Biopic de l’homme d’affaires
Pourquoi Netflix fait polémique avec sa série sur Bernard Tapie

La plateforme sortira en septembre un biopic de l’homme d’affaires français, décédé en octobre 2021. La série, montrée en avant-première au festival CanneSéries, s’attire les foudres de la famille Tapie.
Publié: 20.04.2023 à 20:36 heures
Les 7 épisodes de «Tapie» sortiront en septembre sur Netflix.
Photo: Marie Genin/Netflix
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Le deuxième épisode de «Tapie» se terminait à peine, dimanche soir, au Palais des Festivals de Cannes, que le public était déjà debout, applaudissant à tout rompre. La série produite par Netflix, qui retrace la vie de l’homme d’affaires français Bernard Tapie, était projetée en avant-première dans le cadre du festival CanneSéries. Ovationnés, les co-créateurs, Olivier Demangel et Tristan Séguéla, ainsi que les acteurs principaux, Joséphine Japy (qui joue Dominique, la deuxième femme de Tapie) et Laurent Lafitte, dans le rôle-titre, n’ont pas caché leur joie. Il faudra attendre le 13 septembre pour visionner l’intégralité des sept épisodes mais, déjà, l’accueil public semblait au rendez-vous.

Celui réservé par la famille de Bernard Tapie, en revanche, était… nettement plus frais. «L’irrespect n’a pas de limite», a lâché sa fille, Sophie Tapie, sur Instagram. La jeune femme a rappelé que son père avait «verbalisé avant sa mort qu’il était contre cette série». Ce que Dominique Tapie (la vraie) avait également rappelé au micro de la radio RTL le mois dernier: «La personne qui a fait cette série était venue voir Bernard et il lui avait dit ‘Non, si quelqu’un doit raconter mon histoire, ce sera mon fils Laurent’. Et voilà… no comment.»

Bernard Tapie, un «arnaqueur»?

«La personne» en question, c’est Tristan Séguéla, également réalisateur. Il est le fils de Jacques Séguéla, publicitaire star des années 1970, spin-doctor de nombreux politiques français et… grand ami de Bernard Tapie. «Je suis d’autant plus choquée que la série est à l’initiative d’une famille 'amie' des Tapie depuis 40 ans», s’est insurgée Sophie Tapie. Mais le véritable point de tension est le synopsis diffusé par Netflix. La plateforme a en effet qualifié Bernard Tapie d’«arnaqueur». Un qualificatif rejeté en bloc par ses proches, symbolique des controverses autour de la personnalité de l’homme d’affaires.

Bernard Tapie, décédé en octobre 2021, avait selon sa famille exprimé son désaccord avec la production d'une série le concernant.
Photo: KEYSTONE

Car «Nanard», comme l’a surnommé l’émission satirique française «Les Guignols de l’info» pendant des années, a eu plusieurs fois maille à partir avec la justice. Il a été condamné en 1995 pour corruption et subornation de témoin dans une affaire de match de football truqué, intervenu alors qu’il était propriétaire du club de l’Olympique de Marseille. L’année suivante, il est condamné pour abus de biens sociaux dans une affaire, et pour abus de bien sociaux, banqueroute et fraude fiscale dans une autre. Avant cela déjà, la justice l’avait rattrapé dans une histoire d’achat de châteaux à bas prix à un homme d’État centrafricain. La vente avait été annulée et Bernard Tapie condamné à 100’000 francs de dommages et intérêts.

L’une des plus grosses affaires concerne la vente d’Adidas, que Tapie avait repris en 1990, alors que le groupe était en perdition. Sa revente, organisée par la banque Crédit Lyonnais, va donner lieu à un véritable bras de fer judiciaire entre l’homme d’affaires et l’établissement bancaire, qui durera des années. À sa mort en 2021, Bernard Tapie était toujours visé par une réquisition de cinq ans de prison avec sursis et 300’000 euros (295’000 francs) d’amende.

Une série complaisante

Dans les deux premiers épisodes de la série «Tapie», qui sont les seuls à avoir été dévoilés, nous n’en sommes pas encore là. Mais déjà, le biopic montre un homme gouailleur, qui s’arrange volontiers avec la vérité et les règles dans ses affaires comme lorsqu’il joue au Monopoly. Bernard Tapie ment à ses investisseurs, sa femme et ses parents. Tout ceci, pourtant, est montré avec beaucoup d’indulgence.

En 1974, l’homme d’affaires monte «Coeur Assistance», un service d’abonnement qui permet d’appeler plus rapidement une ambulance en cas d’arrêt cardiaque. Un business complètement bancal, puisque les médecins refusent d’y participer, et qui ment éhontément à ses clients, en leur promettant une aide vitale qu’il n’est pas en mesure de leur fournir. Le drame finit évidemment par arriver et Bernard Tapie lui-même se retrouve obligé de faire un massage cardiaque à un homme en détresse respiratoire, son seul associé urgentiste étant déjà sur une autre intervention. Toute la scène, filmée comme une comédie burlesque, ne peut susciter que le rire. Ou la gêne, quand on repense que des gens crédules ont bel et bien été mis en danger («Cœur Assistance» s’est interrompu après une condamnation de Bernard Tapie pour publicité mensongère et infraction aux lois sur les sociétés).

Rythmée, enlevée, plombée par une musique insupportablement grandiloquente, mais portée par un Laurent Lafitte à moumoute qui a le tact de ne pas chercher à imiter à tout prix Bernard Tapie, la série n’est donc pas le brûlot que semblent craindre les proches de l’homme d’affaires. En réalité, le problème est exactement inverse: c’est, pour autant qu’on puisse en juger sur ce début, une entreprise complaisante.

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