L'élu vert Ilias Panchard tire à vue
«Si Bernard Nicod veut monter à l’arbre, il doit avoir le cul propre»

Le Vert lausannois Ilias Panchard n'a pas goûté aux critiques du promoteur immobilier Bernard Nicod, qui suggère de privatiser la gestion des logements de la capitale vaudoise, alors que le service en mains écolo est en crise. Il le provoque en duel.
Publié: 05.03.2024 à 16:09 heures
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Dernière mise à jour: 07.03.2024 à 10:04 heures
Ilias Panchard, conseiller communal vert lausannois, appelle Bernard Nicod à débattre publiquement sur la question du logement.
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Quand deux grandes gueules se croisent dans l’actualité, cela fait des étincelles. Même si leur style respectif est très différent. À gauche, Ilias Panchard, conseiller communal (législatif) lausannois et co-président de la section locale des Vert-e-s. À droite, Bernard Nicod, probablement le promoteur immobilier le plus connu de Suisse romande.

L’objet du clash? La crise du Service des gérances de Lausanne. Pour mémoire, la Caisse de pensions du personnel communal (CPCL) a décidé de résilier son contrat de gérance avec la Ville, relatait «24 heures» début février. Conséquence: l’Exécutif à majorité rose-verte a perdu 3705 logements sous gestion, soit les trois quarts de son portefeuille. Une gifle pour la municipale du logement écologiste Natacha Litzistorf et une sacrée épine dans le pied de la politique menée par la gauche au pouvoir.

Dans une tribune publiée dans les colonnes du grand quotidien vaudois, l'entrepreneur au verbe haut appuie une suggestion du Parti libéral-radical (PLR) local: externaliser la gestion des logements propriétés de la Ville. «Il est temps de remettre les pendules à l'heure et d'adopter une approche pragmatique, fondée sur les résultats et non sur l'idéologie», tonne-t-il.

Une prise de position qui fait bondir Ilias Panchard. Ce dernier estime que Bernard Nicod agit en sous-marin pour «attaquer le droit du bail» et obtenir «la main mise complète du privé». L'élu l'invite à descendre dans l'arène pour un débat public: «On verra s'il en a le courage», glisse-t-il à Blick. Interview.

Ilias Panchard, vous affirmez sur X que le souhait de Bernard Nicod, à savoir externaliser la gestion des logements de la Ville, n’est pas une bonne idée. Vous voulez apprendre à l’un des plus grands spécialistes de l’immobilier à gérer des immeubles?
Ma réaction est aussi due à un élément: le soutien de Bernard Nicod à la provocation de Mathilde Maillard, présidente du PLR lausannois. C’est elle qui a porté la suggestion que vous mentionnez au Conseil communal (législatif). Bernard Nicod, qui finance le PLR et l’Union démocratique du centre (UDC), était visiblement au courant puisqu’il l’a commentée dans un billet publié par «24 heures» avant les débats. Peut-être même est-il à l’origine de cette idée, allez savoir. Heureusement, l’organe délibérant l’a balayée.

Mais quand on voit le fiasco du Service des gérances de la Ville de Lausanne, sous l’égide de votre municipale Natacha Litzistorf, ne se dit-on pas que Bernard Nicod pourrait avoir raison et que sa vision mérite d’être étudiée?
Non. Ce qui est maintenant fondamental, c’est que l’Exécutif — représenté par trois municipaux au sein du comité de la caisse de pensions qui a décidé de résilier son contrat de gérance avec la Ville — veille à ce que la politique sociale du logement de la majorité verte-rose se poursuive. C’est d’ailleurs en ce sens que les Vert-e-s sont intervenus au Conseil communal et je vais déposer un postulat pour le garantir.

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Que défendez-vous?
Une politique du logement qui respecte la LPPPL (ndlr: la loi sur la préservation et la promotion du parc locatif), qui empêche l’augmentation des loyers, qui construit des logements d’utilité publique et qui défend une vision sociale au moment d’accepter les dossiers des personnes qui cherchent un logement. Aujourd’hui, beaucoup de personnes n’arrivent plus à se loger, notamment à cause des gérances comme celle de Bernard Nicod. C’est pour y remédier que nous avons été élus.

C’est bien joli, mais tout n’est pas parfait: des voix de locataires mécontents du service de la Ville se font entendre. Ne doit-on pas essayer autre chose?
Pour ma part, j’ai aussi entendu des témoignages de locataires de la Ville très satisfaits. On peut continuer ce petit jeu longtemps et regarder également du côté du privé — chez Bernard Nicod au hasard — où des Lausannois se plaignaient récemment dans les colonnes de «20 minutes» de vivre avec des rats et ont dû attendre des mois avant d’avoir une réponse de la gérance Bernard Nicod.

Alors comment agir concrètement?
Ce qui compte réellement, c’est ce qu’a fait la municipale verte Natacha Litzistorf en réaction à ces difficultés: mettre plus de moyens pour un meilleur suivi, faire le nécessaire pour avoir un système informatique qui fonctionne mieux et défendre la politique sociale du logement dont nous parlions. Nous devons peser davantage face au privé et c’est justement cette ambition qui inquiète Bernard Nicod.

Vous estimez qu’il ne dit pas le fond de sa pensée?
Ce que souhaite en réalité Bernard Nicod, c’est attaquer le droit du bail et le droit de préemption. Il veut la main mise complète du privé. Sa tribune m’a fait penser à un dicton, que je vous adapte pour l’occasion: si Bernard Nicod veut monter à l’arbre, il doit avoir le cul propre. Ce n’est clairement pas le cas. Dans une interview accordée à Blick, il assurait manquer d’hypocrisie pour faire un bon politicien. Je ne suis pas d’accord: il coche toutes les cases pour faire un bon politicien de droite. Mais qu’il ose pleinement jouer son rôle en descendant dans l’arène. Je l’invite formellement à un débat public. On verra s’il en a le courage.

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