«L'infection se répand en un éclair»
Voilà pourquoi cet aviculteur confine ses 9000 poules

La grippe aviaire fait rage comme jamais, tout autour du globe. La Suisse a prolongé les mesures de protection strictes jusqu'à fin avril. Blick a rendu visite à un producteur d'œufs. Rolf Kreyenbühl explique comment il gère la menace qui pèse sur ses poules.
Publié: 14.03.2023 à 15:01 heures
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Dernière mise à jour: 14.03.2023 à 15:03 heures
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Dans ce poulailler vivent 9000 poulets de plein air. Les places dans le jardin d'hiver, près des clôtures, sont très appréciées. Les animaux observent le voisinage avec curiosité.
Photo: Siggi Bucher
Beat Michel

La ferme avicole située un peu en dehors de la commune rurale argovienne de Beinwil est étonnamment calme. Pourtant, ce sont plus de 9000 poules qui y sont élevées par Rolf Kreyenbühl et qui peuvent normalement se déplacer librement sur 25'000 mètres carrés de prairie. Mais aujourd'hui, elles observent l'arrivée de nos journalistes à travers un grillage à mailles serrées. Dans les champs environnants, plantés de tilleuls et de noyers, pas une trace de volaille

La raison de cet enfermement: la grippe aviaire H5N1, hautement contagieuse, qui se propage à toute vitesse parmi les oiseaux sauvages du monde entier. Les éleveurs et éleveuses veulent donc éviter tout contact avec leurs animaux.

«Les mesures viennent d'être prolongées jusqu'à fin avril. C'est long, la situation doit être grave, sinon ils ne feraient pas ça», lance Rolf Kreyenbühl. Il nous fait visiter la grande étable. Les règles d'hygiène sont très strictes. Notre photographe et notre reporter doivent enfiler une combinaison et chausser des housses de protection. Ce n'est que lorsque la porte donnant sur l'extérieur est bien fermée que nous pouvons nous approcher des animaux.

«Nous prenons la grippe aviaire très au sérieux», assure l'agriculteur. «L'infection se propage à la vitesse de l'éclair, ajoute-t-il. La seule chose que nous puissions faire pour protéger les animaux est d'appliquer les directives de la Confédération de manière systématique.»

Attendre dans le jardin d'hiver

Le poulailler pour les poules blanches, qui compte 17 coqs, est divisé en trois parties. C'est dans la grande partie centrale que se trouvent la plupart des animaux. C'est là que les poules font de la gymnastique sur les perchoirs, qu'elles grattent le sable et qu'elles pondent leurs œufs dans des niches le long des murs. Côtés est et ouest, des ouvertures donnent sur les jardins d'hiver. Là aussi, les volailles creusent dans le sable ou se hissent sur les perches le long de la clôture grillagée. Vers le haut, le jardin d'hiver est couvert.

«Ici, aucun moineau, même le plus petit, ne peut entrer. Et les excréments d'oiseaux sauvages ne peuvent pas non plus tomber dans le poulailler», explique Rolf Kreyenbühl. «Ainsi, les animaux devraient être protégés d'une contamination», tente de se rassurer l'éleveur. Mais le risque zéro n'existe pas.

Lorsqu'on lui demande pourquoi la Suisse en particulier a été épargnée jusqu'à présent par les contaminations dans les élevages de volailles, il évoque la situation géographique du pays. Il explique: «Les principales routes des oiseaux migrateurs passent par chez nous au sud et au nord, ce qui épargne notre région. De plus, nous avons eu jusqu'à présent une bonne dose de chance.»

Force majeure

Les poules de l'exploitation familiale de Rolf Kreyenbühl sont désormais âgées de 54 semaines. Les animaux étaient âgés de 39 semaines lorsque, fin novembre, ils n'ont plus pu quitter le poulailler en raison du confinement ordonné par la Confédération. Les poules IP-Suisse d'élevage en plein air qui pondent des œufs pour Migros se sont donc soudainement retrouvées enfermées. «Malgré cela, nous pouvons continuer à étiqueter les œufs comme étant pondus en plein air. Ces mesures relèvent de la force majeure», argumente Rolf Kreyenbühl.

Les poules observent notre visite avec curiosité: «Nous essayons d'offrir aux animaux une occupation supplémentaire avec des balles de paille, de la luzerne et des bols à picorer. Lorsque nous avons dû les enfermer, les bêtes n'avaient pas l'air malheureuses. Mais en été, elles voudront sortir.»

Le fait que les poules ne puissent pas aller gambader dans les champs pendant aussi longtemps n'est encore jamais arrivé, même si la grippe aviaire a déjà constitué une menace à plusieurs reprises. «Il y a deux ans, les mesures de protection s'appliquaient par zones. À cette époque, le voisin basé au bord de la Reuss a dû mettre ses animaux à l'abri parce qu'il y avait des oiseaux d'eau à proximité. Nos bêtes pouvaient sortir», raconte le producteur d'œufs.

Les poules suisses restent pour l'instant épargnées

L'association faîtière de la production d'œufs, Gallosuisse, salue les mesures prises par la Confédération. Son directeur Raphael Zwahlen déclare: «En Suisse, pas une seule ferme n'a encore subi d'infestation. Nous considérons que le bon monitoring des autorités, les mesures préventives ordonnées à temps et la mise en œuvre professionnelle de ces dernières en sont les principales raisons.»

Il voit un autre avantage dans la taille maximale de 18'000 poules par exploitation en Suisse. «Grâce à l'élevage décentralisé, nous avons moins de risques de concentration que le reste de l'Europe ou les États-Unis», explique Raphael Zwahlen. Ainsi, les abattages massifs en Amérique du Nord, avec ses millions d'exploitations, ont fait doubler ou tripler le prix des œufs, tandis qu'en Europe, les prix ont augmenté de 60%.

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