En Suisse, de plus en plus de personnes vivent malgré elles dans un espace très restreint. Dans les familles, les enfants se partagent une chambre. Des gens se mettent en colocations et utilisent toutes les pièces disponibles comme chambres à coucher, à l'exception de la cuisine. Un salon commun? Pas moyen! Les logements sont trop chers pour cela. La population urbaine en âge de travailler se dirige donc vers des logements moins chers et beaucoup moins spacieux.
Il en va tout autrement des retraités qui, peu après leur départ à la retraite, occupent en moyenne plus de 55 mètres carrés. À titre de comparaison: chez les 25-50 ans, cette surface est de 39 à 45 mètres carrés par personne, comme le montre Raiffeisen dans sa dernière étude sur le marché immobilier suisse.
Mauvaise incitation dans le droit du bail
La Raiffeisen parle donc d'une «allocation mauvaise et grotesque». Les experts immobiliers de la banque en attribuent la cause au droit du bail suisse. Selon ce dernier, les loyers des logements n'augmentent que de manière très limitée après la conclusion du contrat. En revanche, avant la signature d'un nouveau contrat, le loyer peut être adapté en fonction de l'augmentation du taux d'intérêt de référence, de l'inflation ou des investissements à réaliser au sein du logement. Au fil des ans, les loyers des biens occupés se dissocient donc fortement des loyers des biens disponibles.
Les différences sont énormes: dans les cinq plus grandes villes, Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich, les locataires d'un appartement de 4 pièces et de 100 mètres carrés loué pendant 20 ans paient en moyenne 1900 francs par mois de loyer. Ceux qui doivent trouver un tel appartement sur le marché devront débourser près de 2300 francs.
En moyenne, le logement de 4 pièces mentionné ci-dessus coûtera 160 francs de moins par mois s'il est occupé depuis une période de 10 à 14 ans, que le même logement disponible sur le marché. Après 25 ans, la différence est même de 30 %, soit 350 francs.
Déménager dans un appartement plus petit n'est pas rentable
Il en résulte que les déménagements dans des appartements plus petits ne sont financièrement guère ou plus du tout rentables après quelques années déjà. Dans les cinq plus grandes villes, cette tendance se manifeste après cinq ans. Une fois ce laps de temps passé, déménager d'un quatre pièces à un trois pièces ne vous fera rien économiser.
L'écart se creuse massivement avec les années: celui qui vit depuis 20 ou 30 ans déjà dans un 4 pièces peut être heureux de trouver encore un 2 pièces pour le même prix. Il n'est donc guère surprenant que dans les grandes villes suisses, 35 % des locataires occupent leur logement depuis plus de 10 ans. Dans les régions rurales, la proportion de baux de cette durée est nettement plus faible.
Les personnes âgées ne déménagent pas
Chez les plus de 45 ans, le besoin d'espace diminue régulièrement, car les enfants finissent par partir. Malgré cela, ils changent beaucoup plus rarement de logement. Bien que cette catégorie d'âge représente 46 % de la population, elle ne représente que 23 % des déménagements.
Les ménages âgés vivent donc souvent dans des logements dont le nombre de pièces dépasse de deux ou plus celui des occupants. Les auteurs de l'étude jugent sévèrement la pratique actuelle: «Compte tenu de la nette pénurie d'offre qui persiste sur le marché du logement, cette répartition des surfaces habitables est tout simplement un gaspillage.» Car ces logements manquent aux jeunes ménages qui ont un besoin urgent de plus d'espace pour vivre.
De la place pour 450'000 personnes supplémentaires
La Raiffeisen identifie un énorme potentiel de logements: si la génération plus âgée alignait sa consommation de surface sur la moyenne nationale par personne, 17 millions de mètres carrés seraient libérés. Cela correspond à environ 170'000 logements supplémentaires de 100 mètres carrés et à un espace habitable pour près de 450'000 personnes.
Selon les auteurs de l'étude, ce manque de logements engendre encore un autre problème: «Outre des questions fondamentales sur l'équité intergénérationnelle, cette situation crée des distorsions très discutables du marché». Ainsi, la stratégie judicieuse de densification urbaine est sapée et l'offre déjà limitée de surfaces d'habitation se voit encore réduite. «Cela accroît les loyers du marché, ce qui renforce ainsi la problématique décrite», constatent les auteurs.
Retoquer le droit du bail?
Mais Raiffeisen propose tout de même une solution: le loyer des logements occupés devraient être calqués sur la vérité des coûts. En principe, cela signifie que la protection des loyers existants dans le droit de bail est vidée de sa substance. Les auteurs constatent toutefois qu'il n'est guère réaliste d'envisager des interventions aussi profondes dans le droit du bail, qui fait l'objet d'une lutte acharnée.
La proposition soulève néanmoins des questions: est-il réaliste de penser que les loyers des logements diminueraient effectivement de manière significative? Ou est-ce que, dans la pratique, seuls les loyers des logements occupés subiraient une hausse?
Raiffeisen, ou «laissez faire le marché»
À la lecture de l'étude, les représentants de l'Association suisse des locataires devraient grincer des dents, car les auteurs argumentent à plusieurs reprises sur les loyers du marché. Ainsi, «dans la pratique, les loyers proposés sont déterminés par l'offre et la demande», peut-on lire à un moment donné.
Or le droit du bail veut précisemment éviter cela: c'est pourquoi il fixe le rendement net maximal pour les logements locatifs à un seuil 3,75%. Ce n'est que lorsque les logements sont occupés par un même ménage depuis plus de 30 ans que les loyers usuels de la localité et du quartier entrent finalement en ligne de compte.
Quoi qu'il en soit, la question d'une répartition plus équitable de la surface habitable devrait encore gagner en acuité compte tenu de la forte immigration et de la faible activité de construction.