Le 76e Festival de Cannes aura, et c’est rare, vu très peu de films de sa sélection officielle sortir dans les salles de cinéma en même temps que leur projection sur la croisette. Si la frustration est aisément compréhensible au premier abord, on peut aussi se réjouir d’avoir de belles sorties à venir pour la période estivale. Blick a sélectionné quatre films très attendus (et à la hauteur de l’attente) à ne pas rater dans les semaines à venir.
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«Élémentaire» (21 juin)
Les studios Pixar, désormais propriété de Disney, ont déjà prouvé maintes fois qu’ils étaient destinés autant aux enfants qu’aux adultes. L’un des derniers en date, «Alerte Rouge», n’avait pas eu les honneurs d’une sortie en salle, en dépit de ses très grandes qualités (vous pouvez toujours le rattraper sur la plateforme Disney+). Avec «Élémentaire», Pixar retrouve le chemin des grands écrans.
L’histoire est celle de Flam, jeune fille qui appartient au clan des «Flamboyants» dans un monde où chaque personne appartient à une tribu correspondant à un élément (le feu donc, mais aussi l’air, la terre et l’eau). Trois d’entre elles (l’air, la terre et l’eau) vivent en parfaite harmonie. Les Flamboyants restent un peu à part, rapport au fait qu’ils ont tendance à déclencher des incendies un peu partout. Mais lorsque Flam rencontre Flak, un «Aquatique», elle est obligée de faire équipe avec lui pour sauver le magasin de son père.
Au-delà d’une animation superbe et d’idées visuelles aussi frappantes que drôles, «Élémentaire» s’impose comme un excellent Pixar en reprenant la recette miracle du studio. Derrière l’histoire assez universelle de deux personnages contraires qui finissent par s’attirer, on retrouve un propos plus subtil sur l’intégration et les doubles injonctions qui pèsent sur les enfants d’immigrés. Ajoutons à cela une partition remarquablement inspirée de Thomas Newman (on lui doit déjà les bandes-originales du «Monde de Dory» ou de «Skyfall») et on aurait tort de bouder son plaisir.
«Asteroid City» (21 juin)
Soyons honnêtes, Wes Anderson a eu tendance à nous agacer prodigieusement ces dernières années. Cette manie de convoquer 673 acteurs et actrices ultra-connu(e)s par film pour leur donner une ligne de dialogue (quand ce ne sont pas carrément des apparitions silencieuses), de passer plus de temps à aligner les plans symétriques qu’à écrire un scénario qui tient la route, de faire disparaître toute émotion (voire tout humour) derrière une mécanique bien huilée, voilà qui devenait très décevant. «Asteroid City» n’échappe pas à certaines facilités, et on y retrouve de nouveau un casting long comme le bras, mais il renoue avec la poésie andersonnienne qu’on aime beaucoup.
L’histoire est celle d’un père (Jason Schwarzman) coincé dans une minuscule ville en plein désert américain, Asteroid City, avec ses enfants, leur voiture étant tombée en panne. Nous sommes en 1955, époque à laquelle tout le monde rêve de trouver de la vie ailleurs que sur Terre, et il se trouve que cette même ville est célèbre pour un cratère, créé par une météorite, et son observatoire astronomique. Bientôt, tout un tas de personnages rocambolesques interprétés par les 673 noms célèbres du générique débarquent à Asteroid City pour une conférence très courue.
Wes Anderson fait toujours dans la symétrie et les dialogues déclamés avec la précision d’un métronome. Sauf que cette fois, il y a de la chair derrière les belles images vintage. Le Texan parle de la condition d’artiste mais aussi d’émotions très universelles, en employant magnifiquement bien une Scarlett Johansson lumineuse en actrice désabusée. «Asteroid City» est une comédie mélancolique bien plus convaincante que les derniers films du cinéaste.
«Indiana Jones et le cadran de la destinée» (28 juin)
Fallait-il, à 78 ans, remettre à Harrison Ford son chapeau, son fouet et son blouson élimé d’Indiana Jones? La question fait débat, bien sûr, et on n’est toujours pas persuadé que c’était indispensable. Mais le cinquième volet des aventures de l’archéologue le plus stylé de l’histoire de l’archéologie étant bien programmé pour la fin du mois de juin, il ne reste plus qu’à le regarder dans les yeux. Et force est de constater que le pari de s’engager dans les pas de George Lucas et Steven Spielberg, respectivement producteur et réalisateur de la franchise à ses débuts, est réussi.
Dépêché derrière la caméra, James Mangold a déjà prouvé avec «Le Mans 66» ou «Logan» qu’il était loin d’être manchot, capable d’insuffler de la personnalité à un blockbuster, y compris avec un héros déjà connu (Wolverine dans «Logan»). Il a aussi démontré avec ce même film qu’il n’aimait rien tant qu’accompagner les dits héros pendant le crépuscule de leur existence. «Indiana Jones et le cadran de la destinée» renoue avec les fondamentaux du personnage (le look, les ennemis nazis, la poursuite d’un trésor) tout en parlant, surtout, de sa retraite et de sa fin.
Le film a beau faire 20 minutes de trop, il réussit à allier une certaine modernité et un goût pour le vintage. La modernité prend les traits d’Helena (Phoebe Waller-Bridge), la filleule roublarde d’Indy, premier personnage féminin de la saga à enfin avoir un rôle bien écrit de bout en bout. Le vintage, c’est cette capacité que conserve Indiana Jones à toujours échapper à des poursuivants à cheval, même à l’heure où on prendrait plutôt le métro. Le résultat est plutôt plaisant et le grand fait d’arme de ce cinquième volet restera d’avoir réussi à utiliser correctement les technologies de de-aging pour rajeunir Harrison Ford lors d’un flash-back de début.
«Strange Way of Life» (16 août)
Ensemble, les deux plus grands Pedro du cinéma actuel ne pouvaient faire que des miracles. Almodovar, cinéaste espagnol de génie, et Pascal, acteur devenu la coqueluche d’Hollywood en quelques rôles la quarantaine passée, se retrouvent dans «Strange Way of life», court-métrage résolument personnel du premier. L’acteur incarne Silva, ancien tueur à gages fatigué, parti à la recherche de son ancien comparse, Jake (Ethan Hawke). Tous les deux n’ont pas seulement appuyé sur la gâchette ensemble, ils ont été amants. La vie les a séparés, le grand ouest aussi, Jake est devenu shérif et Silva espère qu’il épargnera son fils, mis en cause dans un crime.
À 70 ans, Almodovar assume d’injecter à un genre que tout le monde a dit mort le romantisme dont il avait sûrement besoin depuis le début. La tension sexuelle entre ces personnages qui devraient, selon les codes du western, incarner l’homme viril traditionnel, est absolument incroyable. Et le cinéaste espagnol n’a pas son pareil pour soigner ses cadres et ses couleurs afin d’imprégner durablement les rétines. Pour l’occasion, il a confié les costumes à la maison Saint Laurent, ce qui baigne encore l’ensemble d’une élégance improbable.
À la fin, un seul regret, même si cette réponse au «Secret de Brokeback Mountain» a été voulue ainsi dès le départ: qu’Almodovar n’en ait pas fait un film, un vrai, un long. Secrètement, on espère un jour pouvoir voir cet amour impossible se déployer pleinement.