L'ancien directeur de la division «Maladies transmissibles» de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), Daniel Koch, revient pour Blick sur ses années de service. En particulier sur la gestion de la pandémie de Covid-19. L'occasion aussi d'évoquer la nouvelle femme qui partage sa vie, une réfugiée ukrainienne.
Daniel Koch, nous pouvons observer des personnes portant un masque dans les transports publics. Devrions-nous tous le porter à nouveau?
Selon moi, il n'y a aucune raison de le faire. Les chiffres ne sont pas si alarmants et nous n'avons pas besoin d'une obligation de porter un masque.
Passerons-nous l'hiver en toute tranquilité?
Je suis à la retraite (rires) et ne peux plus m'exprimer qu'à titre privé. Si toutefois j'ai une bonne vue d'ensemble de la situation, je pense que tout va bien se passer. Il y a certes une augmentation des cas de Covid, mais cela n'a rien à voir avec la situation extrême de 2020.
En Chine, le nombre de contaminations de maladies respiratoires augmentent fortement...
Pour l'instant, je ne vois rien qui doive nous inquiéter en Suisse. Le pire est derrière nous.
Quelle a été la plus grande erreur que vous avez commise lorsque vous étiez «Monsieur Coronavirus»?
Du point de vue actuel, les interdictions de visite dans les hôpitaux et les maisons de retraite ont été une erreur. Je me sens coupable quand je pense que les personnes âgées ont été laissées seules au moment de mourir et que leurs proches n'ont même pas pu leur dire au revoir. On ne peut pas réparer cela.
Pendant la pandémie, vous faisiez parfois des journées de 19 heures. Vous ennuyez-vous en tant que retraité désormais?
Pas du tout. Je travaille comme consultant et j'ai aussi beaucoup à faire dans ma vie privée, car j'ai une nouvelle compagne qui vient d'Ukraine. Je soutiens Natalia et son fils autant que je peux.
Comment avez-vous rencontré votre femme?
Je vivais seul et j'avais de la place chez moi. Après l'attaque de Poutine contre l'Ukraine, je me suis porté volontaire pour accueillir des réfugiés. L'ex-mari de Natalia et leur fils sont venus me rejoindre. Plus tard, j'ai rencontré Natalia et nous nous sommes mariés cet été.
Pourquoi n'êtes-vous pas venu nous voir avec elle?
Nous souhaitons garder l'identité de sa famille confidentielle. Natalia vient du nord-est de l'Ukraine, d'une localité proche de la frontière russe. Là-bas, les Ukrainiens parlent aussi le russe et sont donc les plus grands perdants de la guerre. Ils sont attaqués par les Russes et doivent en même temps prouver à Kiev qu'ils sont des Ukrainiens loyaux. Tout cela représente un lourd fardeau.
Sur votre pull figure l'emblème national ukrainien, le trident. Êtes-vous un patriote ukrainien?
J'ai acheté ce pull en Ukraine. Le trident représente la chute d'un faucon. J'aime ce motif, et j'essaie bien sûr de soutenir l'Ukraine. C'est ainsi que je m'engage pour la fondation there-for-you.ch.
Vous avez travaillé en étroite collaboration avec le conseiller fédéral Alain Berset pendant la période Covid. Vous êtes-vous plaint auprès de lui après ses déclarations sur «l'ivresse de la guerre»?
Non. Mais je lui ai récemment envoyé un SMS pour le remercier de s'être rendu à Kiev.
Le virologue allemand Hendrik Streeck veut se présenter au Bundestag en 2025. Pourquoi ne pas vous reconvertir dans la politique?
Je n'ai pas d'ambitions dans ce domaine.
Avez-vous peur que le soutien à l'Ukraine s'affaiblisse?
Oui. Je suis outré que Roger Köppel, qui défend Poutine, ait invité l'autocrate hongrois Viktor Orban à Zurich et que d'anciens conseillers fédéraux comme Christoph Blocher et Ueli Maurer tiennent leur cour. Comment peut-on courtiser ainsi un antidémocrate? Ce n'est pas très suisse!
Comment la Suisse pourrait-elle s'engager davantage en faveur de l'Ukraine?
La Suisse se targue de défendre le droit international. Mais lorsqu'il a fallu soigner des soldats ukrainiens blessés, on a soudain affirmé: «Attendez, nous ne voulons que des civils.» Ça ne va pas? Selon le droit international, les soldats blessés ont également droit à une assistance médicale.
Que pourrait encore faire la Suisse?
Nous devons revoir notre conception de la neutralité. La Suisse empêche les pays de l'OTAN de soutenir l'Ukraine avec des armes. Et parallèlement, la Suisse n'a aucun problème à gagner de l'argent dans les sales affaires de pétrole de Poutine.
Il n'y aura pas de solution rapide sur le plan militaire. Comment pourrait-on malgré tout parvenir à un cessez-le-feu?
Il n'y a pas de paix sans compromis. Zelensky pourrait proposer à Poutine que la Russie se retire immédiatement des territoires conquis. En contrepartie, il y aura dans cinq ans un référendum sous contrôle international pour savoir si les gens préfèrent appartenir à la Russie ou à l'Ukraine.
Des organisations comme Alliance Sud craignent qu'il reste moins d'argent pour la coopération au développement en raison de l'engagement en faveur de l'Ukraine.
Cette inquiétude est justifiée. Le Parlement veut faire des économies, mais il est fatal que cela se fasse sur le dos des plus pauvres.
Vous aviez un message pour Karin Keller-Sutter?
Madame Keller-Sutter fait ce que le Parlement lui ordonne. Je m'adresse donc à tous les parlementaires. Je mets en garde contre le fait de céder aux tendances populistes de droite et j'espère que les parlementaires feront preuve de courage. La coopération au développement est toujours un investissement à long terme dans l'avenir. Il n'y a pas de retour sur investissement rapide dans ce domaine. La Suisse, qui est l'un des pays les plus riches du monde, devrait être un modèle en matière de coopération au développement. Et non pas un pays qui fait des économies.
Pourquoi le Parlement est-il plus généreux avec l'Ukraine qu'avec l'Afrique?
L'Ukraine est culturellement et géographiquement plus proche de nous. Ce sont justement les populistes de droite au Parlement fédéral – ceux qui sont contre l'immigration – qui devraient s'engager pour plus d'argent dans la coopération au développement. Car des conditions stables sur place permettent d'éviter que les gens ne prennent le chemin de l'Europe.