La saison 4 est la dernière
«Succession» tire sa révérence au sommet

La série multiprimée de HBO, qui suit les atermoiements d’une famille aussi riche que dysfonctionnelle, entame sa dernière saison à partir du 27 mars. Et prouve une nouvelle fois qu’elle est l’une des meilleures fictions de ces dernières années.
Publié: 26.03.2023 à 17:35 heures
L’histoire du patriarche et magnat des médias Logan Roy a maintes fois été le miroir du monde actuel.
Photo: David M. Russell - HBO
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Margaux BaralonJournaliste Blick

À quoi tiennent les grandes séries? Il y a bien sûr quelques critères objectifs, de réalisation, de jeu, de scénario. Mais c’est aussi une question de timing. Une grande série, c’est une bonne série qui tombe au bon moment. «Succession» est de celles-ci.

Alors que sa quatrième et ultime saison démarre ce lundi, avec une diffusion sur la RTS 24 heures après la sortie américaine, force est de constater que l’histoire du patriarche et magnat des médias Logan Roy a maintes fois été le miroir du monde actuel.

«Les gens ont beaucoup vu les familles comme celle de Robert Murdoch [homme d’affaire américain à la tête d’un empire médiatique] devenir de plus en plus puissantes, donc de plus en plus dangereuses, analyse pour Blick l’acteur écossais Brian Cox, qui enfile pour la dernière fois le costume de Logan Roy. Je pense que ce qui est si fort dans la série, c’est de regarder ces gens au microscope. Qui ils sont vraiment, et quelle est l’étendue de leur cruauté.»

Une fratrie soudée contre le patriarche

Car oui, les riches sont cruels dans «Succession». Et la dernière saison, toujours magnifiquement écrite par le Britannique Jesse Armstrong, s’ouvre encore une fois sur un tableau féroce. Celui de la cérémonie d’anniversaire de Logan, qui ne peut s’empêcher de soupirer d’ennui avant de s’isoler dans un coin et de laisser échapper un «for fuck’s sake» caractéristique.

Le patriarche a toujours la main sur ses affaires – tout le principe de la série est d’essayer de déterminer qui, de ses descendants, a les épaules pour lui succéder – et la misanthropie chevillée au corps. D’autant que cette année, trois de ses enfants ne sont pas là. Kendall, Shiv et Roman, qui depuis trois saisons se disputaient ses bonnes grâces, ont finalement décidé de s’allier pour le faire tomber.

À ses côtés, Logan n’a donc plus que son aîné, Connor, lancé dans une course à la présidentielle légèrement compliquée – il est crédité de 1% des intentions de vote dans les sondages et craint de tomber plus bas – mais aussi Tom, le mari de Shiv, qui a trahi sa femme pour se faire bien voir du beau-père mais n’a pas gagné une once de jugeote dans l’affaire, et le cousin Greg. «Succession» prend toujours un plaisir gourmand à montrer ces personnages tous affreux, riches et méchants, mais forcément fascinants.

Une comédie féroce

Cette quatrième saison penche encore plus du côté de la comédie. Greg, qu’on avait découvert dans le pilote en 2018 en train de vomir par les yeux du costume d’une mascotte Disney (oui, c’est possible), et qui a passé trois saisons à ne pas savoir quoi faire de son corps trop grand, est désormais l’incarnation du mâle toxique. Ses passes d’armes avec Kerry, l’assistante-et-plus-si-affinité de Logan, dont le rôle prend de l’ampleur, sont un festival d’humour féroce.

Kendall, Shiv et Roman, les «rats» comme les appelle leur père, sont bien décidés à monter leur propre média. À moins que l’idée de court-circuiter un rachat orchestré par Logan les excite finalement beaucoup plus. À moins que leur bonne entente ne s’écroule parce qu’ils ne sont, encore une fois, pas capables de se faire confiance. Comme toujours dans «Succession», tous les coups sont permis et portés à distance, par téléphones interposés. On se méprise beaucoup, on s’insulte encore plus, on ne se pardonne jamais vraiment.

«Ce qui tue Logan, c’est d’aimer ses enfants»

Seulement voilà, quelque chose a changé dans l’atmosphère. Quand la nuit tombe, Logan marche seul dans Central Park avant de demander à son garde du corps s’il y a une vie après la mort. Et au fond, s’il est de si mauvaise humeur pour son anniversaire, c’est moins parce qu’il n’aime personne que parce qu’il aimerait que ses enfants l’appellent. «Mon rôle en tant qu’acteur, c’est de donner une raison d’être à la cruauté de Logan, poursuit Brian Cox. Et je pense que ce qui le tue, c’est d’aimer ses enfants sans être capable de nouer un véritable lien avec eux. S’il ne les aimait pas, ce serait bien plus facile, il n’aurait qu’à être cruel.»

Derrière les trahisons, les assemblées d’actionnaires voraces, les fusions-acquisitions, se cachent les sentiments. Cela affleurait déjà lors de la saison 3, cela devient évident à mesure que la fin se rapproche. Souvent, «Succession» abandonne la comédie pour virer au drame pur. En mettant en scène le couple de Shiv et Tom qui se déchire et l’insoutenable incommunicabilité de tous les membres de cette famille, Jesse Armstrong choisit finalement de raconter une grande histoire d’amour tragique. Celle-ci s’achève pile au bon moment, lorsqu’elle est au sommet. Ce que Brian Cox prend avec beaucoup de philosophie.

«Laisser ses collègues, c’est toujours triste. Nous étions comme une famille, c’était génial d’en faire partie. Mais la série, il faut la laisser partir.» L’Écossais, qui reconnaît volontiers que ce rôle a «changé [sa] vie», regrettera quand même Logan Roy. «Je pouvais dire beaucoup d’insultes et j’adorais ça.»

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