Certaines successions politiques sont porteuses d’espoirs, voire d’un basculement vers un avenir possible. Celle qui vient de se dérouler à la tête du Hamas est malheureusement l’exact inverse. Proclamé mardi 6 août chef politique du mouvement palestinien à la place d’Ismaïl Haniyeh, tué à Téhéran le 31 juillet, Yahya Sinouar, 61 ans, incarne les pires dérives d’une cause légitime: celle du droit du peuple palestinien à exister, et à jouir d’un État digne de ce nom.
Combattant de l’ombre, terroriste patenté, architecte des tunnels qui avaient transformé Gaza en forteresse militaire contre Israël, père de l’horreur absolue constituée par le carnage du 7 octobre (1198 morts et 251 otages), Sinouar, alias Abu Ibrahim, ne sait faire rimer la cause de son peuple qu’avec la pire des terreurs. Sa signature est, et sera toujours, celle du sang versé.
Les opinions divergent, depuis la mort d’Ismaël Haniyeh dans une résidence pour invités étrangers du régime iranien, sur le rôle que ce dernier jouait exactement au sein du Hamas. Certains experts estiment qu’il en était le négociateur en chef, tant pour la question des otages israéliens encore retenus à Gaza que pour les livraisons d’armes, ou les subsides passés versés au mouvement par le Qatar, avec l’accord de l’État hébreu et l’appui de certains pays comme la Turquie (dont il possédait la nationalité). D’autres affirment que sa marge de manœuvre était de toute façon proche de zéro. Toutes les décisions revenaient en fait au trio formé par Yahya Sinouar, son frère Mohammed et l’ex-chef militaire du Hamas Mohammed Deif, tué par une frappe israélienne le 13 juillet sur un camp de réfugiés (causant la mort de 90 personnes).
Tragique vérité
La tragique vérité est toutefois qu’aujourd’hui, le Hamas est devenu un danger mortel pour les Palestiniens désireux de survivre et, pour beaucoup, prêts à accepter une coexistence avec Israël. Jamais Netanyahu et son cabinet de guerre dominé par l’extrême-droite n’accepteront de négocier un jour avec Sinouar. Jamais l’armée israélienne ne relâchera son étreinte sur les tunnels de Gaza, tant qu’elle ne l’aura pas localisé et neutralisé. Jamais les Israéliens, et au-delà les juifs du monde entier, n’accepteront qu’un tueur, responsable à leurs yeux du pire pogrom depuis la Seconde Guerre mondiale, occupe un rôle politique digne de ce nom.
La mobilisation étudiante dans les campus universitaires, la sympathie internationale justifiée pour la population opprimée et décimée de Gaza, les images de manifestants en keffieh devenues virales dans les capitales occidentales, ne doivent pas faire oublier que le Hamas s’est comporté, à Gaza, comme un mouvement dictatorial prêt à tout sacrifier pour une lutte armée de toute façon inégale.
L’avenir hypothéqué
La tragédie de l’enclave assiégée devrait normalement mobiliser la planète. L’autorité palestinienne existante devrait être d’urgence remise sur pied. Les exactions des milices de colons israéliens contre les Palestiniens des territoires occupés devraient être dénoncées et combattues sans relâche, tant elles sont inacceptables. Une enquête internationale sur les massacres du 7 octobre, puis sur ceux de Gaza, devrait être ouverte comme l’exige le procureur de la Cour pénale internationale qui a demandé la délivrance de mandats d’arrêts contre Sinouar, Haniyeh (mort), Deif (mort), Netanyahu et le ministre de la Défense Gallant. Or tout ceci n’aura jamais lieu tant que le Hamas sera dirigé par un tel homme.
Yahya Sinouar tue, avec l’assentiment de l’Iran qui le soutient, l’avenir des Palestiniens. Ces derniers doivent en avoir conscience. Et le dire haut et fort.