Leur sécurité en jeu
Une pénurie d'électricité serait une catastrophe pour les hôtels

En cas de pénurie d'électricité, la Confédération menace de fermer les centres de bien-être. Les hôteliers suisses tremblent pour leur chiffre d'affaires. Mais les conséquences possibles d'une pénurie d'électricité pourraient être bien plus graves.
Publié: 03.09.2022 à 12:10 heures
«Si nous ne pouvons plus les louer, nous aurons 30 à 40% du chiffre d’affaires en moins», avertit Ariane Oswald
Photo: STOEH_GRUENIG
Sarah Frattaroli

Ariane Oswald vient d’acheter une grande quantité de piles. Pas pour chez elle, mais pour les quatre hôtels Sorell qu’elle dirige à Zurich et dans les environs.

A l’hôtel Rütli par exemple, les clients accèdent à leur chambre grâce à une carte électronique. «En cas de panne de courant, les serrures des portes fonctionnent sur batterie», explique la directrice de l’hôtel. En cas d’extrême urgence, il y a aussi la possibilité d’ouvrir avec une clé plus traditionnelle. «Mais nous ne les avons pas utilisées depuis des années», souffle l’hôtelière. Si l’un de ses clients se voyait remettre par erreur une clé qui ouvre toutes les portes, il se retrouverait soudain avec un passe-partout pour tout l’établissement.

Ariane Oswald ne veut pas semer la panique en cas de black-out. «Mais plus vite on a un plan d’urgence, plus ce sera facile», justifie-t-elle. Et la Zurichoise n’est pas la seule: d’autres hôteliers achètent non seulement des piles, mais aussi des bougies, des lampes de poche et des batteries externes. Selon eux, les clients devraient pouvoir charger leur téléphone lors d’une panne de courant.

Certains hôtels voulaient installer un générateur de secours dans leur cave — mais ceux-ci sont en rupture de stock dans toute l’Europe.

30% de chiffre d’affaires en moins

Ce mercredi, le Conseil fédéral a exposé ses plans d’économie pour l’électricité et le gaz. Les hôtels font l’objet d’une attention particulière, puisque la Confédération envisage de fermer les piscines, les saunas et les espaces bien-être si les appels à l’économie d’électricité ne suffisent pas.

Ariane Oswald serait concernée par cette interdiction. Dans un de ses hôtels, il y a des suites avec bain de hammam et sauna. «Si nous ne pouvons plus les louer, nous aurons 30 à 40% du chiffre d’affaires en moins.» Du côté de l’hôtellerie de montagne, la baisse du chiffre d’affaires serait encore plus importante.

Certains employés des hôtels se retrouveraient soudain sans travail. L’association de la branche de l’hébergement HotellerieSuisse demande donc des mesures de soutien en cas de restrictions ou d’interdictions — entre autres du chômage partiel comme durant la pandémie.

Fondue et assiettes froides

Le scénario catastrophe? Le black-out. «Mais même si cela n’arrive pas, nous nous attendons à des fluctuations de courant en raison de la situation incertaine de l’approvisionnement», explique Ariane Oswald. L’électricité pourrait être coupée pendant de courtes périodes à certains moments de la journée.

Cela pourrait avoir des conséquences désastreuses. Par exemple, si un incendie se déclarait pendant une coupure de courant. Le système d’alarme incendie n’enverrait pas d’appel d’urgence automatique aux pompiers. «Nous devrions faire plus de rondes de contrôle dans l’hôtel», souligne la Zurichoise.

Si l’électricité est coupée, la cuisinière ne fonctionnera pas non plus. Des idées circulent dans le secteur pour servir aux clients des assiettes froides ou une fondue à la lumière des bougies. Cela ne nécessite pas d’électricité, seulement de l’alcool à brûler. Ariane Oswald reste néanmoins sceptique: «Si l’électricité est coupée, nous ne pourrons pas maintenir la chaîne du froid. La loi sur les denrées alimentaires nous y oblige.» Le fromage non réfrigéré irait donc à la poubelle, et non dans le caquelon.

Les assiettes froides peuvent être une solution pour les hôtels.
Photo: Keystone

Occuper les chambres par étage

Si des coupures de courant récurrentes et prolongées devaient effectivement se produire, tout cela ne ferait plus l’ombre d’un doute pour l’hôtelière: «Nous ne pourrions alors plus fournir nos prestations. Le client ne vient pas dans notre hôtel pour s’asseoir dans sa chambre avec une lampe de poche et une bougie.»

Il serait alors à nouveau question de fermer des hôtels. Pour éviter cela, le secteur promet de contribuer activement aux économies d’énergie. Il y a aussi des raisons économiques derrière cela: «Chez nous, les coûts énergétiques représentent 3% des coûts totaux», calcule Ariane Oswald. Face à la hausse des prix, économiser de l’électricité signifie aussi et surtout économiser de l’argent. «Nous misons sur des lampes LED à faible consommation d’énergie et installons des capteurs de mouvement dans les couloirs pour que la lumière ne reste pas allumée en permanence.»

Cela ne suffira peut-être pas à éviter la pénurie d’électricité qui menace. Les associations du secteur passent donc à l’offensive. GastroSuisse, par exemple, donne à ses membres des conseils pour économiser de l’énergie en 12 points. «Occupez les chambres en fonction des bâtiments et des étages, y est-il notamment écrit. Dans les zones non occupées, le chauffage peut ainsi être réduit sur toute la surface.» HotellerieSuisse propose même un séminaire sur les économies d’énergie.

«Pour que la saison d’hiver puisse se dérouler comme prévu, tout le monde doit maintenant tirer à la même corde», soupire-t-on du côté de l’association. Ariane Oswald espère elle aussi un bon hiver malgré ses craintes: «Nous avons énormément souffert pendant le Covid. Sans soutien, nous ne supporterons pas cela une nouvelle fois.»


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