Sixième saison sur Netflix
«Peaky Blinders» fait de beaux et sombres adieux sur Netflix

La série de Steven Knight s’achève en six épisodes, disponibles à partir du 10 juin sur la plateforme Netflix. Toujours plus sombre et tourmentée, elle a brillamment su passer d’une série de mafia à un propos plus politique.
Publié: 09.06.2022 à 17:02 heures
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Dernière mise à jour: 10.06.2022 à 07:11 heures
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Depuis la saison 5, Thomas Shelby, chef des Peaky Blinders, se mêle de plus en plus de politique.
Photo: Matt Squire / Netflix
Margaux Baralon

Il existe deux catégories de séries cultes. Celles qui le sont devenues au fil du temps et des saisons, bien aidées par le bouche-à-oreille. Et celles, plus rares, qui dès les premiers épisodes, se sont imposées comme de grandes productions capables de marquer l’histoire de la télévision. «Peaky Blinders», bijou britannique que l’on doit à la BBC et Steven Knight, fait partie de la deuxième catégorie. Dès son lancement en 2013, cette plongée dans les bas-fonds de Birmingham et l’un des clans mafieux qui en a établi les règles dans les années 1920, les fameux Peaky Blinders du titre, a impressionné la critique comme le public. Diffusée à partir du 10 juin sur Netflix, la sixième et ultime saison témoigne de sa capacité à évoluer avec ses personnages sans jamais perdre en qualité.

Cette dernière saison commence exactement là où nous avions laissé Thomas Shelby, héros tourmenté à la tête des Peaky Blinders, à la fin de la précédente: un pistolet sur la tempe, qu’il tient lui-même. Ce n’est pas spoiler que de dire qu’il ne se suicide pas. Sans lui, pas de série, surtout pas cette saison-ci qui, plus que les autres encore, suit la psyché compliquée de cet anti-héros. Thomas Shelby se relève donc, mais difficilement, hanté notamment par la mort des siens. On le retrouve quatre ans plus tard, en 1933, sur l’île de Saint-Pierre-et-Miquelon, au large du Canada. Il compte organiser un nouveau trafic de drogue à destination de Boston avec l’aide de Michael Gray, son cousin.

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Un gangster devenu député

Mais c’est bien au Royaume-Uni que se déroule l’essentiel de l’intrigue. Thomas Shelby n’est plus seulement un gangster. Dans la saison 5, il était devenu membre du Parlement britannique pour le parti socialiste, ce qu’il est toujours. Le voilà naviguant dans les eaux vaseuses de la politique, d’autant plus troublées que l’avènement d’Adolf Hitler en Allemagne galvanise les extrêmes partout en Europe. Oswald Mosley, autre membre du Parlement, fondateur de l’union fasciste britannique et principal antagoniste de la saison 5, est de retour et tente de conquérir l’opinion publique.

L’une des forces de la série de Steven Knight a toujours été d’accoler ses rebondissements fictifs à un décor historique bien réel. Les Peaky Blinders, comme Oswald Mosley lui-même, ont bel et bien existé, même s’ils ne se sont en réalité jamais croisés. Le traumatisme de la Première Guerre mondiale, à laquelle a participé Thomas Shelby et l’un de ses frères, Arthur, mais aussi le krach économique de 1929, ont été intégrés dans les épisodes. Ce faisant, «Peaky Blinders» a réussi à habilement évoluer d’une série de mafia à une série beaucoup plus politique. Si les quatre premières saisons fonctionnaient globalement toutes sur le même principe (quelqu’un, généralement aussi peu recommandable qu’eux, se mettait sur la route du clan Shelby et tout cela finissait dans un bain de sang), les deux dernières ont trouvé un nouveau souffle en s’intéressant aux manœuvres politiciennes. La cinquième, sortie en 2019, faisait clairement écho au mandat de Donald Trump («Make Britain great again!», clamait même le personnage d’Oswald Mosley). La suivante s’interroge sur la résistance à organiser face aux mouvements extrémistes.

L’un des meilleurs anti-héros de série

Il est aussi, en revanche, des choses immuables dans «Peaky Blinders». Pour le meilleur. On retrouve dans cette saison finale ce sens aigü de la mise en scène qui a fait le succès de la série depuis le début, avec une photographie bleue-grise magnifique et des plans composés comme des tableaux. Gageons que les fans purs et durs des séries de mafia regretteront qu’il y ait moins d’affrontements sanglants dans ces six épisodes, mais les quelques-uns qui y figurent sont absolument grandioses. Et Steven Knight sait encore et toujours manier l’art du twist avec un talent déconcertant.

On retrouve, aussi, l’interprétation habitée de l’acteur Cillian Murphy. L’Irlandais, qui a presque fini par se confondre avec son personnage au fil du temps, se donne corps et âme pour faire exister ce Thomas Shelby désespérément torturé. Car cela non plus ne change pas. Le mafieux, qui pourtant tente d’arrêter le whisky à 10 heures du matin, finit toujours rattrapé par ses démons. On pourrait reprocher à «Peaky Blinders» d’en revenir inexorablement au même point avec cet ancien soldat, traumatisé par la guerre en France puis la mort de sa femme, qui l’ont rendu incapable d’aimer qui que ce soit correctement, de ses frères à sa nouvelle compagne, en passant d’abord par lui-même. Ce serait oublier que, bien souvent, les gens n’évoluent pas autant que les personnages de fiction voudraient nous le laisser croire. Qu’il est très, trop difficile de s’extraire de sa condition. Thomas Shelby se traîne comme un boulet l’héritage de la fange de Birmingham, de la guerre et des croyances gitanes de ses ancêtres. Et s’impose, une fois encore, comme l’un des meilleurs anti-héros du petit écran.


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