Tout commence, un peu comme dans «Friends», avec des amis trentenaires qui se trouvent pour certains être également colocataires. Dans «Hashtag Boomer», série française produite par OCS et diffusée sur la RTS et le Play RTS à partir de dimanche 24 avril, ils sont quatre, deux filles et deux garçons, à partager leur quotidien et l’intrusion permanente de leurs parents. L’impétueuse Dany, à la manucure toujours impeccable, porte son indépendance en bandoulière, du moins jusqu’à ce que sa mère désoeuvrée ne vienne squatter son canapé (ce qui arrive environ un jour sur deux). Raoul a le problème inverse: il ne voit jamais sa génitrice, Amanda Lear (la seule et unique, dans son propre rôle) qui l’a toujours caché à tout le monde. La discrète Margot, elle, vit chez ses parents, gestionnaires d’un karaoké dépourvus de téléphone portable. Et ces trois-là ont bien du mal à contenir leur surprise et leur jugement lorsqu’Hassan, le dernier de la bande, annonce qu’il va devenir papa après seulement six mois de relation ombrageuse avec une bourgeoise ultra-catho.
«Hashtag Boomer» s’aventure sur le sentier déjà bien balisé de ces comédies intergénérationnelles sans prétention qui inondent les écrans, mais avec une modernité et une fraîcheur tout à son honneur. La créatrice de la série, Constance Maillet, prend par exemple le thème de la transmission à contresens: ici, ce sont les jeunes qui apprennent des choses à leurs parents. Dany inscrit sa mère sur une application de rencontre, Margot seconde son père en pleine dépression mal diagnostiquée et Hassan lutte pour que ses parents, divorcés avec pertes et fracas 18 ans plus tôt, acceptent de se retrouver dans la même pièce pour le baptême de son futur enfant. Une fois par épisode, un personnage brise le quatrième mur et livre face caméra un tuto décalé pour expliquer les termes barbares du monde contemporain, des fake news à l’ubérisation.
Des personnages étranges et attachants
Il faut se laisser porter par les personnages principaux et leur délicieuse étrangeté. Constance Maillet a le don de dépeindre très justement une génération tiraillée entre l’acceptation de soi et des questionnements existentiels partagés avec leurs aïeuls depuis des décennies. En témoigne le personnage de Raoul, peut-être le plus réussi des quatre, qui assume complètement son vernis à ongles, ses jupes et le papier peint à fleurs de sa chambre mais se heurte sans cesse, qu’il le veuille ou non, à des filles plus sensibles aux codes traditionnels de la masculinité. Ou celui de Dany, certes libre sexuellement et professionnellement, mais qui aimerait surtout savoir d’où elle vient alors qu’elle n’a jamais connu son père.
«Hashtag Boomer» ne fait pas partie de ces séries dont on dévore chaque épisode dans un éclat de rire, plutôt de celles qui nous attachent lentement mais sûrement à leurs personnages pour mieux nous faire exploser leur mélancolie à la figure. Et la mélancolie, justement, n’a pas d’âge. Elle se cultive savamment tout au long de la vie. «Tu vas mettre un gros sparadrap sur ta douleur, qui va s’arracher quand tu auras 50 ans, tu vas te retrouver comme Britney Spears à te raser la tête et à hurler au désespoir parce que t’as aucune idée de qui t’es», prédit ainsi Raoul à Dany. C’est précisément parce que la série ne creuse aucun fossé générationnel infranchissable entre les parents et leurs désormais grands enfants, qu’elle donne à voir dès 30 ans les mêmes doutes qu’à 60, qu’elle permet d’envisager une réconciliation entre les boomers et ceux qui ont décidé de les appeler ainsi.