Oui, les Italiens parlent avec les mains, étalent l’un des plus beaux patrimoines du monde dans leurs villes sublimes et se déchirent sur la vraie recette des pâtes carbonara. De temps en temps, nos voisins font aussi des séries. Et des bonnes. Le dernier exemple récent, «Esterno Notte», est signée de l’un des plus grands réalisateurs italiens contemporains, Marco Bellocchio (on lui doit notamment «Les Poings dans les poches», «Vincere» et «Le Traître», en sélection au Festival de Cannes 2019). Chez Blick, cela nous a donné envie de sélectionner cinq séries italiennes à voir absolument.
«Esterno notte» (Arte)
En 1978, l’Italie entière s’est figée pendant près de deux mois. Enlevé par des activistes des Brigades rouges, Aldo Moro, le président du Conseil, a été séquestré pendant 55 jours avant que son corps criblé de balles soit retrouvé dans le coffre d’une voiture. Un événement traumatisant pour tout le pays, que raconte Marco Bellocchio dans «Esterno notte». Chacun des six épisodes de cette série raconte ce scandale en adoptant un point de vue différent: celui d’Aldo Moro lui-même, de son ministre de l’Intérieur, de sa femme, de son ami le pape et d’une terroriste responsable de sa capture.
Passionnante, remarquablement bien interprétée, «Esterno notte» est aussi une réflexion subtile et un brin désabusée sur le pouvoir et la fin des illusions en politique. Marco Bellocchio, qui avait déjà raconté l’enlèvement d’Aldo Moro au cinéma avec «Buongiorno, notte» en 2003, renvoie dos à dos les politicards lâches et les révolutionnaires impuissants.
«Il Miracolo» (en VOD)
En 2018, la série «Il Miracolo» a tout emporté sur son passage. Le pitch est pour le moins intriguant: dans un avenir proche, et alors qu’un vote décisif sur l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne se profile, la police fait une descente chez un parrain de la mafia calabraise. Chez lui, elle trouve une mystérieuse statue de la Vierge Marie qui pleure du sang. Un mystère absolu que ni le clergé, ni une chercheuse en biologie, ni le président du Conseil italien n’arrivent à percer.
Bouleversante et profondément originale, «Il Miracolo» interroge le rapport de l’Italie et des Italiens au pouvoir et à la religion. Son créateur, Niccolo Ammaniti, également écrivain, a ensuite signé en 2021 une autre série, «Anna», sur des enfants seuls survivants d’une pandémie, tout aussi réussie (et disponible sur Disney+).
«Lidia fait sa loi» (Netflix)
«Baby», «Suburra», «La vie mensongère des adultes»… les séries italiennes sont nombreuses sur Netflix. La récente «Lidia fait sa loi» n’a pas tardé à être l’une des plus visionnées du moment sur la plateforme. Il faut dire qu’en alliant propos féministe, enquête policière et costumes d’époque, cette fiction a tout pour plaire.
La Lidia du titre n’est autre que Lidia Poët, première femme à devenir avocate en Italie au XIXe siècle… avant d’être immédiatement révoquée, car être dotée d’un utérus l’empêcherait de plaider en gardant son calme. Obligée d’exercer dans l’ombre de son frère moins doué qu’elle, Lidia compense en défendant des clients qui sont bien souvent des clientes. Pour obtenir justice, il lui faut bien souvent enquêter elle-même sur des meurtres. Le mélange des genres, le soin accordé aux costumes et aux décors ainsi que les intrigues pleines de rebondissements font de cette série très calibrée pour Netflix un bon divertissement.
«Gomorra» (Canal+)
Difficile de ne pas citer une série de mafia dans cette sélection. Il en existe beaucoup, mais «Gomorra» reste incontestablement la plus marquante. Créée par l’écrivain italien Roberto Saviano, qui a longuement enquêté sur la mafia napolitaine (au point de vivre sous protection policière après avoir essuyé des menaces de mort récurrentes), la série est une adaptation de l’un de ses livres. Elle s’attarde sur la rivalité entre Gennaro Savastano, fils d’un parrain de la Camorra qui rêve de reprendre le flambeau paternel, et Ciro di Marzio, son ancien ami qui lui a tout appris dans le métier.
Extrêmement réaliste, violente et sombre, «Gomorra» a connu un succès sans précédent en Italie, devançant même «Game of Thrones». Accusée par certains de glorifier les mafieux et leur quotidien, la série n’élude pourtant rien des nuisances causées par ces bandes criminelles et laisse ses personnages voguer de désillusions en solitude. Magnifique.
«Romanzo Criminale» (en VOD)
Diffusée à partir de 2008, «Romanzo Criminale» est une extension du film du même nom. On y croise le Libanais, chef de gang à Rome, bien décidé à faire main basse sur la ville dans les années 1970. Face à lui, il y aura bien sûr un concurrent, surnommé Terrible, et un policier, Scialija.
La série est une réussite tant au niveau de son écriture, qui permet à de formidables personnages de prendre vie, que de sa reconstitution minutieuse de l’atmosphère des années de plomb. Ultraréaliste et crue, «Romanzo Criminale» a participé du renouveau de la série italienne à l’aube des années 2010.