Une affiche rouge scotchée sur un mur, qui se termine par les mots «À BAS L'IMPÉRIALISME SUISSE, POUR UNE INTIFADA MONDIALE!» C'est le document transmis à Blick par un témoin de passage à Géopolis, où trainent encore des traces de l'occupation du hall du bâtiment de l'Université de Lausanne (UNIL) par des étudiants et activistes pro-palestiniens.
Lors de la conférence de presse de clôture d'occupation du collectif, ce mercredi 17 mai, un représentant de l'Université de Bâle avait terminé son intervention en anglais par le slogan «Longue vie à l'intifada estudiantine globale!», juste après avoir mentionné les «intimidations» subies de la part de son institution pour des slogans «complètement légaux» comme «Intifada until victory». L'utilisation de ce mot, qui se traduit de l'arabe au français par «soulèvement», n'est pas anodine.
«Soulèvement» ou «terrorisme»?
Il fait référence à deux épisodes de violence accrue dans l'histoire du conflit israélo-palestinien. La première Intifada, de 1987 à 1993, et la seconde Intifada, de 2000 à 2005. Si Israël considère ces périodes comme des campagnes de terrorisme palestinien, les Palestiniens y voient une révolte justifiée contre l'occupation et la colonisation.
Par ailleurs, ce mot décrit aussi des mouvements révolutionnaires survenus au Liban, en Irak, en Algérie, en Tunisie et dans le Sahara occidental. En particulier sur les campus américains, l'idée d'une «Intifada estudiantine» a déjà été évoquée à plusieurs reprises par les manifestants.
Question «de politique de classe»
Plus généralement, le premier paragraphe du texte, fermement ancré à gauche, indique: «La tâche impérative du mouvement est celle de l'élargissement. Nous, étudiantes et étudiants, nous devons nous coordonner pour construire un mouvement estudiantin de masse.» L'occupation à Géopolis ne constituerait donc que «les prémices» d'une mobilisation plus large.
Dans la réaction des institutions suisses et des universités au mouvement étudiant, le texte critique avant tout des «intérêts de classe». Le recteur de l'UNIL Frédéric Herman et son homologue de l'Université de Genève (UNIGE) Audrey Leuba — uniquement désignés par leur nom de famille — seraient «complètement soumis aux directives de l'État bourgeois».
«Les complices du génocide en Palestine sont les mêmes qui attaquent nos rentes, nos retraites et nos salaires!, déclare encore le texte blanc sur fond rouge. Ils ne sont guidés que par le profit!» Dans une rhétorique toute communiste, le document s'adresse ensuite aux «travailleurs et travailleuses», les seuls capables «de paralyser la société à travers des méthodes de lutte des classes comme la grève».
Grève des «travailleurs» des TPG?
Une façon de demander «l'aide de la classe ouvrière» pour «aller jusqu'au bout» de leurs revendications et «faire pression sur l'État». Fait intéressant, les rédacteurs de ce texte évoquent avoir obtenu les soutiens de certains «travailleurs» de Transports publics genevois (TPG).
«Nous vous soutenons, et on vous laissera bloquer les trams si vous voulez», auraient répondu des employés des TPG aux «camarades» genevois. De quoi rallier les corps étudiants et salariés sensibles à la cause palestinienne. «Unis, nous vaincrons!» et «FRAPPONS ENSEMBLE», invitent encore deux des dernières phrases avant l'appel à une «intifada mondiale».
Aller «jusqu'aux coups»
Le témoin de Blick a par ailleurs retrouvé une poésie dans les toilettes des filles, signée du nom du collectif d'occupants. Ces quelques rimes évoquent la volonté de continuer le combat, notamment dans une dynamique de violence, en projetant «notre armure jusqu'aux coups».
Le même témoin mentionne encore d'autres éléments de texte: une pierre à l'extérieur de Géopolis taguée «À Gaza, propageons l'intifada», ou encore des autocollants «Antisionistes parce qu'antifascistes» renvoyant au site Samidoun. Ce «réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens» est considéré comme terroriste en Allemagne, mais peut s'organiser comme bon lui semble en Suisse.