«Barry», «Ted Lasso», «Marvelous Mrs Maisel» et, bien sûr, «Succession». En l’espace de quelques semaines, au moins quatre grandes séries ont fait leurs adieux. Avec un point commun: toutes ont plutôt bien soigné leur sortie. On a eu droit à de l’émotion, de la cohérence, des arcs narratifs bien bouclés et toutes les intrigues qui retombent sur leurs pattes. Ce qui peut sembler être le minimum syndical, mais n’a pas toujours été au rendez-vous.
Car oui, nombre de séries se sont interrompues comme un huitième de finale de l’Euro 2021 pour l’Équipe de France face à la Suisse: sur un ratage monumental. Cela nous a donné chez Blick l’idée de retenir les six pires, sachant que nous n’avons bien sûr pas tout vu et que «Grey’s Anatomy» n’est, contrairement à ce qu’on pourrait croire, toujours pas terminée. Sachant aussi que nous n’avons pas pris en compte les pires fins de séries non prévues, comme «The Hour» ou «Westworld», interrompues sans crier gare… et donc en plein milieu de l’intrigue.
Attention bien sûr, il y a des spoils dans tous les sens. Mais au fond, vu comme c’est raté, ce n’est pas une grosse perte.
«Gossip Girl»
Quatre gosses de riches et deux gosses normaux se retrouvent dans les beaux quartiers de Manhattan pour vivre leur vie faite de sacs de luxe, d’humiliations et d’histoires d’amour d’une insondable complexité pendant que leurs parents exercent des métiers qui n’existent pas vraiment (créatrice de mode ou propriétaire de galerie d’art). Une vie surtout épiée par une mystérieuse blogueuse, qui raconte tous les potins de l’Upper East side et signe chacun de ses posts «xo xo Gossip Girl». Ne nous mentons pas, «Gossip Girl» fut, pendant six saisons, un plaisir coupable comme le petit écran sait si bien en produire. Les enjeux dramatiques ont une importance assez limitée une fois que l'on a compris que toutes les combinaisons de couple imaginables entre les personnages principaux seront testées.
Il ne reste donc qu’une seule question qui vaille: mais qui est donc cette Gossip Girl? La résolution de l’affaire est terriblement nulle, puisqu’il s’agit d’un personnage qui s’en est lui-même pris plein la figure de la part de la blogueuse. L’ampleur de l’incohérence est telle qu’on n’a pas d’autre choix que de calculer le temps perdu devant cette série depuis le début: 80,7 heures, soit environ 3 jours et quasiment 9 heures.
«How I met your mother»
Dans la catégorie des séries qui n’en finissaient pas de ne pas finir, «How I met your mother» et ses neuf saisons, soit 208 épisodes, a longtemps tenu le haut du panier. Surtout que le principe de départ est donc celui d’un père, Ted, qui raconte à ses enfants comment il a rencontré leur mère, ce qui normalement n’occupe pas plus de 15 minutes en repas de famille. Heureusement que la sitcom a pu s’appuyer sur une galerie de personnages attachants à ses débuts. Par la suite, cela n’a pas suffit pour maintenir l’intérêt, qui s’est étiolé peu à peu.
La résolution de l’affaire ne fut donc que le dernier clou du cercueil. Enfin, Ted a rencontré la mère de ses enfants qui… est morte, ce qui le pousse à aller retrouver Robin, sa conquête de… la saison 1. Les scénaristes étaient au bout du rouleau, et nous aussi.
«Dexter»
Les fins nulles sont toujours plus difficiles à digérer lorsqu’elles interviennent après de bons débuts. C’est le cas de «Dexter», série remarquable d’originalité lorsqu’elle a été lancée en 2006. On y rencontre Dexter Morgan, expert en médecine légale auprès de la police de Miami et tueur en série à ses heures perdues. Pour «canaliser» ses pulsions meurtrières, il ne s’attaque qu’à des criminels. Huit saisons plus tard, et alors que cela commençait déjà à sérieusement traîner en longueur, la soeur de Dexter meurt, Dexter abandonne sa femme et son fils et devient… bûcheron dans une cabane dans les bois.
