Face à une marée de drapeaux rouges de la Turquie, devant des dizaines de milliers de partisans exultants, l'édile qui vient d'infliger une nouvelle défaite au président Recep Tayyip Erdogan arpente la scène en bras de chemise blanche, son uniforme de combat.
«Nous avons gagné l'élection!», avait-il lancé plus tôt sans attendre la proclamation officielle des résultats des élections municipales, qui laissaient entrevoir depuis le début de la soirée la débâcle du parti AKP au pouvoir. Dans la foule, des jeunes ont allumé les lampes de leur téléphone portable et des fumigènes, comme lors des matches de foot.
Camouflet pour Erdogan
La victoire est double pour Imamoglu qui, à 52 ans, conserve non seulement la mairie conquise de haute lutte en 2019, mais inflige en plus un camouflet sévère au président Recep Tayyip Erdogan qui avait mis toute son énergie et sa stature au service du candidat de son parti islamo-conservateur, l'ingénieur et ancien ministre de l'Environnement Murat Kurum qui à 47 ans affrontait les urnes pour la première fois.
Déjà en ville, les rues pentues de la mégapole, sise de part et d'autre du Bosphore, résonnent d'un concert d'avertisseurs et de cris de joie. «La Turquie est laïque et le restera!», entonne la foule en chaloupant. «Erdogan, démission!» enchaîne-t-elle aussitôt, rappelée à l'ordre par le vainqueur qui demande de ne pas huer le chef de l'Etat.
«Ce n'est qu'un début», s'enflamme Ege Ersoz, 19 ans, accourue dans le square qui fait face à la mairie. «C'est la première fois que l'AKP perd autant. Les Turcs ont ouvert les yeux et voté pour les candidats qui pensent d'abord à l'économie, à l'éducation et à l'avenir de la jeunesse», se réjouit-elle.
La population «en colère»
«La victoire arrive un peu tard, mais nous avons porté ici un coup décisif à l'AKP et j'espère que nous le verrons perdre complètement le pouvoir», ajoute la jeune femme. Pour Arzu Uluocak, 47 ans, c'est «la colère de la population face à la détérioration des conditions économiques» qui a coûté la défaite du gouvernement.
«Chaque jour, les prix montent en flèche, les gens se retrouvent dans une situation désespérée», relève-t-elle. Esra Palasoglu, elle, se réjouit de constater que «les gens se sont réveillés: c'est ce qu'on appelle la démocratie». «Voilées, non voilées, de droite, de gauche, ils se sont tous réveillés et ils ont donné une leçon à Erdogan», conclut-elle.
(ATS)