Des films de 30 minutes ou de 4 heures, une flopée de stars sur le tapis rouge, des looks scrutés à la loupe et des avis tranchés: voici tout ce qu’on pourra retrouver à Cannes pour le Festival du film qui s’ouvre mardi 16 mai, et qui durera jusqu’au samedi 27.
Tout aussi récurrentes qu’un film de Ken Loach en compétition (le cinéaste britannique brigue cette année sa troisième Palme d’or, ce qui serait un record), il y a les polémiques qui agitent le microcosme cannois. Et le cru 2023 ne fait pas exception. Voici les cinq scandales qui s’inviteront sur la Croisette.
«Jeanne du Barry» et le retour de Johnny Depp
Rarement le film d’ouverture du Festival, présenté hors compétition, aura suscité autant d’attention. Il faut dire que «Jeanne du Barry» cumule les personnalités controversées devant et derrière la caméra. D’abord, celle de Johnny Depp, qui incarne ici le roi Louis XV, dont Jeanne du Barry fut la maîtresse. L’acteur américain effectue son grand retour après avoir été accusé par son ex-femme, Amber Heard, de violences conjugales.
Ces dernières ont été reconnues par un tribunal britannique en 2020, lors d’un premier procès intenté par Johnny Depp contre le journal «The Sun» pour diffamation (procès qu’il a donc perdu). L’année dernière, le comédien avait intenté un second procès, cette fois contre Amber Heard elle-même et aux États-Unis, toujours pour diffamation. Les deux parties ont été condamnées pour ce motif.
Que Johnny Depp, qui vient par ailleurs de décrocher un contrat publicitaire record avec la marque Dior, revienne au cinéma et sur le tapis rouge après ses déboires judiciaires, est dénoncé par de nombreuses féministes. Qui regrettent également le choix de casting de la réalisatrice du film, la Française Maïwenn. Celui-ci n’est pas surprenant. La cinéaste, qui joue également le rôle de Jeanne du Barry, s’est toujours publiquement opposée aux mouvements féministes, qu’elle juge trop radicaux.
En février dernier, dans un restaurant parisien, elle a agressé le journaliste Edwy Plenel, directeur du site d’investigation Mediapart. Si Maïwenn refuse d’expliquer les raisons de son geste, Mediapart est connu pour ses enquêtes sur les violences sexistes et sexuelles. Plusieurs articles ont notamment visé Luc Besson, le célèbre réalisateur du «Grand Bleu» et… ancien mari de Maïwenn.
Bref, il y a là suffisamment de rebondissements pour faire un film. Et le fait que, moins d’une semaine avant le début du Festival de Cannes, Maïwenn reconnaisse l’agression en riant sur un plateau de télévision, n’a pas vraiment calmé les esprits.
«The Idol», la série de toutes les controverses
Le Festival de Cannes a beau être consacré au cinéma, il n’est pas rare qu’une série y soit exceptionnellement présentée. Cette année, c’est «The Idol», la dernière création de Sam Levinson, à qui l’on doit aussi «Euphoria», qui aura les honneurs du tapis rouge. Avec Lily Rose-Depp et le chanteur The Weeknd en tête d’affiche, le quota de paillettes et de célébrités est assuré. Mais le quota de scandale aussi. Car entre un tournage plus que chaotique et un propos très douteux, «The Idol» est décriée avant même sa sortie.
L’histoire est celle de l’ascension d’une pop star, Jocelyn, qui tombe sous le charme et surtout l’emprise d’un patron de boîte de nuit. Mais selon une enquête du magazine américain «Rolling Stone», le point de vue adopté serait terriblement sexiste et rétrograde. Pour couronner le tout, Sam Levinson, après s’être débarrassé de la réalisatrice initialement associée au projet, se serait montré tyrannique sur le plateau. Pas sûr que tout ceci ne soit pas dans tous les esprits au moment de la projection.
Une enquête sur le film «Le Retour»
C’est le 13 avril dernier que Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, a officiellement annoncé les films sélectionnés. Et parmi eux ne figurait pas «Le Retour», de la Française Catherine Corsini. La veille pourtant, la cinéaste avait été avertie de sa sélection en compétition officielle. Deuxième retournement de situation le 24 avril: finalement, «Le Retour» sera bien présenté.
Mais alors, que s’est-il passé? Le Festival de Cannes a voulu temporiser, le film de Catherine Corsini ayant fait l’objet de plusieurs alertes. D’abord, la cinéaste elle-même est accusée de harcèlement. Ensuite, plusieurs personnes ont dénoncé des gestes déplacés sur des actrices mineures de la part de deux techniciens du film. Enfin, le film a enfreint la législation sur la protection des comédiens mineurs, en ajoutant une scène sexuelle impliquant des adolescents de 15 ans et demi et 17 ans sans prévenir la Commission des enfants du spectacle – ce qui est pourtant obligatoire.
La production a reconnu cette dernière infraction. Cela lui a valu une sanction financière du Centre national du cinéma français: elle a dû rembourser 580’000 euros de subventions. Concernant les gestes déplacés, un signalement a été fait à la justice et une enquête interne a été menée, mais aucune plainte n’a été déposée. Enfin, Catherine Corsini a vivement nié tout harcèlement de sa part.
Reste que le collectif 50/50, qui milite en faveur de l’égalité femmes-hommes dans le domaine du cinéma, a dénoncé le choix de Thierry Frémaux de sélectionner «Le Retour». Il y voit «un signal dévastateur envoyé aux victimes de violences sexistes et sexuelles».
La grogne sociale menace le tapis rouge
Toutes les polémiques de la Croisette ne concernent pas les agressions sexistes et sexuelles. L’une implique plutôt… la CGT. Le syndicat français, en pointe dans la lutte contre la réforme des retraites qui a secoué le pays, a promis dans un communiqué de «faire son cinéma» pendant le Festival. Deux rassemblements sont prévus, les vendredi 19 et dimanche 21 mai, pour manifester une nouvelle fois contre le texte. Et ce, alors que la préfecture du département des Alpes-Maritimes a pris un arrêté visant à interdire toute manifestation aux abords du Palais des festivals.
La CGT se réserve également le droit de mener des actions surprises. La branche CGT Energie avait déjà menacé, il y a plusieurs semaines, de couper le courant pendant les projections.
«Flo», le film qui a failli être interdit
Vendredi 19 mai, «Flo», un biopic sur la navigatrice française Florence Arthaud, sera projeté sur la plage de Cannes. C’est Géraldine Danon, l’une de ses meilleures amies, qui a décidé de porter à l’écran l’histoire de la première femme ayant remporté la Route du Rhum, en 1990. Mais ce film n’est pas du tout du goût de la famille de Florence Arthaud, qui a tout tenté pour le faire interdire.
Sa fille, Marie, estime en effet que le biopic donne une «mauvaise image» de sa mère. Elle a saisi le Tribunal judiciaire de Paris pour obtenir une copie du scénario, en vain. Le frère de Florence Arthaud, lui, a réussi à mettre la main dessus et a dénoncé un film «immonde» et diffamatoire, qui porterait atteinte à la mémoire de la navigatrice, tragiquement décédée dans un accident d’hélicoptère lors du tournage d’une émission de TF1 en 2015.
Leur colère est motivée par les choix de Géraldine Danon, qui présenterait Florence Arthaud comme une fêtarde ayant des problèmes de consommation d’alcool. La réalisatrice, de son côté, a démenti toute intention de nuire à l’image de l’une de ses amies proches. Pour juger sur pièce, il faudra s’installer les pieds dans le sable le 19 mai.