Le tout est enrobé d’effets spéciaux d’une grande laideur, dénué de toute cohérence et de tout ce qui faisait le sel de la série: l’esprit tordu de son protagoniste. Celui qui était littéralement un anti-héros a droit à une fin relativement heureuse. Le plus choquant étant peut-être que les scénaristes avaient eu deux saisons pour anticiper la fin. Depuis, un sequel a vu le jour (il faut bien que garder Dexter en vie serve à quelque chose) et on n’en dira pas un mot parce qu’on a abandonné avant la fin.
«House of cards»
Lancée en 2013 sur les chapeaux de roue, «House of cards» s’est imposée comme l’une des meilleures séries politiques de tous les temps. Personnages retors, acteurs impeccables (Kevin Spacey et Robin Wright), mise en scène grandiose et portrait au vitriol de la classe politique américaine: tout était là pour en faire un chef-d’œuvre (à l’exception de son générique, toujours au sommet de la pile des génériques les plus ennuyeux de l’histoire du petit écran). Hélas, non seulement la série s’est considérablement affaiblie à partir de la quatrième saison, mais elle s’est même écroulée pour la sixième et dernière.
Privés de l’acteur Kevin Spacey, accusé d’agressions sexuelles, les scénaristes ont fait mourir son personnage, Frank Underwood, remplacé à la tête des États-Unis par sa femme Claire. À partir de là, ils n’en font rien. L’histoire défie toutes les lois de la logique et de la nature, avec une grossesse qui ne peut chronologiquement pas advenir dans la vraie vie. À la fin, Claire Underwood commet un énième meurtre et, même si on adore le drame par ici, c’est quand même beaucoup trop pour une cheffe d’État.
«Lost»
C’est LE traumatisme de tout sériephile: la fin bâclée d’une fiction aussi prometteuse et, osons les mots, révolutionnaires à ses débuts, que «Lost». Pour celles et ceux qui ont vécu les vingt dernières années sur une île déserte, l’histoire est celle de tout un tas de personnages qui, après un crash d’avion, se retrouvent justement là (sur une île). Il leur arrive tout un tas d’aventures perturbantes et la série flirte de nombreuses fois avec le fantastique. Mais force est de constater qu’elle nous a perdu bien avant sa fin douteuse. Les portes qui tournent, les mondes qui basculent… à trop vouloir complexifier son intrigue et multiplier les pistes, «Lost» s’est définitivement perdue.
L’épisode final proposait encore une fois deux réalités alternatives. Dans les deux cas, tout le monde, sauf quelques puristes, a trouvé ça nul. La vérité, si vous voulez vraiment mon avis, c’est que la série était devenue incompréhensiblement foutraque depuis fort longtemps.
«Game of Thrones»
L’adaptation des romans de George R.R. Martin par HBO a d’abord soufflé tout le monde, remettant la fantasy au goût du jour. Série violente, romanesque et politique, «Game of Thrones» a battu tous les records, de spectateurs comme de piratages. Et rien, pas même une narration devenue chaotique depuis au moins la saison 6, et une représentation assez problématique de la nudité féminine depuis le tout premier épisode, ne pouvait entacher ce succès.
Pourtant, la résolution finale de l’intrigue a dégoûté jusqu’aux derniers défenseurs de la série. Le destin de Daenerys, personnage féminin massacré par les scénaristes qui l’ont transformée en folle furieuse sans s’occuper de la cohérence de ce basculement, symbolise à lui seul le dérapage non contrôlé de «Game of Thrones». Les spectateurs et spectatrices ont ensuite bu le calice jusqu’à la lie avec la montée sur le trône du personnage le plus insignifiant des huit saisons. Une catastrophe de bout en bout, qu’on espère ne jamais revoir, et surtout pas dans le pour l’instant très réussi spin-off «House of the dragon».