C’est une discorde plus que centenaire. Tissée d’affrontements réguliers, d’influences internationales. De violences, et de temps de paix qui ne durent jamais. Le conflit israélo-palestinien a été ravivé ce 7 octobre 2023 par les attaques meurtrières de la branche armée du Hamas — mouvement politique islamiste à la tête de la bande de Gaza — sur le territoire israélien.
Comprendre les tenants et aboutissants de cette nouvelle guerre — l’Etat hébreu a déclaré l’état de guerre le 8 octobre — n’est pas chose aisée. Un petit voyage dans le passé peut aider.
A la demande de Blick, Cyrus Schayegh, professeur en histoire et politique internationale au Graduate Institute de Genève et spécialiste du Moyen-Orient, a accepté de dresser une liste de dix dates clés de cette sanglante querelle à travers les siècles. De la fin du 19e siècle à nos jours, voici l’histoire d’un territoire qui n’a (presque) jamais connu la paix.
1881-1903: La Première Aliyah
À cause de l’antisémitisme montant en Europe, et des pogroms en Russie, certains juifs européens entament un premier grand exode en Palestine (mais aussi aux États-Unis et en Amérique latine), raconte Cyrus Schayegh. C’est ce qu’on appelle la Première Aliyah, qui sera suivie d’une deuxième vague de migration peu de temps après.
Les trois grandes religions monothéismes cohabitent alors sur le territoire palestinien, sous la houlette d’un Empire ottoman sur le déclin. C’est aussi le début de la doctrine sioniste, qui a pour objectif la création de l’État d’Israël.
1917: La déclaration Balfour
À l’aube de la fin de la Première Guerre mondiale, les Alliés (dont l’Empire britannique et la France), qui en sortiront vainqueurs, dessinent un nouveau partage du Moyen-Orient. Le 2 novembre, le secrétaire d’État britannique des Affaires étrangères promet au peuple juif la création d’un «foyer national juif» en Palestine: c’est la déclaration Balfour.
À ce stade, on ne parle pas encore d’un éventuel «État» juif. «Les Britanniques ont alors l’ambition de gouverner eux-mêmes ce territoire. Mais, pour moi, sans la présence de l’Empire britannique, le projet sioniste n’aurait pas abouti», analyse l’expert.
1948: La création de l’État d’Israël
«En 1948, c’est la fin de la Palestine mandataire, et donc de la présence britannique sur le territoire, explique le spécialiste en histoire internationale. Cette année-là signe le début d’un vrai État juif en Palestine.» C’est le résultat du vote du plan de partage de la Palestine le 29 novembre 1947 par les Nations unies (ONU), qui prévoit la création d’un État juif sur 60% des territoires de la Palestine mandataire.
Et l’académicien de préciser: «La création de cet État s’accompagne de ce qu’on appelle la Nakba (ndlr: catastrophe en arabe).» Ou l’exil forcé de 700’000 Palestiniens hors de leurs domiciles, à l’issue de la première guerre israélo-arabe, qui a duré de mai 1948 à mars 1949.
1967: La guerre des Six Jours
Lors de la guerre des Six Jours, qui oppose Israël à l’Égypte, la Jordanie et la Syrie, «L’État hébreu occupe la bande de Gaza et la Cisjordanie (ndlr: territoires palestiniens selon le plan de partage). Les populations de ces territoires n’ont alors pas les mêmes droits que les Palestiniens qui résident sur le territoire israélien. Ils sont traités comme des sujets coloniaux», souligne Cyrus Schayegh.
A la fin de cette guerre, Israël annexe deux territoires: Jérusalem-Est et le plateau du Golan — deux annexions non reconnues par la communauté internationale. L’Etat hébreu occupe aussi aujourd’hui encore une partie de la Cisjordanie. Mais s’est retiré des autres territoires qu’il occupait en 1967.
1993: Les accords d’Oslo
L’année 1993 est marquée par les historiques accords d’Oslo, entre autres encouragés par le président étasunien d’alors, le démocrate Bill Clinton. Le but? Entamer une résolution du conflit, et poser une base pour une autonomie palestinienne. Ces accords clôturent la première Intifada, marquée par le soulèvement de la population palestinienne. Une période de grande violence entre les deux peuples.
«On entrevoit alors enfin la possibilité d’un apaisement entre Israéliens et Palestiniens, affirme Cyrus Schayegh. Les années 1990 sont les années d’un espoir de paix, pour les Israéliens. Du côté des Palestiniens, cependant, ce n’est pas si simple, puisque des colons juifs continuent à affluer sur leurs terres.»
