De la colère, voire du désespoir, transparaissent derrière les propos des conseillères et conseillers aux États. Dans une lettre ouverte, des membres de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique de la Chambre haute s'adressent aux votantes et votants. Leur inquiétude: la prochaine votation sur la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) du 22 septembre.
La réforme du deuxième pilier a pris plus d'un an à être élaborée. Des dizaines de calculs ont été effectués et un «compromis largement soutenu» est désormais à bout portant, écrivent les sénateurs dans leur lettre. Et pourtant, le projet risque d'échouer dans les urnes: les sondages indiquent qu'il pourrait être très serré.
Accusation de fake news
Avec leur missive, les politiques tentent donc de renverser la vapeur. La conseillère aux États écologiste de Bâle-Campagne Maya Graf, qui s'oppose à son propre parti, est à la tête de l'offensive. La lettre a également été signée par les conseillers aux États du Centre Brigitte Häberli-Koller, Erich Ettlin, Pirmin Bischof et Peter Hegglin, ainsi que par les membres du Parti libéral-radical (PLR) Josef Dittli et Johanna Gapany. Du côté de l'Union démocratique du Centre (UDC), Hannes Germann fait partie des signataires, tout comme l'ancien conseiller aux États Alex Kuprecht.
Les actuels et anciens conseillers aux États reprochent à la gauche d'avoir mené une campagne de votation malhonnête. S'ils reconnaissent que la démocratie implique des débats intenses, ce que l'on vit actuellement est «une nouvelle dimension». Les signataires accusent les opposants à la réforme de manipuler les chiffres et de propager des faits erronés. En effet, on a par exemple récemment appris que les chiffres de la caisse de pension Proparis, auxquels les syndicats se référaient, étaient faux. En outre, les partisans du nouveau modèle de la LPP n'apprécient pas du tout que l'Union syndicale suisse ait remis en question les chiffres du Conseil fédéral cette semaine.
«Une opération pour semer la panique»
Pour le conseiller aux États socialiste vaudois et chef des syndicats Pierre-Yves Maillard, cette lettre rappelle celle que les ex-conseillers fédéraux Adolf Ogi, Doris Leuthard et Johann Schneider-Ammann avaient adressée à la population avant la votation sur la 13e rente AVS. Cette opération de persuasion s'est retournée contre eux. Adolf Ogi s'est même excusé après coup tellement les critiques étaient vives.
«C'est une nouvelle opération venue d'en haut qui vise à semer la panique», affirme Pierre-Yves Maillard à propos de la lettre du Conseil des États. Le président de l'Union syndicale suisse rejette l'accusation selon laquelle il mènerait une campagne de vote malhonnête. «Si le taux de conversion baisse, les rentes baisseront aussi, c'est comme ça.» Le socialiste ajoute que si les caisses de pension devaient dépenser 800 millions de francs par an pour financer les suppléments de rente pour la génération de transition, cet argent manquerait pour ajuster les rentes actuelles à l'inflation. Selon lui, cette lettre ne fait que révéler l'ampleur de la nervosité dans le camp adverse.
Le conseiller aux États UDC schaffhousois Hannes Germann rejette toute similitude avec la lettre sur la 13ᵉ rente AVS. Pour lui, l'appel qu'il a lancé avec ses collègues élus est tout à fait différent de celui d'un ancien conseiller fédéral qui touche une retraite d'environ 230'000 francs et qui se prononce contre une nouvelle rente AVS.