La politique est une matière inépuisable pour la fiction. Parce qu’elle recèle son lot de mystères, de réflexions sur le pouvoir et l’organisation de la société, mais aussi une bonne dose de scandales. Voici cinq séries sur la politique et les jeux de pouvoir qui valent le détour.
«Gaslit» (Starzplay)
La petite nouvelle de notre sélection est diffusée à partir du 24 avril et revient sur l’un des scandales les plus connus de l’histoire politique: celui du Watergate. Des films comme «Les Hommes du président» ou, plus récemment, «Pentagon Papers», ont déjà raconté comment l’administration de Richard Nixon avait, en 1972, placé sur écoute le quartier général de l’opposition démocrate.
Mais jusqu’ici, c’était surtout le point de vue des enquêteurs et journalistes qui était adopté. La série «Gaslit», elle, se concentre au contraire sur les responsables de cette affaire, du procureur général Mitchell aux sous-fifres de la Maison-Blanche. Au milieu figure Martha Mitchell, la femme du procureur qui, malgré ses accointances avec les Républicains et la position délicate de son mari, tient à faire éclater la vérité.
Un peu longue et compliquée dans son exposition, «Gaslit» se révèle peu à peu drôlement mordante lorsqu’elle s’intéresse à cette étonnante conjonction d’imbéciles qui a abouti au Watergate. Son intérêt réside justement dans sa capacité à dépeindre la petitesse et les vilenies des politiques sans tomber dans le pastiche.
Mais «Gaslit» est aussi l’attachant portrait d’une femme hors normes, à la fois profondément conservatrice et mal à l’aise dans un parti qui ne la considère que comme l’extension de son époux, charmante et grande gueule, viscéralement attachée au dévoilement de la vérité. Julia Roberts, qui prête ses traits à cette étonnante figure tombée dans l’oubli, vaut à elle seule de regarder toute la série.
«A Very English Scandal» (en DVD)
À Londres, dans les années 1960, le député libéral Jeremy Thorpe se voit déjà Premier ministre. La seule chose qui pourrait peut-être l’en empêcher serait son homosexualité, pénalement répréhensible à l’époque. Sa rencontre avec Norman Scott, un garçon d’écurie paumé qu’il prend sous son aile et avec lequel il entame une relation, le mènera effectivement à sa perte. Vingt ans de disputes, de menaces et de tentatives de chantage plus tard, Jeremy Thorpe est accusé de complot et d’incitation au suicide.
Sur une trame resserrée de trois épisodes, l’excellent réalisateur britannique Stephen Frears livre une passionnante étude de caractères. Face à Thorpe, tout de cynisme et de froideur, brillamment interprété par un Hugh Grant désormais trop rare devant la caméra, le toujours impeccable Ben Whishaw donne à Scott toute la sensibilité dont il est capable. Ce que montre «A very english scandal», c’est avant tout que ces deux destinées sont façonnées par l’époque dans laquelle elles ont eu la malchance d’atterrir, profondément homophobe et inégalitaire.
«Scandal» (Disney +)
Autant prévenir tout de suite: pour aimer «Scandal», il faut aimer les séries à l’ancienne, celles qui comptent une vingtaine d’épisodes par saison (mais si, souvenez-vous!) et autant de rebondissements improbables. Il faut également savoir s’arrêter. Les trois premières saisons sont délicieuses, le reste très oubliable. La création de Shonda Rhimes nous plonge toutefois dans les arcanes du pouvoir américain avec un pas de côté intéressant. Tout est vu par le prisme d’Olivia Pope (interprétée par Kerry Washington), experte en communication de crise.
Dans cette série, les scandales pleuvent, des liaisons cachées jusqu’aux meurtres en passant par les kidnappings. Et pour ajouter encore un peu de sel à tout cela, Olivia Pope entretient une relation extrêmement compliquée avec le président des États-Unis lui-même, marié par convenance à une autre femme. «Scandal» est un soap, un vrai, mais d’excellente facture dans ses premières saisons, en ayant su imposer la figure d’un personnage féminin et afro-américain fort. Olivia Pope et son manteau blanc ont indéniablement marqué la télévision du début des années 2010.
«Baron Noir» (Canal +)
Il n’y a pas que la politique anglo-saxonne dans la vie! En France aussi, la fiction a parfois tenté d’entrer dans les arcanes du pouvoir. Le résultat fut souvent médiocre mais une série s’est démarquée. Dès sa première saison, sortie en 2016, «Baron Noir» plonge dans les méandres des tractations électorales via le personnage de Philippe Rickwaert, député socialiste du Nord aux mains pas très propres. Après avoir contribué à financer illégalement la campagne présidentielle de son candidat, il pousse un employé du parti à endosser la responsabilité à sa place. Mais celui-ci se suicide.
La force de «Baron noir» réside d’abord dans son grand réalisme, malgré une dramatisation évidente. On le doit notamment à son co-créateur, Eric Benzekri, ancien conseiller politique de gauche, qui a tiré de sa longue expérience une foule d’idées intéressantes. Résultat: son œuvre ne s’est pas contenté de témoigner des pratiques politiques, elle a aussi su anticiper certains changements de société, avec notamment un personnage féminin rappelant furieusement Emmanuel Macron.
Plus fascinant encore, contrairement à de nombreuses productions américaines, cette fiction française a su se préserver de tout discours pessimiste, se muant même, au terme d’une troisième et dernière saison qui se trouve être la meilleure, en déclaration d’amour à la politique et aux gens qui la font. Tout simplement brillant.
«House of Cards» (Netflix)
Impossible de parler de scandales politiques en série sans évoquer «House of cards», l’une des premières créations originales de Netflix qui, sur ses premières saisons, n’a rien perdu de son panache depuis le début de sa diffusion, en 2013. Soit l’histoire de Franck Underwood, politicien sans foi ni loi qui, avec l’appui de son épouse, Claire, va accéder à la présidence des États-Unis.
De manipulations en malversations, de menaces en meurtres, rien n’est à sauver dans l’élite américaine filmée, dans les premiers épisodes, par David Fincher lui-même.
En faisant le pari du cynisme, «House of cards» flirte parfois avec le populisme. Et pourtant, l’humour noir est traversé ça et là de brillants moments d’émotions, les personnages sont finement écrits et les cliffhangers redoutablement efficaces. On vous conseille de vous en tenir aux trois premières saisons, indéniablement les meilleures avant que le résultat s’affaisse un peu, voire s’effondre complètement dans un dernier round très dispensable.
Il faut dire qu’entre-temps, Donald Trump a été élu à la Maison-Blanche et la réalité a largement rattrapé la fiction. Reste que peu de personnages de séries ont autant marqué la pop culture que Franck et Claire Underwood.