Rima Hassan est devenue l’adversaire numéro un des défenseurs d’Israël en France. Et pourtant, comment ne pas voir que l’actualité tragique en provenance de Gaza, et la reconnaissance ce mardi 28 mai de la Palestine par trois pays européens (Espagne, Norvège, Irlande) sont assurés de lui donner encore plus de visibilité et d’audience? La candidate de La France Insoumise (Gauche Radicale) pour les élections européennes du 9 juin n’a rien à faire d’autre que de commenter l’engrenage infernal du Proche-Orient. Son charisme et sa légitimité, comme palestinienne née dans un camp de réfugiés en Syrie en 1992, s’occupent du reste.
Des images épouvantables
Les images qui donnent le plus raison à Rima Hassan, dans sa dénonciation d’un «génocide» commis selon elle par l’État hébreu dans la bande de Gaza, sont celles diffusées depuis lundi, après la frappe israélienne sur un campement à Rafah. L’objectif déclaré était, selon l’armée israélienne, deux dirigeants du Hamas, dont on ne connaît pas aujourd’hui le sort. Mais l’incendie engendré par les projectiles «précis» tirés par les soldats de Tsahal a, lui, fait le tour du monde. 45 morts, des images d’enfants brûlés, des corps carbonisés.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahu a dû se résoudre à parler «d’incident tragique». Ce qui n’a rien calmé. Après la demande d’un mandat d’arrêt contre lui et son ministre de la Défense Yoav Gallant, annoncée lundi 20 mai par le procureur de la Cour Pénale internationale Karim Khan, la question des actes commis sur le terrain, à Gaza, est scrutée à la loupe par toute une partie de la jeunesse occidentale, mobilisée sur les campus des universités, comme à Sciences-Po Paris, où Rima Hassan s’est rendue plusieurs fois.
Activiste franco-palestinienne
Politiquement, l’activiste franco-palestinienne, disciple de Jean-Luc Mélenchon et juriste de formation, se retrouve en plus sur le front d’une autre offensive: celle, diplomatique, menée par une partie des pays européens pour remettre de force la question de la solution à deux États sur la table des Nations Unies. Rima Hassan, vilipendée à chacune de ses apparitions médiatiques et publiques, plaidait inlassablement ces dernières semaines pour la reconnaissance de la Palestine.
Elle vient d’obtenir victoire ce mardi 28 mai, avec la décision prise par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège. L'Espagne? Il s’agit du pays qui organisa, en 1991, la conférence de paix qui déboucha deux ans plus tard sur les accords d’Oslo. L'Irlande? Un pays neutre, connu pour ses bons offices dans le cadre des missions de paix de l’ONU, mais aussi un pays qui a connu dans sa chair une décolonisation violente avec le Royaume-Uni. La Norvège? Un pays pétrolier où est décerné chaque année le prix Nobel de la paix, et qui assure la paternité des accords d'Oslo, signés le 13 septembre 1993, puis piétinés par les extrémistes des deux camps.
Accusée de diffamation
L’intéressée, accusée d’avoir diffamé plusieurs personnalités dont l’intellectuelle Rachel Kahn, est visée par plusieurs plaintes. Sa réaction? Ne pas céder, en misant sur l’immunité que lui conférerait sa possible élection au Parlement européen le 9 juin. Et continuer de se battre pour que les principaux pays européens, dont la France, cessent de soutenir «aveuglément» Israël.
«J’ai fait des études de droit par passion, expliquait-elle en avril à l’hebdomadaire «Politis». J’ai travaillé sur la qualification de crimes d’apartheid, qui reposent sur la dichotomie juifs/non-juifs aux fins de nettoyage ethnique. L’apartheid est une doctrine fondamentalement raciste, qui va jusqu’à l’animalisation des Palestiniens, traités de cafards ou de sauterelles. L’apartheid est la conséquence directe du colonialisme. La vérité, c’est qu’Israël est malade de son colonialisme.»
Dimension coloniale
Et d’ajouter: «Israël doit rompre avec sa dimension coloniale qui aboutit à déshumaniser les Palestiniens. Le projet colonial fait disparaître tous les Palestiniens en tant que sujets politiques. Les événements actuels s’inscrivent dans une projection politique de la Nakba de 1948, dont l’objectif était de faire disparaître les Palestiniens. Tant qu’Israël ne guérira pas de son colonialisme, il n’y aura pas d’issue, les Palestiniens seront dépossédés ou massacrés, et les Israéliens ne seront pas en sécurité.»