Les journalistes anglais étaient un peu déçus lors de la conférence de presse de Steven Zuber, jeudi matin à Stuttgart. Que pense-t-il de l'équipe d'Angleterre? Quelles sont ses faiblesses? Quels joueurs l'impressionnent? Comprend-il que le sélectionneur Gareth Southgate soit critiqué? A toutes ces questions, le milieu offensif a répondu qu'il préférait se concentrer sur l'équipe de Suisse.
Mais quand même, un mot sur l'Angleterre? «Nous n'avons pas besoin de parler de leurs qualités individuelles, tout le monde les connaît.» La pression est sur les Three Lions, qui doivent gagner l'Euro, alors que la Suisse n'a pas autant de poids sur les épaules? «La pression, c'est vous, les journalistes, qui la mettez.» C'est tout? C'est tout.
Un pourcentage de chances? «Je ne suis pas un parieur»
Conscient de la déception de ses interlocuteurs, Steven Zuber a préféré en sourire. «En Suisse, nous ne sommes pas bons pour parler. Nous voulons l'être pour montrer nos qualités sur le terrain», a-t-il ajouté, en anglais, pour tenter d'atténuer un peu la frustration de ses interlocuteurs. Peut-il toutefois donner un pourcentage de chances à son équipe de battre l'Angleterre samedi? 50-50, 60-40, 30-70? «Non, rien de tout ça. Je ne suis pas un parieur», a-t-il répondu. Tant pis pour les gros titres du «Sun» ou du «Daily Mail».
Le fait est que, trois ans après avoir éliminé la France à Bucarest, l'équipe de Suisse se trouve à l'aube d'un nouvel exploit, étant entendu qu'avoir sorti l'Italie en 8es cette année n'a pas été considéré comme tel, que ce soit par les joueurs, leur entourage ou l'opinion publique dans son ensemble. Et cette perspective-là réjouit Steven Zuber, lequel, à 32 ans, n'a pas encore quatre grands tournois à disputer.
En 2021, la Suisse s'était lâchée
«C'était vraiment une soirée spéciale. Nous ne sommes pas un pays qui montre volontiers ses émotions, donc c'était très étonnant de recevoir toutes ces vidéos depuis la Suisse, où on voyait la population fêter de manière aussi exubérante. Nous avons réussi à battre la France grâce à notre attitude, à notre confiance, à notre langage corporel. Nous avons toujours cru en nous. Bien sûr que nous voulons dégager la même chose samedi», a expliqué le joueur de l'AEK Athènes, lequel est conscient que la Suisse est à 90 ou 120 minutes de marquer l'histoire et d'atteindre les demi-finales d'un grand tournoi pour la première fois de son siècle d'existence.
Le plafond de verre peut-il être brisé, comme il l'a déjà été il y a trois ans? «En tout cas, j'espère qu'on ne se fixe aucune limite, que ce soit en tant que joueurs ou en tant que nation. J'espère que cette idée est loin derrière nous, que l'on peut se permettre de penser grand et pas toujours petit. Mais bien sûr, nous savons d'où nous venons et ce que cela représente pour la Suisse de rivaliser si souvent avec des grandes nations.»
Comment explique-t-il la force de cette équipe, d'ailleurs? «On se connaît depuis dix ou quinze ans, il y a même des physios que je connais depuis les M16! Cette équipe a énormément de qualités et, plus globalement, la qualité de la formation est top en Suisse. On travaille ensemble, c'est vraiment le mot qui ressort le plus, et je pense que c'est une donnée importante. Nous n'avons pas le réservoir des grandes nations, mais nous travaillons bien dès le plus jeune âge, sans trop de pression non plus. Dans d'autres pays, si tu ne performes pas tout de suite, il y a du monde pour prendre ta place. Ici, on a peut-être un peu plus le temps, vu qu'il y a moins de joueurs. Et, de nouveau, le fait d'évoluer ensemble et de grandir ensemble te permet d'être performant collectivement.»
«Je connais mon rôle et je l'accepte»
Si la Suisse entend bien réussir ce qu'elle n'a pas fait en 2021, à savoir passer les quarts, Steven Zuber, lui, se tient prêt à jouer et à être utile ce samedi. Alors qu'il avait brillé face à l'Estonie lors du premier match de préparation, il s'est blessé lors du second contre l'Autriche et n'est réapparu que lors du 8e de finale face à l'Italie, jouant 19 minutes. Dommage, car il semblait être parti pour jour un rôle en vue dans cette compétition. «C'est ainsi. Je me tiens prêt. Je connais mon rôle et je l'accepte», a-t-il répondu ce jeudi, lui qui est le meilleur passeur du dernier Euro, avec quatre assists, et a dans la foulée signé à l'AEK Athènes.
«J'ai eu d'autres propositions, mais il a toujours manqué quelque chose, des détails. L'AEK réunissait toutes les conditions et m'a convaincu. Et je ne regrette pas mon choix, bien au contraire. Nous n'avons pas été champions cette année, une grande déception, mais c'est grâce à l'AEK que je suis à l'Euro aujourd'hui. C'est un club qui vit de la passion, avec un nouveau stade, qui est un véritable chaudron, dans une ville folle de sport», avait-il déclaré, juste avant le début de l'Euro, lors du camp d'entraînement de la Nati à Saint-Gall.
«Etre vu comme un bon être humain»
Alors qu'à 32 ans aujourd'hui, il gagne des trophées en Grèce après en avoir gagné en Russie avec le CSKA Moscou et avoir réussi une très honnête carrière en Bundesliga, se sent-il un peu sous-estimé en Suisse? «Je ne sais pas si les gens sous-estiment ma carrière et ce n'est pas important. Elle n'est pas finie d'ailleurs, j'ai encore quelques trophées à soulever, j'espère! Pour être sincère et répondre pleinement à votre question, je ne m'intéresse plus trop à ce que les gens disent de moi. Je suis très neutre par rapport à ça, ce qui n'était pas le cas à mes débuts. Plus jeune, je m'intéressais à ce que l'on disait de moi, mais c'est du passé. Tout ce qui m'importe aujourd'hui, c'est d'être vu comme un bon être humain. Le reste, ça va et ça vient.»