Sansa Stark, June Osborne...
Ces 10 héroïnes de série qui ont cassé les codes

Où en est-on des droits des femmes et de l’égalité dans les séries? Blick s’intéresse à la question de la représentation féminine dans les séries.
Publié: 13.06.2023 à 09:25 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2023 à 09:27 heures
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Elisabeth Moss joue June Osborne dans «The Handmaid’s tale»
Photo: Hulu
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Ce qui était considéré il y a peu encore comme une lubie de petits «wokes» est désormais corroboré par de nombreux travaux universitaires: de tous les combats pour faire avancer une cause, quelle qu’elle soit, celui de la représentation dans les œuvres de fiction n’est pas à prendre à la légère. A fortiori lorsqu’il s’agit de séries, à l’heure où celles-ci débarquent dans des millions de foyers à travers le monde. Voici donc une petite sélection de personnages féminins puissants et nécessaires, qui témoignent de la volonté de leurs créateurs et créatrices d’en finir avec les clichés et les facilités sexistes. Et qui, chacun à leur manière, ont ouvert la voie à une meilleure représentation des femmes sur petit écran.


N’en sélectionner que dix fut une véritable épreuve, et cet exercice forcément subjectif ne manquera pas de déclencher la colère des fans de séries absentes de ce classement. Mais au fond c’est bien à ça que servent ces tops: vous donner matière à débattre furieusement à la machine à café.

Claire Underwood («House of Cards» sur Netflix)

Derrière chaque grand homme se cache une grande femme, dit le proverbe. Il n’a jamais été aussi vrai que pour la série «House of cards», récit impeccablement cynique de l’ascension de Franck Underwood, politicien américain véreux, bien aidé par son épouse Claire. Mais là où la production de Netflix s’est révélée très moderne, c’est bien en faisant de cette femme autre chose qu’un simple soutien de son mari. L’actrice Robin Wright fait de cette Claire Underwood un monstre ambitieux, surprenant, terrifiant aussi. «House of cards» propose par ailleurs une autre vision du couple que celle, très romantique, qui prédomine largement dans toutes les fictions, en assumant de faire des Underwood des associés plus que des amoureux.

Un seul regret: que la dernière saison de la série, qui voit Claire Underwood prendre le premier rôle (notamment en raison de l’éviction de l’acteur Kevin Spacey, accusé entre-temps de violences sexuelles), soit complètement ratée. Si vous n’avez pas encore commis cette terrible erreur, faites-moi confiance et passez votre chemin.

Hannah Horvath («Girls»)

«Girls» est un peu à la série ce que les romans de Zola sont à la littérature: une tentative de donner à voir la vie telle qu’elle est, aussi dure et laide soit-elle. Toute cette entreprise est contenue dans le seul personnage d’Hannah Horvath, incarné par la créatrice de «Girls», Lena Dunham. La voilà filmée sans filtre ni maquillage, sans pudeur aucune ni pour son corps ni pour son caractère franchement détestable. Et le malaise du public devant un tel étalage de narcissisme et de cellulite agit comme un puissant révélateur. Là où des mafieux, des meurtriers ou des tueurs en série gagnent sans trop de mal l’affection de l’audience, une femme pas très jolie n’a aucune chance. Lena Dunham a ainsi ouvert la voie à de nombreuses autres actrices et réalisatrices qui, préférant le réalisme au glamour, militent pour montrer des femmes différentes sur petit comme grand écran.

June Osborne («The Handmaid’s tale» sur OCS)

Elisabeth Moss a incarné tant de personnages féminins incroyables sur le petit écran qu’il est difficile d’en choisir un. Mais celui de June Osborne dans «The Handmaid’s tale» est sûrement le plus marquant. Cette jeune mère, retenue prisonnière à Gilead, la dictature autoritaire qui a remplacé les États-Unis après un coup d’État réactionnaire, incarne toutes les violences faites aux femmes à elle seule. Et si la série a fini par abuser un peu des gros plans sur son regard bleu acier déterminé, si elle a également été épinglée pour son abus de violence, elle n’en reste pas moins l’une des œuvres sérielles les plus marquantes de ces dix dernières années. Au point d’ailleurs que la tenue écarlate des fameuses servantes du titre a été reprise par certains mouvements féministes à travers le monde lors, notamment, de manifestations visant à préserver le droit à l’avortement.

Joan Holloway («Mad men» sur Prime Video)

Bien sûr, citer «Mad Men» sans choisir le personnage de Peggy Olson est un choix passible de prison ferme pour de nombreux sériephiles. La secrétaire qui devient une brillante publicitaire dans un monde plein d’hommes dans les années 1950 permet en effet de raconter le sexisme de toute époque. Mais Joan Holloway, jouée par Christina Hendricks dans la série, me paraît mieux écrite encore. Cette super-cheffe des secrétaires est en effet une femme plus nuancée, qui a adopté les codes patriarcaux (martyrisation des autres femmes, sexualisation outrancière des corps et idylle avec son patron sont au menu) pour mieux pouvoir les contourner. Son personnage permet notamment de parler de l’avortement et de la contraception en des temps où les deux étaient complexes à mettre en place, mais aussi de la place des mères célibataires ou de la charge mentale.

Annalise Keating («How to get away with murder» sur Netflix)

Difficile de choisir un seul personnage féminin parmi les dizaines que contiennent les séries de Shonda Rhimes. Après avoir longuement hésité avec Cristina Yang dans «Grey’s Anatomy», j’ai finalement opté pour Annalise Keating dans «How to get away with murder». Cette avocate redoutable, qui permet à quelques-uns de ses étudiants de l’aider à défendre des accusés pendant leurs études, est la terreur des prétoires, véritable ode à l’ambition féminine et à l’affirmation de soi. Mais cette série est aussi une représentation plus complète du quotidien d’une femme noire. Shonda Rhimes filme son héroïne le soir, se démaquillant avant d’enlever sa perruque, geste aussi souvent effectué dans la vie par les concernées que peu montré dans la fiction. Et ce qui semble être un détail est en réalité un pas important pour la diversité dans les séries.

