100 jours miraculeux?
Elisabeth Borne, la première ministre qui promet tout aux Français

Un long catalogue de promesses pour «changer concrètement la vie des Français». Pour sortir en 100 jours de la crise des retraites, la Première ministre Élisabeth Borne a tout promis. Un pari plus que risqué.
Publié: 26.04.2023 à 13:58 heures
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Dernière mise à jour: 26.04.2023 à 16:59 heures
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Emmanuel Macron a affirmé au quotidien «Le Parisien» qu'il aurait mieux fait de «se mouiller davantage» pour défendre la réforme des retraites. Mais il laisse pour l'heure sa Première ministre mener l'offensive.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Bonne nouvelle: la France vient de découvrir qu'une magicienne dirige son gouvernement. En trente minutes ce mercredi 26 avril, la Première ministre Élisabeth Borne a réussi le prodige d'énumérer tout ce qui ne fonctionne pas (ou presque) dans ce pays fracturé par la bataille sociale engendrée par la réforme des retraites. «Harry Potter», auquel une exposition parisienne est consacrée, n'est donc plus le seul sorcier de la capitale française.

La cheffe du gouvernement, en répétant sans cesse les mots «concret» et «efficacité», pense qu'elle peut, dans les 100 jours annoncés par Emmanuel Macron, convaincre ses compatriotes en colère que les services publics, l'éducation nationale, la justice, les hôpitaux et la surveillance des frontières peuvent être remis sur les rails. Sa «feuille de route pour une France plus indépendante et plus juste» est en tout cas édifiante: trente pages d'actions promises pour trois mois ! Autour de quatre chapitres qui ressemblent à un programme électoral: 1) Atteindre le plein emploi et réindustrialiser la France 2) Planifier et accélérer la transition écologique 3) Bâtir de nouveaux progrès et refonder les services publics 4) Renforcer l'ordre républicain et encourager l'engagement.

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Magicienne, Élisabeth Borne? Oui, mais sans baguette magique, puisqu'au vu des contraintes budgétaires, la marge de manœuvre de son gouvernement jusqu'au 14 juillet repose presque uniquement sur les «bonnes volontés» qu'elle a plusieurs fois appelé à la rescousse. Ailleurs qu'en France, où la parole est reine en politique, une affirmation comme «nous allons répondre directement aux attentes par des solutions concrètes et des actions qui changent la vie», déclencherait un soupir généralisé.

N'est-ce pas, après tout, la tâche d'une administration que de se consacrer à ce «concret» qu'Emmanuel Macron et sa cheffe de gouvernement semblent redécouvrir à la faveur de la crise des retraites? Bonne nouvelle: Élisabeth Borne fait face à ce pays dans lequel elle fut pourtant préfet, puis Haut fonctionnaire, puis ministre. «Je mesure ce qui sépare les décisions politiques de leur mise en œuvre», a-t-elle déclaré en préambule avant de dérouler un catalogue de mesures dans presque tous les domaines de la vie quotidienne. «Chaque décision doit régler un problème», a-t-elle rajouté. Difficile de ne pas s'étonner devant un tel vocabulaire et un constat si évident, un an après son arrivée à la tête du pays...

Championne du diagnostic

Comme Emmanuel Macron, Élisabeth Borne, 62 ans, est la championne incontestée du diagnostic. Elle vient de démontrer ce qui va mal en France, ce qui lasse les Français, ce qui alimente leurs colères et qui pourrait changer leur vie. Soit. Mais peut-on imaginer, dans un contexte de tensions politiques maximales, que ce discours puisse convaincre les éventuels partenaires de la majorité face au «défi populiste à relever», pour reprendre ses paroles?

«Je ne crois qu'aux résultats» a poursuivi Élisabeth Borne. Soit, là aussi. Mais ce genre de formule peut vite vous coller à la peau et vous revenir en boomerang: si seul le résultat compte, pourquoi avoir imposé aux forceps une réforme des retraites qui paralyse politiquement le pays? Et si seul le résultat compte, que dire de la mobilisation massive attendue pour le 1er mai, cette date que les syndicats unis veulent transformer en «mur social» de résistance, en plus des concerts de casseroles à chaque déplacement présidentiel ? Et quid de l'engagement du gouvernement vis-à-vis de la nouvelle proposition de référendum sur les retraites que le Conseil constitutionnel doit examiner le 3 mai?

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Il existe une France qui en a ras-le-bol des casseroles. Il est vrai que les augmentations de salaires (jusqu'à 500 euros mensuels) promises aux enseignants par la Première ministre peuvent faire la différence. Mais oser commencer un discours de relance par une formule aussi éculée et discutable (dans le contexte des retraites) que «ce que nous disons, nous le faisons», témoigne d'une étonnante naïveté face à une opinion publique lassée des promesses et d'une classe politique jugée «hors sol».

«C'est désormais le temps de l'action»

Pendant ces 100 jours, le défi du travail, de la transition climatique, des services publics, des soins, de la sécurité sont donc supposés trouver des débuts de réponse. «C'est désormais le temps de l'action», a conclu, sur son habituel ton austère, la Première ministre française, tout en renonçant à présenter le projet de loi sur l'immigration, faute de majorité envisageable (rendez-vous est pris pour l'automne).

On l'espère pour la France, engluée dans un redoutable pessimiste. Mais l'on n'a toujours pas compris, à la fin de ce discours supposé entamer le chantier de «l'apaisement, du calme et de la relance», comment Élisabeth Borne obtiendra enfin les résultats qui, jusque-là, ont cruellement fait défaut. Et ce malgré les ordonnances répétées prescrites par le docteur aux commandes de l'hôpital France depuis 2017: Emmanuel Macron.

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