Natasha, 38 ans, aime son indépendance et fumer pendant les soirées poker avec ses copines en sirotant un whisky. Le problème, c’est que ses copines, justement, n’ont plus le temps de se livrer à ces petits plaisirs. L’une a désormais un enfant, dont il faut calmer les pleurs ou changer la couche entre deux quintes flush royale, et l’autre annonce, dès les premières minutes de la série «The Baby», qu’elle est enceinte. Mal à l’aise, Natasha décide de passer un week-end au vert dans un cabanon coupé du monde. C’est là qu’un soir, un bébé lui tombe (littéralement) dans les bras.
Diffusée depuis lundi sur HBO et OCS, «The Baby» part de cette trame simple pour lorgner ensuite du côté de «L’Exorciste» ou «Rosemary’s baby». Car autour du fameux bébé débarqué dans la vie de Natasha, les gens ont tous tendance à mourir aussi bêtement que rapidement. Et peu à peu, le sourire éclatant du bambin après chaque décès atroce ne laisse aucune place au doute: ce petit diablotin n’y est pas pour rien. Mais il est impossible de s’en débarrasser. Chaque fois que Natasha essaie de l’abandonner quelque part, l’enfant revient toujours, avec généralement quelques victimes supplémentaires au compteur.
Une comédie noire sur les affres du post-partum
Créée par Siân Robins-Grace et Lucy Gaymer, «The Baby» est née sous de bons auspices: la première a produit «Sex Education», la seconde a signé la musique de «Fleabag». On retrouve dans «The Baby» l’audace de ces deux séries-là mais dans un genre très différent. Les six épisodes (sur huit) que la presse a pu voir passent sans transition de la comédie noire «so british» au gore, en passant par une étrangeté déstabilisante qui rappelle «Twin Peaks», avec un sens aigü du rythme et des ruptures de ton.
Sous ses airs de slasher, la série aborde la réalité complexe de la maternité. Confrontée à cet enfant, Natasha perd d’abord toute vie sociale, en même temps que le sommeil, métaphore de l’épuisement et de la solitude qui frappent bien des parents à la naissance de leur progéniture. Viennent ensuite les pressions délirantes de la société, y compris des autres femmes, pour faire tout ce qu’on attend d’une mère parfaite. «The Baby» met enfin en scène des personnages qui brisent tous les tabous liés à la dépression post-partum et au regret d’avoir enfanté, jusqu’au plus grand d’entre eux lorsqu’une mère bon chic bon genre explique très calmement qu’elle a parfois envie de jeter son rejeton par la fenêtre.
Résolument féministe et divertissant
Mais on aurait tort de réduire la série à une dissection savante du mal de mère. C’est plus subtil que cela. Natasha est certes agacée par ses amies obnubilées par leurs bambins, puis fort démunie face à celui que le hasard a placé sur sa route. Mais sa soeur, Bobbi, est quant à elle une jeune femme lesbienne rongée par la tristesse de ne pouvoir adopter un enfant avec sa compagne. Résolument féministe dans ses représentations, «The Baby» se garde bien de faire la morale ou de juger les aspirations de qui que ce soit tout en veillant à rester, d’abord et avant tout, une simple comédie horrifique divertissante.
La série est portée par un casting aussi méconnu que talentueux, avec en figure de proue l’actrice Michelle de Swarte, repartie avec le prix d’interprétation du festival SeriesMania pour le rôle de Natasha. À ses côtés, Amira Ghazalla (brièvement aperçue dans la première saison de «Game of Thrones») brille en espèce de sorcière vengeresse. Ce sont elles qui, lorsque «The Baby» semble perdre sa fluidité et son propos de vue, la remettent toujours sur de bons rails.