Une vidéo communiste partagée par le POP Valais sur Instagram
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Staline et l'Armée Rouge:Une vidéo communiste partagée par le POP Valais sur Instagram

Vidéo polémique
«Ce que le POP n’arrive pas à dire, c’est qu’il est stalinien»

Le Parti Ouvrier et Populaire Valais partage une vidéo reprenant l'imagerie soviétique, notamment celle de Joseph Staline. Cela n'émeut guère ses élus. L'historien Olivier Meuwly y voit la preuve du rapport décontracté que ce parti entretient avec l'histoire.
Publié: 06.01.2022 à 14:15 heures
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Dernière mise à jour: 08.01.2022 à 10:40 heures
Le parti communiste russe lors de la commémoration de la mort de Joseph Staline en 2019.
Photo: Shutterstock
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Jocelyn Daloz

Une story Instagram est éphémère. Mais pas suffisamment pour que personne n'ait relevé l'une des dernières publications (qui restent en ligne 24 heures, ndlr.) du Parti ouvrier populaire (POP) Valais: la formation d'extrême-gauche a récemment partagé une vidéo étrange, une sorte de montage hyperactif où s’entremêlent de nombreuses images. Il débute avec l’image du site pornographique PornHub, puis enchaîne sur un slogan: «Ce n’est pas la gauche contre la droite, c’est le bien contre le mal.»

Suivent des mots-clés, dans une police rouge aux bordures jaunes, rappelant les couleurs de l’URSS: Ne pardonnez pas/Combat/Foi/Force/Famille/Sacrifice/Parti… Les images reprennent l'esthétique soviétique, d’ouvriers aux muscles saillants à des officiers de l’Armée rouge, en passant par un alignement de portraits de Karl Marx à Joseph Staline, ce dernier étant au premier plan. Le visage de Staline resurgit, flanqué du slogan «leadership honnête».

Joseph Staline, rappelons-le, a dirigé l’URSS de 1929 jusqu’à sa mort en 1953 et a mis en place l’un des régimes totalitaires les plus sanglants de l’histoire. Rien que la famine en Ukraine de 1933, provoquée par sa collectivisation forcée des terres, a mené des millions de personnes à la mort. A cela s’ajoutent les nombreuses purges de sa police politique et les millions de déportés au goulag. L’URSS, si elle n’a plus connu de telles horreurs par la suite, n’en est pas moins restée un système antidémocratique jusqu’à sa chute il y a trente ans.

«C’est la preuve qu’on commence à déranger en Valais»

Pourrait-on imaginer un parti de droite partager une vidéo similaire reprenant l’imagerie fasciste de Benito Mussolini, ou même d’Adolf Hitler, sans susciter l’indignation, notamment de la gauche? C’est la question que nous avons posée au POP Valais et à d’autres élus de gauche radicale. Pour son président Frédéric Nouchi, la vidéo est avant tout humoristique: «il n’y a aucune revendication stalinienne du POP Valais derrière ce partage provenant d’une page de mèmes (la source en question s’appelle stalinism_nkvd_comrade, NKVD étant l’ancêtre du KGB, ndlr.).»

Il s’étonne de l’intérêt qu’a pu susciter une publication sur le compte Instagram du POP Valais aux 387 abonnés. «Si l'on vous a fait parvenir une telle vidéo, c’est bien la preuve qu’on commence à déranger en Valais», se félicite-t-il. «Même si j’aurais préféré qu’on fasse le buzz sur notre initiative pour le salaire minimum

Les mèmes reprenant l’imagerie communiste, notamment de Staline, surgissent régulièrement dans les sphères de gauche, relève son camarade de parti vaudois Luca Schalbetter, qui voit dans ces publications un signe «d’autodérision assez bienvenu». «Ce serait autre chose s’il s’agissait d’une revendication de cet héritage-là…»

«Staline a construit la Russie»

Le ton devient nettement plus combatif lorsque l'on change d'interlocuteur et que l'on s'adresse à Salika Wenger, députée d’Ensemble à Gauche à Genève. Elle se réjouit de ce qu’elle considère comme un sursaut de radicalité du POP Valais et refuse de comparer Staline à Hitler: «il ne faut pas faire des comparaisons qui ne sont pas possibles. Personne ne peut se gargariser d’Hitler. Staline, il y a eu du bon et du mauvais. Il y a eu de nombreux dérapages, mais il a construit la Russie.» Elle estime que les jeunes membres du POP se réfèrent à cette imagerie «qui fait partie de l’identité du parti», tout en détachant les symboles de l’histoire.

Elle se réfère à la nostalgie très répandue dans les pays de l’ancien bloc de l’Est pour le communisme: «Ils ne se sont pas rendu compte de ce que le libéralisme représenterait pour les gens. A la télé, on ne voit que les classes supérieures, mais on ne voit pas la société d’en bas: les files d’attente pour aller manger, les enfants qui s’entassent dans des piaules…»

Elle s’indigne ensuite de l’émoi que peut susciter Joseph Staline quand les médias et la politique seraient si indifférents envers les dictateurs d’aujourd’hui, soutenus par les gouvernements occidentaux. «Tous ces gens qui commettent des monstruosités dans leurs pays, mais qui sont soutenus par Macron, par les Anglais… et on s’émeut pour des fautes politiques qui ont presque cent ans?»

«Le POP est un parti stalinien»

Un relativisme qui n’étonne pas Olivier Meuwly. «L’extrême-gauche a toujours pensé que comme il y a eu Hitler, Staline ça va», explique l'historien et juriste. Le Vaudois d'origine fribourgeoise déplore une époque obsédée par l’histoire mais qui la connaît souvent mal — l’extrême-gauche, en particulier, aurait un rapport «très différencié» à l’Histoire: «On relativise toutes les errances du communisme par rapport au mal absolu qu’est Adolf Hitler. Ce que le POP n’arrive en vérité pas à dire, c’est qu’il est stalinien. Même si la rigolade est évoquée, il assume ce passé.»

Pour l’ancien conseiller national et conseiller d’État vaudois Josef Zisyadis en revanche, pas question de rigoler, ni de revendiquer un quelconque héritage: «Le parti auquel j’ai adhéré à 16 ans, et dont je suis encore membre par solidarité, était anti-stalinien.» Pour lui, le parti ouvrier aurait tout intérêt à se détacher complètement des horreurs des régimes communistes s’il veut être crédible.

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