Les initiateurs du texte Stop F-35 ont toujours rejeté avec indignation l’idée qu’ils voulaient délibérément retarder l’achat des 36 jets furtifs américains. Non, ils veulent simplement employer les voies démocratiques pour empêcher la transaction. Pour ce faire, ils ont besoin de 100’000 signatures au moins. Ils les auraient déjà depuis des semaines. Mais l’initiative n’a toujours pas été déposée. Pourtant, la ministre de la Défense, Viola Amherd, avertit depuis des mois que l’option d’achat expire en mars prochain.
Initialement, le comité voulait déposer l’initiative au printemps déjà. En janvier, l’objectif a été augmenté à 110’000 signatures, pour avoir une marge de sécurité. En mai, ce palier est monté à 115’000 signatures. Et alors que 116’744 signatures ont été récoltées, il en faut désormais 120’000. Les initiateurs rencontrent-ils des turbulences?
De nombreuses fausses signatures
«L’accusation de retard délibéré est absurde», lance Marionna Schlatter, membre du comité d'in initiative et conseillère nationale des Verts. «La conseillère fédérale signerait tout simplement le contrat de vente si nous attendions inutilement avant de déposer l’initiative», argumente-t-elle.
Un trimestre hivernal ralenti par la pandémie de Covid-19 a rendu la collecte plus difficile, tout comme la guerre en Ukraine, avancent les opposants aux avions de combat. Mais ce n’est pas tout. «Après que Viola Amherd a déclaré publiquement qu’elle ne donnait plus aucune chance à l’initiative et qu’elle devait être retirée, le nombre de signatures récoltées s’est brièvement effondré chez nous», explique l’élue.
Nouvel objectif: déposer l’initiative en août
Si l’objectif des initiateurs a dû être revu à la hausse, c’est «parce que le taux de fausses identités a augmenté». En effet, lors de l’authentification des paraphes auprès des communes, il s’est avéré que de nombreuses signatures apparaissaient à double.
«Nous travaillons actuellement 24 heures sur 24», assure Marionna Schlatter. L’initiative devrait être finalement déposée en août. Mais la date exacte n’est pas encore fixée. Cela dépendra de la rapidité avec laquelle les communes pourront authentifier les signatures restantes. «Beaucoup de fonctionnaires sont actuellement en vacances», fait remarquer la conseillère nationale.
Trop tard selon l’administration fédérale
L’initiative populaire a donc du plomb dans l’aile. Afin qu’elle puisse entrer en ligne de compte pour une votation en mars 2023, le Conseil fédéral devrait la planifier au plus tard d’ici le 9 novembre. Avant cela, le Parlement devrait débattre de sa position sur la question lors de la session d’automne, en septembre. Le processus peut-il aboutir dans les temps? La Chancellerie fédérale, compétente en la matière, ne veut pas se prononcer tant que l’initiative n’a pas été déposée.
Les chances sont toutefois minces. Le «Tages-Anzeiger» a récemment pu consulter une note de l’administration fédérale. On y laisse certes entrevoir que les «procédures internes à l’administration seront rationalisées au maximum» lors du traitement de l’initiative. Mais même dans ce cas, il faudrait compter un délai de treize mois pour compléter les démarches. Et pour l’initiative Stop F-35, c’est déjà trop tard pour les votations de mars 2023.
«C’est une simple question de volonté politique»
Malgré tout, les initiateurs se montrent imperturbables. «Le calendrier est ambitieux, mais une votation en mars est toujours possible, affirme Marionna Schlatter avec conviction. C’est uniquement une question de volonté politique.» Les divers projets de loi en lien avec la pandémie de Covid-19 sont parvenus à la case votation en très peu de temps: «Alors qu’on ne vienne donc pas me dire qu’il n’y a pas assez de temps!»
Les partisans des F-35, de leur côté, sont sereins. «Les opposants ont joué au poker avec leur tactique de retard», déclare le conseiller aux Etats UDC Werner Salzmann, président de la Commission de la politique de sécurité.
Viola Amherd compte signer le contrat de vente sans attendre que l'option d'achat approche de son terme. Elle entend le parapher dès que le Conseil national aura donné son feu vert après le Conseil des Etats, en septembre déjà. L’initiative n’aura de toute façon pas d’effet rétroactif: «Un éventuel oui lors d’une votation n’aurait d’impact que sur l’achat d’une deuxième série d’avions. Une fois le contrat de vente signé, c’est définitif.» Si l’initiative passe dans un second temps, les conséquences seraient problématiques, estime Werner Salzmann: «La Suisse se verrait alors imposer une stratégie à deux flottes. Ce serait une absurdité.»
(Adaptation par Jessica Chautems)