Après «The Witcher»
Avec «The Sandman», Netflix réussit enfin une série fantastique

Avec la sortie de «The Sandman», Netflix fait (enfin) une proposition d’adaptation littéraire réussie. Et tente de se faire une place sur le marché de la série fantastique ou fantasy, dominé par HBO et Prime Vidéo.
Publié: 09.08.2022 à 11:37 heures
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«The Sandman», qui s'appelle Rêve, est un Infini, créature divine qui règne sur le monde des rêves et des cauchemars.
Photo: LAURENCE CENDROWICZ/NETFLIX
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Margaux BaralonJournaliste Blick

De «Dune» à «Fondation», le petit et le grand écran sont remplis d’adaptations d'œuvres réputées inadaptables. Avec, selon le succès rencontré, une confirmation ou une infirmation de cette réputation.

Netflix vient d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice avec la sortie de «The Sandman», tirée d’un comics de Neil Gaiman publié entre 1989 et 1996 chez DC. Parce que l’histoire est très complexe, et tient en réalité plus de la rêverie philosophique que de l’aventure, que le monde imaginé par Gaiman est baigné d’une étrangeté spécifique, et enfin que l’auteur lui-même a déjà prouvé par le passé qu’il pouvait se montrer très interventionniste dans l’adaptation de ses propres écrits, le pari était risqué.

Bonne nouvelle: contrairement à ses premières minutes gâchées par des images de synthèse plutôt très laides, «The Sandman» est une réussite.

Essayons tout de même de résumer grossièrement l’histoire. Le marchand de sable du titre s’appelle Rêve, ou Morpheus. C’est un Infini, sorte de créature divine, qui règne sur le monde des rêves et des cauchemars.

Mais au début du XXe siècle, à Londres, il est capturé par un mage, Roderick Burgess. Une erreur, puisque Burgess visait en réalité une autre Infini, Mort, espérant qu’elle lui rendrait son fils décédé. Mais pendant un siècle, Morpheus se retrouve captif et l’équilibre entre rêves et réalité se rompt.

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Une série qui assume son étrangeté

Lorsqu’il parvient enfin à s’échapper, Rêve met tout en œuvre pour récupérer son casque, sa bourse de sable et son rubis, trois attributs qui lui rendront ses pouvoirs.

Une quête désespérée qui le mettra face à des démons, à leur reine Lucifer, à des hommes inquiétants et des créatures fantastiques beaucoup plus comiques. Accompagné de son fidèle corbeau, Morpheus traverse les époques, les continents et les mondes imaginaires afin de rebâtir son royaume et rendre à tous les êtres humains leur capacité pleine et entière à rêver.

Voilà pour l’arc narratif principal, qui n’est en réalité qu’un prétexte à la rêverie sans jamais perdre en réflexion. Il faut accepter, avec «The Sandman», de se laisser surprendre. Par le propos, d’abord, sorte d’exploration des vicissitudes de l’âme humaine et des quelques sources d’espoir qui subsistent.

Certains épisodes, notamment le cinquième, concentré sur l’intérêt de l’usage du mensonge ou de celui de la vérité, ressemblent à des parenthèses philosophiques qui auraient pu être lénifiantes sans de bonnes idées de mise en scène et des dialogues ciselés. C’est bien parce qu’elle assume ces pas de côté, cette bizarrerie qui contrevient aux lois strictes de l’écriture sérielle, de la même manière que le comics originel s’affranchissait des contraintes du genre, que «The Sandman» est une adaptation réussie.

Véritable réussite formelle


Mais la série est aussi très surprenante visuellement, avec une capacité remarquable à créer des ambiances et des mondes divers mais riches. Certains épisodes se peuplent de gargouilles et autres créatures purement fantastiques, d’autres rendent un hommage appuyé au gothique, d’autres encore empruntent les codes du film noir.

Les 15 millions de dollars par épisode alignés par Netflix et Warner (respectivement diffuseur et producteur) paraissent ici d’autant mieux employés que certaines des productions précédentes à gros budget de la plateforme, comme «The Witcher», étaient beaucoup plus décevantes.

«The Sandman» évite d’ailleurs d’autres écueils sur lesquels la mauvaise adaptation du «Sorceleur» d’Andrzej Sapkowski venait se fracasser. À commencer par le casting, ici absolument impeccable. Dans le rôle principal, Tom Sturridge, coiffé pour l’occasion comme un fan de The Cure, ne démérite pas.

Mais ce sont véritablement les seconds rôles qui emportent la mise. La fine fleur du cinéma britannique (David Thewlys, aperçu dans les «Harry Potter») côtoie d’autres visages moins connus mais très prometteurs (merveilleuse Vivienne Acheampong en bibliothécaire du Royaume des Rêves).

Alors que HBO s’apprête à frapper un grand coup avec «House of the Dragon», spin-off de «Game of Thrones» attendu dès le 22 août, Amazon Prime Video mise tout, à partir du 2 septembre, sur «Les Anneaux de Pouvoir», dérivée du «Seigneur des Anneaux». Avec «The Sandman», il y a de quoi, pour Netflix, se faire une place dans le paysage de la fantasy, qui sera bientôt saturé à la rentrée.

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