Issa Dee («Insecure» sur HBO et OCS)

Le petit problème d’Annalise Keating, comme d’Olivia Pope dans «Scandal» d’ailleurs, c’est qu’elles versent dans un autre cliché de représentation des femmes noires, celui de la «angry black woman», la femme noire énervée. Autrement dit, on montre des personnages de femmes noires puissantes mais toujours grandes gueules, voire agressives, et qui exercent par ailleurs une activité professionnelle assez extraordinaire, loin au-dessus de la plèbe.


Dans «Insecure», série qu’elle a écrite et dont elle interprète le rôle principal, Issa Rae prend le contrepied absolu en faisant de son alter ego de fiction, Issa Dee, une femme tout ce qu’il y a de plus normale. Trentenaire accaparée par des problèmes de trentenaire (tomber amoureuse, trouver un sens à sa vie et un travail qui lui plaît), cette jeune afro-américaine est surtout la meilleure amie de Molly. C’est cette relation entre deux femmes noires qui constitue le cœur de la série, extraordinairement juste dans sa représentation de la communauté afro-américaine du sud de Los Angeles comme dans celle des crises existentielles de tous les êtres humains. Et ça fait énormément de bien.

Sansa Stark («Game of thrones» sur HBO et OCS)


Alors oui, vous êtes probablement en train de vous demander ce que Sansa Stark fait ici alors que «Game of Thrones» a proposé des personnages féminins ultra badass comme Arya ou Daenerys. En réalité, permettez-moi d’affirmer haut et fort que Sansa Stark est beaucoup plus intéressante. Jeune adolescente naïve et assez ennuyeuse au début de la série, c’est indéniablement celle qui apprend le plus de ses erreurs, s’endurcit et prend les meilleures décisions. Contrairement à Jon Snow, sorte de boussole qui indique le sud en matière d’action, Daenerys, complètement dénuée de sens politique et massacrée par les scénaristes, Arya, qui manque de nuance et de hauteur de vue, ou Cersei, passionnante dans la première saison avant de devenir une vieille aigrie alcoolique.


«Lady Stark, vous pourriez bien tous nous survivre», lançait d’ailleurs Tyrion Lannister dans la deuxième saison à ce personnage injustement sous-estimé. Et il faut toujours faire confiance au flair de Tyrion Lannister.

Arabella («I may destroy you» sur HBO et OCS)


Petite bombe de l’année 2020, «I may destroy you», produite par la BBC et HBO, raconte le basculement de la vie d’Arabella, jeune bloggeuse londonienne, après un viol. La série, d’une justesse remarquable, dissèque les conséquences d’une telle violence sur ses relations amicales, amoureuses et professionnelles. Et le personnage principal, interprété par la fantastique Michaela Coel, qui a également écrit la série en partant de son histoire personnelle, est d’une remarquable complexité. Tantôt horriblement agaçante, tantôt touchante, Arabella est la preuve qu’il n’est pas nécessaire d’enjoliver les choses pour faire de bons personnages. Au contraire, c’est bien parce qu’elle n’est ni meilleure ni moins bien que madame-tout-le-monde que cette jeune femme est si impressionnante à l’écran.

Siobhan Roy («Succession» sur HBO et OCS)


Tous les fans de «Succession» sont capables de débattre pendant des heures pour savoir lequel des quatre enfants Roy est le meilleur et mérite le plus de succéder au patriarche, Logan, magnat industriel qui refuse de prendre sa retraite. Débats stériles puisqu’au fond, l’évidence est là: il n’y a que Siobhan, dite Shiv, la seule fille de la fratrie, qui a les épaules pour le job.


Ce personnage est un bijou d’écriture, autant pour ses indéniables qualités que pour ses failles. Car sous le vernis d’une femme redoutablement intelligente et manipulatrice se cache une petite fille dont la confiance en elle vacille en permanence. Meurtrie par son père sociopathe, sacrifiée également par une mère dénuée d’empathie, Shiv ne sait véritablement aimer personne, à commencer par elle-même. La preuve: elle est mariée à Tom, qui réussit l’exploit d’être le pire personnage masculin d’une série pourtant pleine d’hommes absolument atroces. La voir s’embourber dans cette relation, trop lucide pour ne pas se rendre compte du mal qu’elle fait aux autres mais trop ambitieuse pour arrêter d’en faire, est absolument fascinant.

Sophia Burset («Orange is the new black» sur Netflix)


En décrivant le quotidien d’une prison de femmes aux États-Unis, «Orange is the new black» partait déjà bien pour proposer des personnages féminins forts et intéressants. De fait, la série n’en manque pas et Red, l’intraitable cuisinière d’origine russe, aurait pu avoir sa place ici. Mais c’est sûrement Sophia Burset qui a le plus bousculé les représentations télévisuelles. D’abord parce que c’est une femme trans. Ensuite, et surtout, parce qu’elle est réellement interprétée par une actrice trans, Laverne Cox, ce qui en 2013 relevait de l’exploit. Le personnage, à la fois drôle et attachant, et dont la transidentité n’est qu’un élément parmi d’autres de la personnalité, a durablement marqué la pop culture. Avec le succès de la série, Laverne Cox est devenue un symbole, devenant la première personne transgenre nommée aux Emmy Awards dans une catégorie artistique, ainsi que la première à faire la une du «Time Magazine» ou de «Cosmopolitan».

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