Pression sur l'UNIL
Une pétition veut faire révoquer le doctorat décerné à Mussolini

La polémique enfle. Après plusieurs personnalités, une pétition internationale qui vient d'être lancée demande que soit révoqué le doctorat honoris causa décerné au dictateur fasciste Benito Mussolini par l'Université de Lausanne (UNIL) en 1937. Ce n'est pas gagné.
Publié: 23.05.2022 à 18:59 heures
Photo d'archive montrant le dictateur italien Benito Mussolini (à gauche) en train de saluer Adolf Hitler.
Photo: Keystone
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Cette polémique a toutes les caractéristiques d’un serpent de mer. Après plusieurs personnalités et le parti Ensemble à Gauche, c’est maintenant au tour d’une pétition de demander ce lundi que le doctorat honoris causa décerné à Benito Mussolini par l’Université de Lausanne (UNIL) en 1937 soit révoqué.

Le comité derrière le texte ratisse large: «membre d’associations antifascistes», «colonie libre italienne», ou encore «des citoyennes et des citoyens de Suisse romande, mais aussi de Suisse alémanique, d’Italie ou encore d’Allemagne».

Les pétitionnaires rappellent que l’UNIL avait décoré le dictateur fasciste «pour avoir conçu et réalisé dans sa patrie une organisation sociale qui a enrichi la science sociologique et qui laissera dans l’histoire une trace profonde» en lui attribuant le plus haut titre honorifique qu‘une université peut décerner: le doctorat honoris causa.

Destruction et violence politique

Les signataires enchaînent et s’insurgent: «À l’époque de cette décoration, le régime fasciste de Benito Mussolini existe depuis 15 ans. Il est marqué par la destruction de la démocratie représentative, la répression des oppositions politiques et la violence politique. En novembre 1936, le régime fasciste italien scelle une alliance avec le nazisme, connue sous le nom d‘Axe Rome-Berlin. En mars 1937, l‘armée italienne a déjà fait d’horribles ravages en Éthiopie (usage massif de gaz de combat, massacres de la population, entre autres). Et ce n'est là que l’une des nombreuses manifestations d'un fascisme européen qui a laissé cyniquement — comme le prédisaient les mentions accompagnant le titre — une trace profonde dans l’histoire.»

Pourquoi agir maintenant? Selon le comité à l’action, l’approche du centenaire de l’arrivée de Benito Mussolini au pouvoir en Italie est l’occasion idéale pour remettre un coup de pression sur l’UNIL. «Il est également temps de saluer le geste du professeur Jean Wintsch, professeur de psychologie appliquée à l'École des sciences sociales et politiques, qui s'est opposé dans une grande solitude à ce que cet honneur lui soit remis à l’époque», insiste-t-il.

«Le titre ne sera pas retiré»

L’Université de Lausanne s’est déjà prononcée sur ce sujet. Interrogé par «24 heures» il y a deux mois, le recteur Frédéric Herman réagissait ainsi face à la mobilisation: «Nous pouvons imaginer des gestes symboliques et académiques: une bourse, une chaire de recherche sur le fascisme, des séminaires, tout est encore ouvert. Mais le titre ne sera pas retiré.»

Pourquoi? Pour des motifs juridiques: impossible, légalement, de retirer un titre que quelqu’un a de toute manière perdu à sa mort. «Le risque également de s’exposer à des recours de la part de nostalgiques du fascisme, qui pourraient avoir gain de cause», détaille encore le quotidien vaudois.

Mais l’institution ne restera pas les bras croisés. Un groupe de travail doit prochainement rendre son rapport. Celui-ci devrait déboucher sur des propositions sur le titre du dictateur et sur le devoir de mémoire qui l’accompagne.

Parallèlement, au Grand Conseil vaudois, un postulat déposé par la députée de Décroissance Alternatives Élodie Lopez — qui est membre du comité pétitionnaire — demande lui aussi que l’UNIL révoque le doctorat décerné à Benito Mussolini et qu’un hommage soit rendu au professeur Jean Wintsch. Le texte a été renvoyé en commission.


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