Aucune raison d’être impatient ou paniqué! Les «grands axes» du futur mandat de négociation avec l’Union européenne (UE), dont le Conseil fédéral discutera à la fin juin, n’auront rien d’un «big bang».
En visite à Bruxelles pour une nouvelle séance de discussions «exploratoires» ce mardi 30 mai, la négociatrice en chef helvétique, Livia Leu, a tout fait pour tuer le suspense. Oui, un débat sur le futur mandat est bien prévu à la fin juin. Oui, les «grands axes» qui seront adoptés par le collège délimiteront la «zone d’atterrissage» sur laquelle le gouvernement suisse souhaite se poser, après une nouvelle consultation avec les partenaires sociaux et les commissions parlementaires. Oui, une déclaration commune de principes listant ces «grandes lignes» reste envisagée, comme le réclame la Commission européenne.
Mais sur tout cela, la seule certitude est que… rien n’est certain. Rien, sauf la date. «À la fin juin, la discussion va se tenir à Berne. Les buts que le Conseil fédéral veut atteindre seront fixés. Ils devront englober les intérêts de politique intérieure et extérieure», confie une source proche du dossier.
Vous avez bien compris? Alors, vous avez de la chance. Car à part ça, tout reste flou. L’objectif demeure bien, conformément à l’engagement pris par le gouvernement le 29 mars, «d’établir les grands axes d’un mandat de négociation avec l’Union européenne». Le voile sera donc loin d’être complètement levé sur ce qui va suivre, dans la période allant des élections fédérales du 22 octobre 2023 aux élections européennes du début juin 2024.
«Franchement, on ne sait pas à quoi s’en tenir. On croit encore à un pas en avant de Berne. Mais personne ne sait dans quelle direction», juge, à Bruxelles, un diplomate d’un pays membre voisin de la Suisse. Fait révélateur: Livia Leu n’a pas confirmé que cette visite bruxelloise était sa dernière avant son départ du poste de secrétaire d’État. A priori, la future ambassadeure suisse à Berlin ne devrait pas revenir au Berlaymont, le QG de la Commission, où son interlocuteur est le diplomate slovaque Juraj Nociar, chef de cabinet du Commissaire européen Maros Sefcovic. De nouvelles séances en visioconférence devraient suffire. À moins que…
Discussions le 21 ou le 28 juin
Le plus probable est que le Conseil fédéral validera officiellement, lors de ses séances du 21 ou du 28 juin, la nouvelle approche par «paquet bilatéral» qui amènera la diplomatie suisse à négocier trois nouveaux accords avec l’UE: sur la santé, sur la sécurité alimentaire et sur l’électricité. Les membres du gouvernement devraient aussi valider la demande suisse de rejoindre à nouveau le programme communautaire de recherche «Horizon», ce qui permettrait aux chercheurs helvétiques de réintégrer des consortiums européens.
La suite? C’est là que tout se complique. Échaudée par le rejet unilatéral du projet d’accord institutionnel avec l’UE du 26 mai 2021, la Commission européenne exige un engagement de Berne. Une forme de mandat qui ne serait pas un mandat (consultations obligent) mais ressemblerait à un mandat. Or, pour le moment, l’affaire est loin d’être entendue. On parle de déclaration «seulement orale». Ah bon? «Il est vrai que nos partenaires européens réclament de la clarté, confirment les sources suisses. Ça devrait venir. Mais ça peut prendre différentes formes.»
Nouveau secrétaire d’État nommé d’ici fin août
Seule certitude: un(e) successeur(e) à Livia Leu doit être nommé d’ici à la fin août. La définition du poste a déjà fait l’objet d’une annonce, ridiculisée de ce côté-ci de la Sarine en raison des fautes d’orthographe de sa version francophone. Le plus probable est un remplacement poste pour poste: à savoir un secrétaire d’État chargé à la fois de gérer le Département fédéral des Affaires étrangères et de négocier avec l’UE. Il n’y aura pas, côte à côte, un secrétaire d’État et un négociateur.
Autre certitude: les pourparlers en cours avec Bruxelles resteront sans lien avec la consolidation de la Communauté politique européenne (CPE), qui tiendra son sommet ce jeudi 1er juin en Moldavie, pays voisin de l’Ukraine, très exposé aux menaces russes. La Suisse est membre de la CPE, aux côtés de 46 autres pays, dont les 27 membres de l’UE. Alain Berset, président de la Confédération, y assistera à Chisinau, la capitale moldave. Un prochain sommet de la CPE aura lieu en Espagne à l’automne. La Suisse a déjà proposé d’accueillir une édition suivante. «Il n’y a pas de lien entre les deux, tranche une diplomate française. Le destin européen de la Suisse, en matière d’accords bilatéraux, se joue uniquement à Bruxelles. Déjà que tout est flou sur le plan diplomatique. On ne va pas, en plus, s’engouffrer dans un labyrinthe politique.»