L'effroi, les larmes, puis le recueillement. Impossible de retracer l’assaut du 7 octobre 2023 sur le sud d’Israël sans avoir soudain les yeux mouillés et sans être assommé par un tel déferlement de haine. Un pogrom. Le mot est devenu usuel, à juste titre, pour désigner l’assaut terroriste mené ce jour-là par les miliciens du Hamas, lancés dans une effroyable chasse à l’homme.
Exécutions sommaires. Assassinats d’enfants. Viols. Prises d’otages. Les portes de l’enfer ont été sciemment ouvertes par les commandos du groupe palestinien qui dirigeait Gaza d’une main de fer depuis les élections de 2006. Yaya Sinouar, aujourd’hui à la tête du Hamas et toujours vivant dans les entrailles de l’enclave, voulait frapper l’Etat hébreu au cœur. C’est ce qui s’est passé. Aucune justification d’aucune sorte ne pourra jamais altérer cette implacable vérité des faits que les commémorations de ce 7 octobre 2024 vont immanquablement faire resurgir.
Un an de destructions
Ensuite le bilan. Un an de destructions, de villes entières pulvérisées dans la bande de Gaza, d’hôpitaux bombardés, de camps de réfugiés pilonnés, d’écoles transformées en ruines. Et, depuis deux semaines, l’horreur d’une campagne de bombardements systématiques du sud du Liban, pour y briser le Hezbollah chiite pro-Iranien et recréer une zone «tampon» dont personne ne croit qu’elle arrêtera le cycle infernal de violences et de ripostes.
Les images que nous devons tous avoir en tête ne sont pas seulement celles de Mohammed Deif, l’un des principaux commandants militaires de Gaza tué le 13 juillet; d’Ismaël Haniyeh, le chef politique du groupe palestinien éliminé à Téhéran le 31 juillet, de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah englouti sous 80 tonnes de bombes dans un quartier de Beyrouth-sud le 27 septembre. Celles que nous devons regarder en face, après celles de la tuerie du festival Super Nova le 7 octobre 2023, sont aussi ces images de Gaza transformée en cimetière. 45'000 morts selon le Hamas et les organisations humanitaires. Mais peut-être le double si l’on compte les cadavres restés sous les décombres. Le visage de l’horreur, un an après le 7 octobre 2023, est fait de ces clichés. A côté du massacre commis par le Hamas. Ensemble, indissociables, ils disent l’engrenage de la haine.
C’est cette haine qui, un an après, nous a tous contaminés. Le Hamas, qu’Israël l’accepte ou non, est devenu pour une partie de l’opinion mondiale le symbole de la résistance ultime à un oppresseur colonial déterminé à faire disparaître la Palestine et les Palestiniens. Mais que faire aujourd’hui de cette terrible et funeste victoire politique?
Responsabilité arabe
Les pays arabes, en théorie scandalisés, contemplent la tragédie, souvent frustrés d’être obligés de témoigner une solidarité envers Gaza qu’ils étaient prêts à enterrer pour commercer avec l’Etat hébreu. L’Iran, fragilisé par les coups israéliens portés au Hamas et au Hezbollah, est plus que jamais dos au mur, prisonnier de la rhétorique incendiaire de son régime contre les juifs. Les pays européens, confrontés à une très inquiétante montée de l’antisémitisme, n’ont aucun levier, comme en témoignent les appels sans effets d’Emmanuel Macron pour l’arrêt des livraisons d’armes à Israël. Et les Etats-Unis, en pleine campagne électorale, sont dans la main de Benjamin Netanyahu pour qui seule la force comptera toujours.
Le pire est que beaucoup d’Israéliens, démocrates et réalistes sur l’obligation d’un Etat digne de ce nom pour les Palestiniens, sont, eux aussi contaminés par cette flambée de haine, dont l’extrême-droite religieuse juive fait son miel messianique. Cela ne les empêche pas, et il faut leur rendre hommage, de défiler contre Netanyahu, ce Premier ministre pour qui la guerre permanente est aussi un moyen d’éviter la justice, au point que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé son inculpation le 20 mai 2024 (sans effet jusque-là). Mais cela tétanise toute initiative réelle de paix, en accréditant l’idée que seuls des millions Palestiniens brisés, à genoux, humiliés et affamés, accepteront de transiger et de renoncer pour toujours à leurs droits les plus élémentaires.
L’antisémitisme, ce poison
La haine est le virus que le 7 octobre 2023 a planté en nous. Oui, en nous! Car tout est aujourd’hui suspect aux yeux des défenseurs d'Israël, dont le droit à exister et à se défendre n'est pas négociable. L’ONU est dénoncée. L’assistance humanitaire de l’UNRWA, l’agence d’aide aux Palestiniens – est tellement bafouée que même la Suisse a suspendu son financement. Le simple fait de manifester avec un drapeau palestinien est criminalisé. Tandis qu’à l’inverse, l’antisémitisme prolifère scandaleusement. Et que dans nos pays, les communautés musulmanes et juives finissent par se considérer en guerre larvée.
La Palestine a besoin d’exister
Une théorie souvent entendue est celle de la paix rendue possible par les ruines. L’élimination préalable du Hamas, du Hezbollah, et de l’arsenal iranien serait ainsi la seule condition possible d’assurer définitivement l’existence d’Israël. Sauf qu’à Gaza, ce sont les Palestiniens que l’on tue en masse. Et qu'en Cisjordanie, les Palestiniens sont frappés, invectivés, colonisés. Or croire qu’il est possible de les oublier, ensevelis sous les frappes et tétanisés par la peur, n’est qu’un leurre dans un linceul de sang.
Le 7 octobre 2023 est la preuve la plus abominable, condamnable et incontournable, que la Palestine a besoin d’exister.