Tour de France comme univers
Sur Netflix, la série «Au coeur du peloton» va vous faire aimer le vélo

Sur le modèle de «Drive to survive» avec la Formule 1, la série documentaire «Tour de France: au cœur du peloton» propose une plongée dans la plus grande compétition cycliste du monde. Et s’adresse plus au grand public qu’aux connaisseurs.
Publié: 08.06.2023 à 20:39 heures
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Dernière mise à jour: 09.06.2023 à 09:02 heures
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«Tour de France: Au cœur du peloton», qui sort ce jeudi 8 juin sur la plateforme, est le résultat d’une immersion au sein de huit équipes pendant la dernière édition de la compétition.
Photo: Pauline Ballet
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Après la Formule 1, le vélo! Forte du succès de sa série documentaire «Drive to survive», qui a réussi à drainer un tas de spectateurs et spectatrices indifférents, voire hostiles aux sports mécaniques, vers les courses de voiture, la plateforme Netflix a voulu reproduire l’expérience avec le cyclisme.

«Tour de France: Au cœur du peloton», qui sort ce jeudi 8 juin sur la plateforme, est le résultat d’une immersion au sein de huit équipes pendant la dernière édition de la compétition. Si elle a le mérite de rendre compte de la quintessence de ce qu’est le cyclisme, elle risque de ne pas révéler grand-chose aux mordus de la petite reine.

Netflix garde tout ce qui fait le succès de ses documentaires, notamment sportifs: un sens du rythme incroyable, un montage au cordeau, une musique entraînante. Fini les étapes de plat interminables lors desquelles, de leur propre aveu, même les coureurs s’ennuient. On ne se concentre ici que sur les échappées les plus folles, les cols les plus éreintants, les virages les plus techniques et, évidemment, les chutes les plus spectaculaires.

Le sport par le prisme de ses acteurs

Comme avec sa série sur la Formule 1, Netflix raconte le Tour par le prisme de ses acteurs, qui deviennent des personnages à part entière. Le néerlandais Fabio Jakobsen, revenu d’entre les morts après une terrible chute en 2020, Wout van Aert, leader des équipiers, le jeune Jonas Vingegaard, touchant de discrétion, et bien sûr Thibaut Pinot, loser magnifique comme seule la France sait en produire.

Ajoutons à cela les personnalités des directeurs d’équipe, souvent les plus hauts en couleur: Marc Madiot, manager de la Groupama-FDJ, mais surtout Julien Jurdie, d’AG2R Citroën, à la communication moins lisse que les autres. Le seul grand absent de la série, qui a également refusé de participer à la prochaine saison, s’appelle Tadej Pagacar.

Le problème, c’est d’abord qu’ils sont très nombreux, là où «Drive to survive» pouvait se concentrer sur quelques uns seulement. Ensuite, que tout est raconté grâce à un ancien cycliste, Steve Chainel, qui reprend le rôle de Will Buxton dans la série sur la Formule 1: énoncer des évidences sur un ton sentencieux.

Enfin, qu’on sent l’habitude des caméras et des prises de parole. «Au cœur du peloton» est nettement plus policée que les premières saisons de «Drive to survive», avec assez peu de frictions et, de facto, bien peu de révélations.

Instants coulisses

On aurait aimé, par exemple, avoir une introspection plus poussée de Thibaut Pinot après son échec à domicile, à La Planche des Belles Filles dans les Vosges. Que peut bien ressentir, à ce moment-là, un sportif de haut niveau aussi populaire, obligé d’admettre avec un sens tragique de la formule: «Je suis plus aimé que je ne suis fort»?

Certes, les déboires de l’équipe Jumbo-Visma lors de l’étape pavée du Tour 2022 permettent d’apprendre les plus beaux jurons néerlandais, mais il n’y a jamais d’explications franches, pas d’analyse poussée des défaillances techniques ou sportives. En cela, la série sera sûrement frustrante pour les grands amateurs de vélo, qui n’apprendront que peu de choses.

Deux exceptions néanmoins. D’abord, l’étape du col du Granon, durant laquelle Jonas Vingegaard a chipé le maillot jaune à Tadej Pagacar. On suit alors avec précision le plan établi par la Jumbo-Visma pour épuiser le leader slovène et sa mise à exécution implacable.

Voilà, effectivement un Tour de France comme on ne l’a «jamais vu». Ensuite, les déboires de l’Australien Ben O’Connor au sein de l’AG2R Citroën, visiblement peu à l’aise dans une équipe où personne n’a l’air de parler un semblant d’anglais.

Après de multiples chutes, le cycliste demande, lors de l’étape qui arrive à Lausanne, à passer des examens médicaux qui révèlent une déchirure musculaire importante. Il veut abandonner. La réponse de Julien Jurdie semble lunaire: «Tu laisses passer dimanche, lundi, mardi, et ensuite mercredi à fond!

Il reste deux semaines.» L’Australien n’a pas l’air de comprendre ce qui lui arrive et n’abandonnera que le lendemain, à la faveur de la victoire de son coéquipier Bob Jungels.

Ode à la souffrance et à la solidarité

Cet épisode illustre d’ailleurs la plus grande réussite de la série: arriver à montrer d’abord l’immense souffrance que représente ce sport. Toutes les disciplines de haut niveau demandent bien sûr de l’entraînement et des sacrifices difficilement imaginables pour le commun des mortels. Mais le cyclisme, devant la caméra de Netflix, déroule en beauté toute son exigence souvent hors d’atteinte.

C’est aussi un sport excessivement ingrat pour bon nombre de ses pratiquants. Les équipiers, qu’on appelle aussi, dans un langage plus transparent encore, «domestiques», et sont là pour prendre le vent plus que la lumière, emmener leur leader aux sommets tout en restant dans l’ombre et l’anonymat, reçoivent ici enfin un hommage mérité.

Encore une fois, «Au coeur du peloton» ne dira rien de neuf aux aficionados, mais elle parvient à retranscrire parfaitement ce qui échappe parfois au plus grand nombre: oui, le cyclisme est un sport d’équipe, qui ne demande pas seulement de pédaler vite et longtemps. Il faut aussi établir une stratégie («c’est un jeu d’échecs», commente un directeur d’équipe) mais surtout accepter une solidarité parfois sacrificielle.

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