Plus de béton, moins d'espaces verts! Voici une proposition pour le moins à contre-courant de la vague verte, qui milite contre le cloisonnement du sol et pour verdir les villes. Des propositions qui laissent l'économiste en chef de Raiffeisen Martin Neff de marbre. Pour lui, il faudrait plus d'espaces à bâtir, des villes densifiées, des forêts réduites. Ce serait la seule façon de faire baisser les prix galopants du marché immobilier, qui sont en effet dopés par une pénurie de terrains à bâtir.
Martin Neff estime que les communes d'agglomération proches des grands centres urbains peuvent se passer de forêts, et que celles-ci pourraient donc céder la place à des projets immobiliers. Il va même plus loin: «Tous les immeubles d'habitation n'ont pas besoin d'une surface verte imposée légalement, ni d'une place de jeu». Selon lui, de telles directives sont judicieuses à l'échelle d'un grand lotissement, mais pas pour des constructions individuelles. Martin Neff veut radicalement repenser l'aménagement du territoire en Suisse.
Zone à bâtir désespérément recherchée
De telles mesures pourraient contrecarrer l'explosion des prix sur le marché immobilier. Les prix des logements en propriété ont doublé au cours des vingt dernières années. A titre de comparaison, le revenu des Suisses a tout juste augmenté de 20% pendant cette période. Conséquence logique de cette situation: de moins en moins de personnes en Suisse peuvent s'offrir un logement en propriété. L'étude de Raiffeisen que Martin Neff présente dans la foulée de ses déclarations évoque une bulle immobilière. Pourtant, son éclatement ne serait pas pour bientôt. Elle présente toutefois des risques d'essoufflement.
Les besoins en logements augmentent
Les prix de l'immobilier ont augmenté sous l'effet d'une forte croissance économique et démographique: de plus en plus de personnes ont besoin de toujours plus de logements, de préférence sous forme de propriété. Cette forte demande, de surcroît alimentée par les faibles coûts de financement et les taux d'intérêts faibles, se heurte à la pénurie de terrain en Suisse: les prix s'envolent.
Libérer davantage de terrains à bâtir
Par ailleurs, la plupart des constructions actuelles sont des immeubles ou des lotissements dont les logements sont ensuite loués, et non vendus. Martin Neff pense dès lors qu'il faut libérer davantage de terrains à bâtir. Il demande une plus grande densification, non seulement dans les villes, mais aussi dans les agglomérations.
Et l'économiste de déplorer les obstacles réglementaires aux nouvelles constructions, particulièrement en zones urbaines et périurbaines. En Suisse, un permis de construire est loin d'être une garantie pour la réalisation de projets d'habitation. Les recours peuvent retarder, voire empêcher le début des travaux.
Limiter les possibilités d'opposition
«Il faut limiter les possibilités de recours», estime donc Martin Neff. Pour l'économiste en chef, il ne s'agit pas seulement de densifier vers l'intérieur des villes, mais aussi vers l'extérieur. Pour lui, les forêts n'ont de valeur que si elles servent de lieux de détente, et les forêts en proximité de zones urbaines n'en ont pas: «A mon avis, il existe entre les centres et les communes des agglomérations un espace qui n'est plus attractif en tant que zone de détente et qui pourrait être construit plutôt que d'étendre les constructions sur les prairies verdoyantes de la périphérie éloignée».
Les espaces verts augmentent le bien-être
Thomas Hardegger, vice-président de Casafair Suisse, est d'un tout autre avis. L'association s'engage pour une construction respectueuse du climat, un habitat sain et une utilisation mesurée du sol. «Il faut des zones de rencontre pour les mères et leurs enfants, pour les personnes âgées», explique-t-il. C'est essentiel pour le bien-être dans une commune et dans un quartier. Les zones de loisirs de proximité sont également importantes. Et ce sont généralement les espaces verts entre les lotissements dans les communes», ajoute Thomas Hardegger.
L'expert immobilier n'est pas opposé à une densification. Mais celle-ci ne devrait pas se faire au détriment des espaces verts. «Si chaque zone d'habitation permettait de construire un étage de plus, cela donnerait plus d'espace habitable sans perdre d'espace vert.»
(Adaptation par Jocelyn Daloz)