Où se situe cette qualification dans l'histoire plus que centenaire du football suisse? Dans les moments forts, sans aucun doute, la Suisse s'apprêtant à disputer son troisième quart de finale dans une grande compétition, après la Coupe du monde 1954 et l'Euro 2021.
Mais ce match de Berlin ne rentrera sans doute pas dans l'histoire collective du pays de manière aussi intense, soudaine, et foudroyante que la victoire face à la France, voici trois ans quasiment jour pour jour à Bucarest, car d'exploit, en réalité, il n'y a pas eu ce samedi soir à Berlin: la Suisse s'est qualifiée logiquement et sans trembler, face à un adversaire qu'elle a largement dominé du début à la fin.
Pour le dire clairement, la Suisse s'est rendu le match tellement facile qu'à aucun moment, absolument aucun, sa qualification n'a revêtu le moindre doute. Au final, la Nati s'est imposée 2-0 contre une équipe d'Italie dont elle a fait ce qu'elle a voulu du début à la fin.
Voilà donc la Suisse en quarts de finale de l'Euro, samedi prochain à Düsseldorf à 18h, soit face à l'Angleterre, soit face à la Slovaquie, qui s'affrontent ce dimanche à 18h à Gelsenkirchen. Qui l'aurait dit avant l'Euro? Levez la main? Vous êtes, nous sommes, bien peu.
Murat Yakin a retrouvé sa touche magique
Pour remplacer Silvan Widmer, suspendu, le premier réflexe de Murat Yakin avait été de dire à Leonidas Stergiou de se tenir prêt, poste pour poste. Mais le sélectionneur s'est ravisé au fil de la semaine et a décidé de titulariser Dan Ndoye à ce poste de piston, afin de mettre la pression sur la défense italienne, et de replacer Ruben Vargas (pas à 100% et remplaçant contre l'Allemagne) à son meilleur poste, derrière Breel Embolo, à côté d'un Fabian Rieder qui avait gagné le droit d'enchaîner. Une fois de plus, les choix du sélectionneur ont été gagnants à 100%. Si l'équipe de Suisse s'est métamorphosée en six mois, depuis son automne pourri, elle le doit aussi à la «touche magique» retrouvée de la part de son technicien, lequel a le bonheur de voir toutes ses intuitions récompensées depuis le début de l'Euro. Ce samedi berlinois en a apporté une nouvelle preuve.
Les chiffres officiels à la pause parlaient d'eux-même: 10 tirs à 1 pour la Suisse, 31 attaques développées contre 7 pour la Squadra et 58% de possession de balle pour la Nati! Des chiffres incroyables, qui ont même fait persifler quelques supporters, lesquels se sont ironiquement demandés si la Suisse affrontait l'Italie ou Saint-Marin...
La Suisse avait des arguments légitimes en sa faveur pour s'avancer confiante dans cette partie, mais personne n'aurait pu imaginer une domination aussi nette, aussi totale et aussi dénuée de sentiments envers cette équipe d'Italie étouffée dans tous les secteurs du jeu.
Remo Freuler ouvre la marque de manière extrêmement méritée
Breel Embolo a eu l'occasion d'inscrire le 1-0 à la 24e déjà sur une ouverture lumineuse de Michel Aebischer, mais a buté sur Gianluigi Donnarumma, très à son affaire. Le gardien italien n'a cependant rien pu faire sur la reprise du gauche, à dix mètres de lui, de Remo Freuler à la 37e. Bien servi par Ruben Vargas, le milieu de terrain de Bologne a fait le geste juste et Gianluigi Donnarumma n'a pu que toucher le ballon, mais pas suffisamment pour empêcher la Suisse de mener 1-0 de manière extrêmement méritée. Et cette fois, Remo Freuler n'aura pas besoin de s'excuser après coup...
L'Italie en première période? Trois fois rien. Quelques coups de pieds arrêtés plus ou moins bien tirés, une ou deux offensives timides, un déboulé de Stephan El Shaarawy. C'est tout? C'est tout.
Fabian Rieder passe tout près du 2-0 avant la pause
La Suisse a même été tout près d'inscrire le 2-0 sur un coup-franc de Fabian Rieder, que Gianluigi Donnarumma a pu dévier sur son poteau, puis, avec un peu de réussite, en corner. L'Italie était déchirée en huit, incapable de ressortir le moindre ballon, complètement dominée par une épatante équipe de Suisse.
Le plan de l'Italie était-il d'immédiatement réagir en deuxième période? Personne ne le saura jamais puisqu'il a fallu exactement 32 secondes à Ruben Vargas pour inscrire le 2-0 d'une frappe enroulée splendide dans la lucarne italienne! Quel but de l'attaquant d'Augsbourg, lequel a exprimé ces dernières semaines son envie de changer de club et d'évoluer dans sa carrière! Il se sera fait une belle publicité sur cet Euro et surtout sur ce 8e de finale, avec un but, un assist et le titre amplement mérité d'homme du match.
Fabian Schär trouve le poteau de... Yann Sommer
L'Italie, concassée, martyrisée, humiliée, se créait sa première chance de marquer à la 52e lorsque... Fabian Schär, même pas sous pression, trouvait le poteau de Yann Sommer de la tête! Cet autogoal aurait été tellement risible qu'il a failli survenir et la Nati a eu beaucoup de chance sur ce coup-là. Mais en même temps, elle se le serait fabriquée toute seule, celui-là.
Une défense de fer, et le mot est faible
Il faut d'ailleurs saluer, comme depuis le début du tournoi, l'extrême solidité de la défense suisse durant ce match. À l'exception de l'entame de match contre l'Ecosse, les trois axiaux sont simplement monumentaux depuis le début du tournoi, le patron Manuel Akanji en tête. Le défenseur central de Manchester City est l'un des meilleurs depuis l'entame de l'Euro, toutes nations confondues, et il est magnifiquement secondé par Fabian Schär, à sa droite, et Ricardo Rodriguez, à sa gauche. Là encore, la décision de Murat Yakin de jouer à trois centraux, inspirée par le Bayer Leverkusen de Granit Xhaka, était une idée que l'on peut qualifier d'excellente sans risque d'exagérer.
Alors que la Suisse contrôlait tranquillement le rythme de la partie, Murat Yakin remplaçait Ruben Vargas par Steven Zuber à la 70e, de même que Fabian Rieder par Leonidas Stergiou. Celui-ci s'est installé au poste de piston droit, Dan Ndoye montant d'un cran. Cinq minutes plus tard, Vincent Sierro et Kwadwo Duah remplaçaient Dan Ndoye, justement, et Breel Embolo. La Suisse entendait clairement gérer jusqu'à la fin, sans s'exposer, ce qu'elle a admirablement fait. Et Renato Steffen a même eu droit à une minute de jeu à la place de Michel Aebischer à la 91e!
L'Italie a (un peu) réagi en cours de deuxième période
Entre ces deux sessions de remplacement, une petite frayeur quand même, avec un poteau de Gianluca Scamacca à la 73e, mais il y a fort à parier que la réussite, si réussite il y avait eu, aurait été annulée pour une position de hors-jeu non signalée en direct. Qu'importe: la Suisse est restée souveraine et a amplement mérité sa qualification.
La seule question est désormais de savoir où la Nati va s'arrêter. Et si les 6000 supporters présents ce soir ont une chance de revoir Berlin le 14 juillet... Il est trop audacieux de le penser? Évidemment. Mais il aurait également été incroyablement présomptueux d'imaginer cette équipe de Suisse dominer autant l'Italie dans un match à élimination directe d'un grand tournoi.