Elle est l'une des 20 candidates sur la liste de l'UDC pour le Grand Conseil de la ville de Lucerne, Hülya Eren a certes peu de chances d'être élue le 28 avril. Mais sur Facebook, elle a déjà plus de followers que son parti local.
Elle a été particulièrement active lors de l'élection présidentielle turque de mai 2023. Sur une photo, elle pose avec un t-shirt d'Erdogan. Dans plusieurs posts, elle le glorifie comme le leader de la Turquie «sur son chemin vers un grand et puissant État». L'une des vidéos de son profil montre des symboles du groupe turc d'ultranationaliste «Loups gris».
«Je n'ai rien à voir avec ça»
Les Loups gris aspirent à un grand empire sous domination turque, comprenant des territoires en Russie, en Asie centrale et en Chine. Le service allemand de protection de la Constitution met en garde contre leur «idéologie nationaliste, d'extrême droite, antisémite et raciste». Au Conseil national suisse, une interdiction des Loups gris a été demandée, justement par une conseillère nationale de l'UDC!
Face à Blick, Hülya Eren ne se souvient de rien: «Je n'ai rien à voir avec ce mouvement. Pour moi, tout le monde est égal, quelle que soit sa religion ou sa nationalité!» Elle n'a plus souvenir d'avoir publié la vidéo.
«Ouvrir les yeux sur les réfugiés qui arrivent»
Hülya Eren nie même être une partisane du dirigeant turc. «Erdogan était le favori de mon père, qui est décédé depuis», dit-elle. Cette femme de 49 ans est née dans en Suisse, enfant d'immigrés turcs. Elle a travaillé comme serveuse dans le canton d'Obwald. Dans ce cadre, elle a servi de nombreux membres de l'UDC. «Ils m'ont tous si bien acceptée», assure Hülya Eren.
L'UDC lui correspond, la fierté nationale est importante pour elle. Elle a adhéré au parti l'année dernière seulement. Elle souhaite un avenir en sécurité pour tous en demandant: «Les autorités doivent ouvrir les yeux sur les réfugiés qui arrivent ici. La plupart sont des hommes qui profitent de notre pays.»
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Un réseau au sein de l'AKP
Elle l'assure, la politique turque ne l'intéresse pas. «Avec ces posts, j'ai seulement voulu soutenir ma famille en Turquie.» Mais Hülya Eren dispose d'un réseau au sein du parti au pouvoir, l'AKP. En 2022, elle a ainsi aidé à transporter un homme atteint d'un cancer de Kassel (Allemagne) vers la Turquie. Le patient s'était publiquement plaint du système de santé allemand et préférait être soigné en Turquie.
Les médias turcs proches de l'Etat ont exploité le cas pour vanter les mérites de leur propre système de santé. Là encore, Hülya Eren mentionne ses origines et sa famille: «J'aide toujours là où je peux. L'homme était un ancien ami de mon père.»
«C'était irréfléchi»
Dieter Haller, président de l'UDC de la ville de Lucerne, prend la défense de sa candidate. «Pour moi, c'est la personne qui compte, pas le profil Facebook», tonne-t-il. Hülya Eren est une collègue bienveillante et serviable. «Elle est toujours en première ligne quand quelqu'un a besoin d'aide.»
«Publier de tels contenus pro-Erdogan sur Facebook était irréfléchi», admet Hülya Eren. Après son entretien avec Blick, elle a supprimé tous les posts concernant la politique turque et le président. Elle ne suit donc pas Erdogan «jusqu'à la mort», surtout lorsqu'il s'agit de ses propres chances d'être élue.