Transformer le malheur en cocon doux, voilà ce qui semble être l’objectif ultime de Derek Cianfrance derrière une caméra. Le cinéaste a particulièrement réussi avec le très beau «Blue Valentine», film qui racontait l’histoire amoureuse douloureuse de deux personnages incarnés par Ryan Gosling et Michelle Williams.
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Son second long-métrage, «The Place beyond the Pines», toujours avec Ryan Gosling, était certes un peu moins bon. Mais il possédait toujours un indéniable charme mélancolique. Avec la série «I know this much is true», diffusée à partir de vendredi 12 mai par la RTS, le réalisateur renoue avec les sommets.
Derrière ce titre à rallonge se cachent six épisodes qui, autant le dire tout de suite, ne relèvent pas exactement de la petite comédie légère et sympathique.
Dominick et Thomas Birdsey sont deux frères jumeaux, âgés d’une petite cinquantaine d’années, dans le Connecticut déjà vintage des années 1990. Le premier doit s’occuper du second, atteint d’une schizophrénie qui s’aggrave à la mort de leur mère. Ambiance.
Série cathartique
Au fil de leurs conversations, et alors que Dominick fait tout pour que son cadet ne finisse pas dans un hôpital psychiatrique haute sécurité (ce serait «comme mettre un lapin au milieu d’une meute de loups»), la série se déploie comme une tragédie grecque.
Si ces deux héros ont déjà leur part de malheur sur les épaules, on découvre une histoire familiale tout aussi lourde pour les générations précédentes, jusqu’aux grands-parents immigrés italiens.
Pourquoi donc s’infliger autant de souffrance? D’abord parce qu’il ne faut jamais sous-estimer l’effet cathartique de l’art: plusieurs études ont démontré qu’écouter de la musique triste rendait heureux, il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas avec les séries.
Surtout celles qui, comme «I know this much is true», s’appuient sur une bande-originale formidable, notamment ce morceau planant du groupe Beach House (mais il y aura aussi du Wham! pour les amateurs de ringard cool).
Ensuite précisément parce que Derek Cianfrance arrive à faire surgir la beauté et la lumière des endroits les plus sombres. Sa mise en scène précise, sa photographie magnétique (tout a été tourné à la pellicule en 35 mm), ses ambiances à la «Twin Peaks» permettent de mettre quelque peu à distance toute la misère de son monde.
Un tournage lui aussi dédoublé
Mais surtout, il y a Mark Ruffalo. L’acteur a réussi à mettre de l’humanité chez le Hulk de la franchise Marvel, c’est dire s’il est doué.
Là, il livre une performance hallucinante, bien aidé par des conditions de tournage quasi artisanales. Car «I know this much is true» a été tourné en deux fois, à six semaines d’intervalles. La première, le comédien a joué toutes les scènes dans la peau de Dominick. La seconde, alourdi d’une dizaine de kilos supplémentaires, il a endossé les vêtements de Thomas.
Mark Ruffalo a d’ailleurs le bon goût de ne pas surjouer le schizophrène. Conseillé sur le tournage et en amont par un «consultant technique» lui-même atteint de cette maladie, l’acteur a choisi de ne pas jouer la folie, mais bien de donner à Thomas une véritable personnalité.
Le résultat est si juste qu’il participe grandement de la réussite d’une série exigeante, dont le souvenir reste vivace longtemps après le visionnage.