Deux joueuses, deux générations
Nati féminine: en vingt ans, peu de changement

Deux joueuses, deux générations. En pleine préparation de matches de qualification pour la Coupe du monde 2023, Blick a rencontré Ella Touon (18 ans) et Gaëlle Thalmann (36 ans). Plongée dans leurs parcours, qui révèlent la lente évolution du football féminin.
Publié: 13.04.2022 à 15:45 heures
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Dernière mise à jour: 13.04.2022 à 16:03 heures
Ella Touon (à gauche) et Gaëlle Thalmann devant le bus de la Nati à Kloten.
Photo: Arthur Cellard Du Sordet
Arthur Du Sordet, Mateus Carvalho et Noemi Cinelli

Lorsque les deux joueuses nous ont rejoints dans le salon de leur hôtel à Kloten, pas de bagarre pour savoir qui aurait le meilleur fauteuil: Ella Touon a volontiers laissé la place à son aînée, Gaëlle Thalmann. Nous les avons retrouvées quelques jours avant leur envol pour la Roumanie, où la Nati féminine disputait vendredi dernier son septième match de qualification pour la Coupe du monde 2023 (1-1). Décontractées et complices, les deux coéquipières ont raconté leur évolution au sein d’un sport en pleine mutation.

En vingt ans, peu de changement

Hasard ou non, 2003 marque à la fois l’année de naissance d’Ella Touon et celle où Gaëlle Thalmann devient joueuse en première division. Malgré deux décennies d’écart, leurs premiers pas dans le foot se font écho.

«Je joue depuis que j’ai commencé à marcher», raconte la Schwytzoise Ella Touon, dans un français presque parfait. Dans son jardin comme premier terrain, la benjamine shootait le ballon rond entourée de garçons. «Pareil de mon côté, poursuit Gaëlle Thalmann. Je jouais sur la route, avec mes voisins, avant de commencer en club à l’âge de 8 ans.» Jusqu’à l’adolescence, les deux joueuses évoluent dans des équipes masculines.

L’idée de devenir professionnelle, la gardienne Gaëlle Thalmann la nourrit avec conviction depuis les bancs de l’école primaire. Par contre, elle s’imaginait dans une équipe masculine. Aux dires de sa collègue, Ella Touon esquisse un sourire: «Je me suis toujours dit que le jour où je devrais rejoindre une équipe féminine, j’arrêterais», confie-t-elle en évoquant les a priori qu’elle nourrissait.

Ella Touon lors du match amical contre l'Irlande du Nord.
Photo: TOTO MARTI

En filigrane se dessine le manque de modèles qui touche parfois le football féminin. «À mon époque, il n’y avait vraiment aucune visibilité pour les footballeuses. Mes idoles étaient Gianluigi Buffon, Iker Casillas ou encore Oliver Kahn», se rappelle la Fribourgeoise de 36 ans. Là encore, Ella Touon acquiesce d’un signe de tête: «Je n’étais même pas consciente que les femmes jouaient.» Cela ne les a pas empêchées d’endosser respectivement les couleurs du FC Riaz en 2000 et du FC Essen féminin en 2019. Depuis, les deux sportives n’ont pas lâché le ballon et jouent au plus haut niveau.

«On considère encore que le foot est mon hobby»

Beaucoup de footballeuses ne peuvent pas vivre de leur sport. Souvent, les montants gagnés les contraignent à jongler entre carrière sportive, vie professionnelle et formation. Ce n’est pas exactement le cas de Gaëlle Thalmann. Pour elle, c’est un choix. Après un master en histoire et différents emplois, la gardienne occupe désormais un poste au sein de l’Association Suisse de football (ASF).

Gaëlle Thalmann n'a pas pu empêcher la défaite des siennes contre l'Italie, mardi à Thoune (0-1).
Photo: RvS.Media/Basile Barbey/Getty Images

Ella Touon, quant à elle, fréquente les classes d’un gymnase allemand, à Essen, en vue de repartir avec son diplôme de maturité cette année. Alors qu’elle évolue au plus haut niveau, l'étudiante confie que son entourage considère toujours le football comme son hobby. «C’est comme si je faisais de la musique dans mon temps libre. Alors que pour moi, la priorité c’est le foot (rires)

Le football féminin devrait-il gagner en considération pour qu’elle puisse en vivre un jour? «D’un côté oui, je veux en tout cas passer une année à me consacrer uniquement au foot. D’un autre, j’aime parfois faire quelque chose de différent et fréquenter des gens qui ne sont pas dans le milieu», répond la jeune défenseure. «J’ai aussi besoin d’avoir quelque chose à côté qui m’offre d’autres perspectives, surenchérit Gaëlle Thalmann. Parce que le foot, c’est super, mais il y a d’autres choses dans la vie.»

Des tribunes qui se remplissent

Meilleures conditions d’encadrement, salaires plus élevés et amélioration du niveau de jeu, la gardienne se réjouit des avancées qui s’observent depuis plusieurs années dans le football féminin. Le plus marquant pour Gaëlle Thalmann? «Le fait qu’un match soit devenu un véritable événement. Avec mon club (ndlr: le Betis), on a joué le derby à Séville devant près de 12’500 personnes, raconte-t-elle. Le fait de jouer dans un stade avec autant de monde, de signer des autographes à la fin du match et d’avoir des gens présents dès que le bus arrive au stade fait que l’on se sent vraiment professionnelle.» Des conditions encore impensables au début de sa carrière, quand les petites tribunes des stades peinaient à se remplir.

À l'été 2023, le public devrait être au rendez-vous pour la Coupe du monde de football féminin, avec ou sans qualification de la Suisse. L’équipe masculine de la Nati joue, quant à elle, à coup sûr cette année. Mais qui a le plus de chances de ramener la coupe à la maison? «En premier? Les hommes, mais uniquement parce qu’ils la jouent avant nous!», répondent en chœur les deux footballeuses, dans un éclat de rire.

L'avenir du journalisme

Cet article a été réalisé par des étudiants de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de Neuchâtel. Ces derniers sont allés à la rencontre de l'équipe de Suisse durant leur préparation dans la région zurichoise. Un atelier organisé par Ugo Curty, notre journaliste spécialiste football.

Les productions des étudiants de l'AJM avant la «finale» contre l'Italie:

Cet article a été réalisé par des étudiants de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de Neuchâtel. Ces derniers sont allés à la rencontre de l'équipe de Suisse durant leur préparation dans la région zurichoise. Un atelier organisé par Ugo Curty, notre journaliste spécialiste football.

Les productions des étudiants de l'AJM avant la «finale» contre l'Italie:

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