2000: La seconde Intifada
L’entrée dans le nouveau siècle met fin à l’espoir suscité par les accords d’Oslo. L’an 2000 rime avec le début de la seconde Intifada, qui désigne une nouvelle période de violence israélo-palestinienne, qui durera cinq ans.
«C’est un petit peu l’acte de décès de la solution à deux États, décrypte Cyrus Schayegh. Le peuple israélien a alors largement l’impression qu’il n’y a plus vraiment d’issue pacifique possible dans ce conflit. C’est le début de la doctrine de la gestion: si on ne peut pas résoudre le conflit, il faut le gérer. C’est-à-dire continuer à occuper les territoires palestiniens.»
2005: Le désengagement de la bande de Gaza
L’année 2005 met un terme à la seconde Intifada. C’est aussi et surtout l’année du lancement du plan de désengagement de la bande de Gaza, occupée par Israël depuis 1967. À noter cependant: malgré ce «désengagement», les Gazaouis ne contrôleront ni leurs frontières, ni leurs eaux territoriales, ni leur espace aérien.
2007: Le Hamas prend le pouvoir à Gaza
Depuis 2005, le Hamas, qui vise à l’établissement d’un État islamiste souverain, prend progressivement le pouvoir dans la bande de Gaza. Le mouvement politique islamiste, considéré comme terroriste par plusieurs pays mais pas la Suisse, qui dispose d’un bras armé, gagne même les élections en 2007, rappelle «France Info».
«Le Hamas, qui fonctionne presque comme une guérilla locale, ne reconnaît pas du tout Israël comme État, alors que ce sont les autorités juives qui ont la main haute, dans cette situation (ndlr: les frontières, les eaux territoriales, etc.), appuie Cyrus Schayegh. Dès lors et pendant les seize années suivantes, les confrontations militaires entre le Hamas et Israël n’ont pas vraiment cessé.»
2017: Pour Trump, Jérusalem est la capitale d’Israël
Le président étasunien républicain Donald Trump reconnaît, en 2017, Jérusalem comme étant la capitale d’Israël. Malgré l’opprobre de la communauté internationale.
Une décision controversée puisqu’Israéliens et Palestiniens revendiquent la ville sainte comme leur capitale. Pour mémoire, Jérusalem, qu’on a plusieurs fois tenté de mettre sous contrôle international, a une grande importance pour les trois grandes religions monothéistes (le judaïsme, le christianisme et l’islam).
2020: Les accords d’Abraham
Le 15 septembre 2020, les Émirats arabes unis et le Bahreïn signent, à Washington, les accords d’Abraham. Ces traités visent à normaliser (et apaiser) leurs relations avec Israël. Le Maroc et le Soudan suivront quelques mois plus tard.
Du côté des Palestiniens, jusque-là grandement soutenus par le monde arabe, ces accords sont vus comme une trahison. Car ils scellent, entre autres, le fait que le retrait d’Israël de toute la Cisjordanie n’est plus une condition pour la reconnaissance de l’Etat hébreu par ses voisins arabes.
En 2023, Israël et l’Arabie saoudite sont engagés un processus de normalisation. Celui-ci pourrait être mis à mal par la nouvelle guerre entre le Hamas et Israël, débutée ce 7 octobre
Si vous souhaitez en savoir plus sur le conflit israélo-palestinien, voici ci-dessous quelques références.
- L'ouvrage académique, mais accessible: «La question de Palestine», Henry Laurens, IV tomes, Fayard, 2002-2015.
- Le roman pour sensibiliser votre jeune ado: «Tant que la Terre pleurera...», Yaël Hassan, Casterman Poche, 2004.
- Le documentaire culturel: «Mes racines juives», Arte.
- Le documentaire avec un focus historique: «Israël, merci Moscou», émission «Les coulisses de l'histoire», Arte.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le conflit israélo-palestinien, voici ci-dessous quelques références.
- L'ouvrage académique, mais accessible: «La question de Palestine», Henry Laurens, IV tomes, Fayard, 2002-2015.
- Le roman pour sensibiliser votre jeune ado: «Tant que la Terre pleurera...», Yaël Hassan, Casterman Poche, 2004.
- Le documentaire culturel: «Mes racines juives», Arte.
- Le documentaire avec un focus historique: «Israël, merci Moscou», émission «Les coulisses de l'histoire», Arte.