Pour certains, il s’est fait un nom il y a 10 ans, en endossant le rôle de Bilbon Sacquet au cinéma dans «Le Hobbit» de Peter Jackson. Mais Martin Freeman, 50 ans aujourd’hui, avait pourtant déjà brillé dans des séries. L’acteur britannique, à la bouille ronde sans âge perpétuellement souriante, semble même concentrer toutes les évolutions du format sériel de ces vingt dernières années en une carrière. Il est passé de la sitcom au drame, des feuilletons en cinq saisons à ceux en cinq épisodes, avec toujours la même aisance déconcertante. Blick vous résume son parcours en cinq séries qui valent le coup d’œil.
«The Office UK» (Canal +)
On a tendance à l’oublier car le remake américain de «The Office», avec Steve Carell, est celui qui inonde aujourd’hui nos internets de memes tous plus cultes les uns que les autres, mais cette sitcom a d’abord eu une version britannique, diffusée entre 2001 et 2003. Martin Freeman y joue le rôle de Tim Canterbury, bonne pâte mais grand anxieux, coincé dans un job de commercial qu’il déteste.
La série, créée par Ricky Gervais (qui joue également le rôle principal) est un monument de malaise et d’humour absurde, au milieu duquel Martin Freeman oscille entre la timidité et l’impertinence. Son Tim Canterbury est adepte des blagues les plus débiles et du flirt le plus gênant avec Dawn, l’hôtesse d’accueil de l’entreprise. Déjà un bon aperçu du talent de l’acteur.
«Sherlock» (Prime Video)
Dans cette adaptation moderne des aventures du détective créé par Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes est un détective consultant (joué par Benedict Cumberbatch) et John Watson un ancien médecin de l’armée britannique revenu blessé d’Afghanistan. Tous deux résolvent les enquêtes les plus complexes en utilisant toutes les technologies modernes, ayant abandonné chapeaux vintage et costumes de tweed en route.
Martin Freeman endosse ici le costume parfois mal taillé de faire-valoir pour en révéler toute l’élégance. Son Watson, sans aucun doute moins flamboyant que le Holmes de Cumberbatch, se révèle peu à peu son égal. Il faut du panache pour habiter les grands rôles mais du génie pour faire briller les seconds. Tout en sobriété, Martin Freeman tire leur duo vers le haut pour proposer un docteur Watson dont on ne se moque jamais, contrairement au personnage des romans originels.
«Fargo» (Netflix)
En reprenant son titre, Noah Hawley, le créateur de la série «Fargo», a également emprunté l’atmosphère, la localisation et l’humour noir du célèbre film des frères Coen. Dans la première saison, Martin Freeman interprète le rôle de Lester Nygaard, commercial en assurance sans histoire au fin fond du Minnesota, jusqu’à sa rencontre avec Lorne Malvo (Billy Bob Thornton), tueur à gages. À partir de là, l’individu effacé et ennuyeux laisse place à un manipulateur hors pair porté sur le meurtre à coups de marteau.
Martin Freeman le Britannique a dû bosser dur pour remplacer son accent par celui du Minnesota… et son image de gentil garçon par celle d’un type sans aucun sens moral. C’est d’ailleurs peut-être là, dans le fossé entre son physique de monsieur-tout-le-monde et sa capacité à interpréter des gens qui vrillent, que se nichent les plus grands rôles du comédien.
«Breeders» (Canal +)
«Je mourrais pour ces gosses. Mais souvent, j’ai aussi envie de les tuer.» Voilà comment Paul, le personnage principal de «Breeders», résume son état d’esprit et le pitch de cette série que Martin Freeman a co-créée, en plus d’en jouer le premier rôle. Marié avec Ally, il se débat pour faire survivre son couple et sa santé mentale au milieu de ses deux enfants intenables. Une histoire très simple que Martin Freeman a toujours assumée comme inspirée de sa propre expérience de la parentalité.
Dans «Breeders», voilà donc ce père aimant et dépassé à la fois, contraint de s’observer perdre ses nerfs. Dans la plus pure tradition de la comédie britannique, la série allie humour noir, dialogues ciselés et sens du rythme impressionnant. Surtout, elle n’oublie pas d’abandonner parfois son ton grinçant pour ménager de vrais instants de légèreté, qui rappellent tout de même que l’ingratitude du quotidien n’entame jamais l’amour, le vrai.
«The Responder» (Canal +)
Tout juste sortie sur Canal +, «The Responder», mini-série en cinq épisodes, a été écrite par Tony Schumacher, un ancien policier de Liverpool reconverti en écrivain, puis scénariste. Il s’est inspiré de sa propre expérience pour donner vie à son personnage principal, Chris Carson, patrouilleur de nuit. Chaque soir, ce flic solitaire vient en aide à des SDF, sépare des bagarreurs imbibés à la sortie des bars ou intervient auprès de victimes de violences conjugales. Et, quasiment chaque fois, quelqu’un finit par lui demander si tout va bien. Car Chris Carson est dépressif, corrompu, et cela se voit. À force d’être témoin de toute la misère du monde, y compris celle de sa propre mère agonisante, y compris celle de son couple qui se délite, il perd pied.
De tous les plans, Martin Freeman emporte le morceau de cette série haletante, qui parvient à donner un nouveau souffle au polar nocturne. La caméra colle de près à son visage marqué par les souffrances, les siennes et celles des autres, qu’il tente en vain d’exorciser sur le terrain ou devant une psychiatre. La grande réussite de «The Responder» est d’arriver à ne jamais faire de lui ni un héros ni un vilain, mais bien un homme conscient qu’il n’est jamais à la hauteur de celui qu’il aimerait être.