Qu’il est difficile de venir après «Game of Thrones»! La série a beau s’être achevée en 2019 sur un goût amer, les dernières saisons étant bâclées, elle n’en restera pas moins un monument du petit écran, explosant tous les records de visionnage (et de téléchargement illégal) et encourageant, comme pour l’âge d’or de la télévision, des millions de personnes à se rassembler à la même heure devant le même programme. C’est peu dire, donc, que la série dérivée «House of the dragon» était attendue. Diffusée sur HBO et quasiment en simultané sur la RTS à partir de ce lundi 22 août, elle laissait espérer un prolongement de qualité de l’univers imaginé par George R. Martin, auteur des livres dont était adaptée la série originelle, mais craindre une opération de fan service au rabais.
Mettons immédiatement fin au suspense: non, «House of the dragon» n’est pas, du moins sur les six premiers épisodes que la presse a pu voir, un ratage. Mieux, elle semble revenir à l’essence de ce qui a fait le succès de la première saison de «Game of Thrones». Soit un alliage équilibré entre la mise en images d’un monde fantasy très riche et l’écriture ciselée de personnages unis entre eux par des intrigues politiques aussi complexes que fascinantes.
Plongée dans la dynastie Targaryen
Pour ceux qui auraient vécu dans une grotte ces dix dernières années, rappelons que l’histoire de «Game of Thrones» se passe dans le royaume fictif de Westeros, au sein duquel plusieurs maisons nobles occupent ou se disputent, selon les périodes, le trône de fer qui assure (en théorie) le pouvoir ultime à celui (ou celle) qui s’assoit dessus. «House of the dragon» se déroule 172 ans plus tôt mais le trône est toujours aussi convoité. La maison des dragons du titre, qui se caractérise par une couleur de cheveux blonds peroxydés et la possession, ô surprise, de dragons, est celle des Targaryen, dont descendait le personnage de Daenerys. Au début de ce spin-off, le roi Viserys est au pouvoir. Mais il voit déjà la suite se compliquer lorsqu’il perd son fils et sa femme lors d’un accouchement difficile. Dès lors, deux héritiers se profilent sans s’imposer. D’un côté, son frère, Daemon, guerrier belliqueux et pervers, pour ne pas dire complètement sociopathe; de l’autre sa fille, Rhaenyra, jeune et intelligente mais imprévisible et, surtout, qui a le gros défaut de ne pas être un homme.
De cette trame somme toute assez simple – contrairement à «Game of Thrones», «House of the dragon» se concentre sur un nombre réduit de personnages et de lieux –, la série tire une observation fine des jeux de pouvoir, des rapports de cours mais aussi des caractères. Il est extrêmement plaisant de voir les inimitiés naître et maturer, les personnages se déployer dans toute leur imperfection, les manipulations s’accumuler, avec un sens de l’écriture d’autant plus appréciable que c’était ce qui faisait cruellement défaut à la fin de «Game of Thrones». Voilà Daenerys, personnage saccagé par les scénaristes, vengée par ses aïeuls.
La politique de l’intime
Il fallait, pour que ce soit crédible, des interprètes à la hauteur. C’est chose faite grâce à Milly Alcock et Emma d’Arcy, qui incarnent Rhaenyra à différents âges, ainsi qu’Emily Carey et Olivia Cooke, qui prêtent leurs traits à Alicent, ancienne amie de Rhaenyra devenue sa belle-mère et grande rivale. Mais c’est surtout Paddy Considine en Viserys qui impressionne. L’acteur confère à ce roi déchiré entre les regrets de ne pas être suffisamment flamboyant et l’envie de préserver la paix à tout prix une humanité certaine.
En gardant les yeux rivés sur l’intime plus que les dragons, «House of the dragon» fait le choix délibéré de ne pas verser dans la surenchère d’action. En cela, d’ailleurs, elle se rapproche peut-être plus d’une série comme «Succession» que de «Game of Thrones», ce qui ne l’empêche pas, à l’heure où les effets spéciaux à la pelle finissent par faire disparaître les films et les séries, d’apparaître visuellement très réussie. À la série originelle, le spin-off emprunte néanmoins un souci certain du détail, qui va des costumes aux décors. Sans s’être complètement débarrassé de l’abus de violence et de nudité, facilités qui avaient aussi fait le succès de «Game of Thrones» dès le départ, «House of the dragon» a fait le choix judicieux d’une plus grande sobriété, notamment en évitant de déshabiller toutes ses actrices pour rien.
L’avènement des héroïnes
C’est là sûrement que se niche aussi l’une des grandes qualités de cette nouvelle série. Les personnages féminins y sont non seulement intéressants et loin d’être monolithiques, mais ce sont elles qui, véritablement, font et défont les puissants. Les grandes batailles ne se jouent plus dans de vastes plaines où retentit le fracas des armes, mais dans les chambres d’accouchement où résonnent les cris de ces femmes indispensables mais volontiers sacrifiées. Il est impossible de dire si «House of the dragon» connaîtra la même gloire que «Game of Thrones», mais elle renoue avec les flamboyants débuts de la série culte qui avait su donner vie à des Cersei, des Sansa, des Arya ou des Daenerys, autant d’héroïnes inoubliables.
Le premier épisode est déjà disponible en version originale sous-titrée sur Play RTS et sera diffusé ce lundi 22 août à 22h15 en version française sur Play RTS et sur RTS1.