Mode d'emploi pour éviter les arnaques
La recherche d'appartement de ce couple vaudois a failli tourner au cauchemar

Lui est retraité. Elle arrive à la fin de sa carrière. Ce couple vaudois doit rapidement quitter son logement, la maison qu'il loue depuis près de 30 ans ayant été vendue. Mais ses recherches d'appartement sont un chemin semé d'embuches et… d'arnaques. Témoignage.
Publié: 08.02.2024 à 15:15 heures
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Dernière mise à jour: 08.02.2024 à 16:48 heures
1540 francs par mois pour un appartement mansardé de 3,5 pièces à Lausanne, trop beau pour être vrai? (Image d'illustration)
Photo: Keystone
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Lorenzo*, 63 ans, est retraité. Eliane*, 58 ans, est enseignante. Ce couple vaudois, domicilié dans la cossue ville de Pully, a jusqu’au mois d’octobre pour quitter la maison qu’il loue depuis 28 ans, le bien ayant récemment été vendu par le propriétaire.

Quitter son chez-soi à contrecœur n’est jamais chose aisée. Dans le cas qui nous intéresse, l’explosion du coût des loyers des dernières années vient s’ajouter à la charge émotionnelle déjà lourde. Une assommante réalité, que connaissent malheureusement bien les personnes domiciliées sur l’Arc lémanique.

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Lorenzo et Eliane se sont faits à l’idée: ils devront certainement payer plus cher pour plus petit. Mais, même ainsi, pas évident de trouver chaussure à son pied dans leur budget: un peu plus de 2000 francs maximum.

Un miracle à Lausanne?

Courant janvier, une annonce publiée en ligne attire l’œil du retraité. Le descriptif et l’image qui l’accompagne décrivent un cocon mansardé, de 3,5 pièces, au cœur de Lausanne, pour 1540 francs par mois charges comprises. «Ce n’est pas cher, c’est vrai, mais ce n’est pas un prix complètement déconnant non plus», glisse le sexagénaire à Blick.

L’offre est par ailleurs bien rédigée, le site qui l’héberge est respectable. Lorenzo envoie un mail à l’annonceur. Une personne qui se présente comme une femme lui répond rapidement. Elle assure être la propriétaire du bien avec son mari. «Puisque nous voulons mieux vous connaître, nous serons plus qu’heureux d’entendre quelque chose sur vous (âge, emploi, style de vie ou tout ce qui, selon vous, fait de vous un bon locataire). Je vous souhaite une bonne journée et j’espère avoir de vos nouvelles.»

Le Pulliéran y croit. Il décrit succinctement sa situation et celle de sa compagne. Et rassure sur leur solvabilité. Un courriel de quelques lignes qui fait visiblement son petit effet: «Nous serons heureux de vous louer l’appartement si nous parvenons à un accord, rétorque dans la foulée l’interlocutrice. Tout semble bon et nous considérons que tant que le loyer est payé à temps et que vous prenez bien soin de l’appartement, nous nous entendrons très bien!»

Des warnings s’allument

Champagne? Lisez plutôt la suite du message. «Comme je vous l’ai dit, le loyer mensuel est de 1540 francs charges comprises, rappelle celle qui assure se prénommer Erika. Un dépôt de garantie de 1540 francs est demandé au début de la location et il sera remboursé en fin de contrat. Le contrat peut être résilié par toute partie moyennant un préavis de trois mois.»

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«Nous vivons à Santa Cruz de Tenerife et nous avons hérité de cet appartement il y a quelques années»
La personne derrière l'annonce pour l'appartement lausannois
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Le dépôt demandé allume un premier warning dans le cerveau de Lorenzo. Le doute finit par véritablement s’installer dans son esprit lorsque son interlocutrice livre quelques détails sur elle. «Nous vivons [avec mon mari] à Santa Cruz de Tenerife et nous avons hérité de cet appartement il y a quelques années. Notre fille y a vécu pendant une courte période, mais elle a maintenant un nouvel emploi en tant que responsable du développement commercial dans les dispositifs médicaux pour l’endoprothèse et l’orthopédie ici en Espagne, nous avons donc décidé de le louer.»

Ces détails très spécifiques amorcent un vrai hic: «Nous serons heureux de le louer à tous ceux qui aiment le garder propre et bien rangé. Nous pouvons louer l’appartement pour une durée illimitée. Le seul problème est que nous sommes actuellement à Tenerife. Nous ne pourrons pas vous montrer l’appartement nous-mêmes en raison de la situation actuelle, mais nous trouverons une solution adaptée si vous êtes toujours intéressé. Quand souhaitez-vous emménager?»

Une avance salée à l’aveugle

La «solution adaptée» avancée par Erika? Un enregistrement payant sur un site mondialement connu pour ses hébergements: «Vous réserverez l’appartement pendant un à deux jours pour le vérifier avant de décider de louer ou non (le dépôt de garantie contre les dommages qui est requis sera soit calculé comme couverture pour le premier mois de loyer, soit remboursé après votre départ).»

En clair: pour pouvoir visiter le logement et se faire un avis, Lorenzo et Eliane doivent débourser l’équivalent d’un mois de loyer, soit 1540 francs. Mais, promis juré, s’ils ne sont finalement pas intéressés, le montant leur sera restitué.

La ficelle est un peu grosse. L’ancien cadre d’une organisation suisse à but non lucratif décide de creuser. Il prend langue avec le registre foncier. Ce dernier lui donne l’identité du propriétaire de la parcelle sur lequel se trouverait l’appartement convoité par le couple.

Sensibiliser aux arnaques

Blick a pris le relais et a contacté cette société spécialisée dans la gestion de capitaux. Après avoir confirmé détenir l’adresse en question, la structure valide les suspicions de Lorenzo: «Nous ne disposons pas d’un appartement de 3,5 pièces au loyer de 1540 francs», écrit-elle dans un courriel daté du 5 février.

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«Il faut être extrêmement vigilant face aux annonces immobilières en ligne»
Lorenzo, retraité vaudois
»

Patatras. Le couple, qui cherche toujours à se reloger, doit maintenant reprendre son bâton de pèlerin. Mais le pire a été évité. «J’ai lu il y a 10 jours sur Blick.ch un témoignage similaire outre-Sarine et j’ai jugé qu’il était important d’également sensibiliser le public romand, avec un cas local. Il faut être extrêmement vigilant face aux annonces immobilières en ligne, car, tant que les plateformes qui les hébergent ne seront pas contraintes à faire des vérifications plus poussées, les fraudes pulluleront.»

*Noms connus de la rédaction

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