Dans le courant de la journée de mardi, les doses de vaccins pour les enfants âgés de cinq à onze ans arriveront en Suisse, comme l'a annoncé la Confédération aux cantons. La première livraison devrait comprendre 249'000 doses de vaccins pédiatriques Biontech/Pfizer, selon les autorités.
La directrice de Pfizer Suisse, Sabine Bruckner, ne souhaite d'entrée de jeu pas s'exprimer pas sur la date d'arrivée ou le nombre de doses lorsqu'elle reçoit Blick au siège zurichois de l'entreprise. Outre Sabine Bruckner, deux personnes sont présentes dans la loge. Dans la salle de réunion de Pfizer, une bonne ventilation, la distance réglementaire et des masques assurent la sécurité sanitaire. L'autrichienne d'origine nous explique entre autres pourquoi elle soutient la vaccination des enfants, et nous parle de la protection qu'offre le booster Pfizer contre Omicron.
Blick: Madame Bruckner, quelle grande résolution avez-vous prise, en tant que directrice de Pfizer Suisse, pour 2022?
Sabine Bruckner: La même résolution que l'année dernière – faire traverser cette crise à nos collaboratrices et collaborateurs en toute sécurité. Dans la mesure du possible, de ce qui est de mon ressort. Je souhaite également fournir nos médicaments et nos vaccins à un maximum de patients. Quant à ma vie privée; je souhaite rendre plus souvent visite à ma famille en 2022. Mon neveu de cinq ans vit en Autriche – tout comme mes parents. Cette année, ils m'ont surtout vue via Skype ou Whatsapp.
Les enfants, comme votre neveu de cinq ans, pourront bientôt être vaccinés en Suisse. Conseillez-vous aux parents de leur faire tendre le bras? Car les enfants survivent généralement sans problème au Covid...
Les vaccins contribuent largement à endiguer les maladies infectieuses. Et le fait est que les enfants de moins de 15 ans représentent 26% de la population mondiale. Rien qu'en Suisse, il y a plus d'un demi-million d'enfants âgés de cinq à onze ans. Je conseille à tous les parents de demander conseil aux pédiatres. La vaccination présente le plus grand avantage pour les enfants qui sont prédisposés en raison d'une maladie chronique, ou qui vivent dans le même foyer que des personnes à risques.
Beaucoup de pédiatres s'expriment avec réserve. Le risque d'effets secondaires graves est-il plus important pour les vaccins pédiatriques que le risque pour les enfants d'être gravement atteints du Covid?
Nous avons mené une étude sur 1500 enfants. On a observé des réactions locales au vaccin, comme des gonflements ou des rougeurs au point d'injection, comme cela se produit aussi avec d'autres vaccins. Les effets secondaires systémiques tels que les maux de tête ou la fièvre ont été nettement moins fréquents. Entre-temps, plus de 2,6 millions d'enfants ont été vaccinés aux États-Unis. On a observé chez eux exactement les mêmes réactions vaccinales - et aucune autre. La réponse est donc non.
Des études sont actuellement en cours pour savoir si les enfants âgés de cinq à onze ans ont besoin d'une troisième dose de vaccin. Où en est la recherche ?
Je ne peux pas encore le dire. Actuellement, il n'existe pas de données sur les doses de rappel chez les enfants et les adolescents de cinq à moins de 16 ans.
La diffusion fulgurante du variant Omicron est actuellement source d'inquiétude. Pfizer a déclaré il y a quelques semaines qu'il était possible d'adapter le vaccin au nouveau variant en l'espace de 100 jours. Celui-ci sera donc prêt au printemps?
Si cela s'avérait nécessaire, nous pourrions livrer le vaccin adapté au printemps. Bien entendu, sous réserve d'une autorisation. Mais l'on ne sait pas encore si celle-ci est nécessaire. Nous travaillons sur deux axes: d'une part, nous étudions l'efficacité du vaccin actuel contre les variants qui apparaissent actuellement. Et parallèlement, nous analysons si une adaptation est nécessaire et nous la préparons.
Que montre la recherche sur Omicron jusqu'à présent ?
Ce que nous pouvons dire actuellement est qu'après la vaccination de rappel, la protection contre Omicron est 25 fois plus élevée chez les adultes. Cela signifie que la dose de rappel est certainement utile, surtout pour se protéger d'une évolution grave de la maladie.
Une partie de notre population nourrit une grande méfiance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Et parfois à l'égard de la science. Le relativement faible taux de vaccination en Suisse en témoigne. Avez-vous des vaccino-sceptiques dans votre entourage ?
Oui, je connais des gens qui sont sceptiques vis-à-vis de la vaccination. Il s'agit, d'une part, de personnes qui ont tout simplement encore des questions. Mais d'autre part, il y a aussi ceux qui font le choix conscient de ne pas se faire vacciner – même lorsque toutes leurs questions ont trouvé une réponse.
Comprenez-vous cette attitude?
Lorsque je regarde l'évolution de ces deux dernières années et que je vois combien de personnes ont contracté le Covid, voire en sont mortes, et combien le personnel de santé est surchargé, j'ai en effet du mal à accepter que quelqu'un refuse catégoriquement de se faire vacciner.
Malgré tous les points négatifs, au final, le Covid été une véritable opportunité économique pour Pfizer.
Le Covid a surtout été une opportunité pour la recherche, cela a aidé la technologie ARNm à percer. La recherche a fait un grand pas en avant dans ce domaine. Nous espérons encore beaucoup de cette technologie pour l'avenir. Pfizer et de nombreuses autres entreprises pharmaceutiques ont dit dès le début que nous voulions lutter contre la pandémie à l'échelle mondiale, en collaboration avec la science. Pfizer a investi à elle seule plus de deux milliards de dollars dans la recherche et la mise en place de la logistique, ainsi que dans la production d'un vaccin. Et la recherche est une activité économique à haut risque.
Un risque qui, de toute évidence, en vaut la peine – si l'on se fie aux milliards de doses vendues par Pfizer.
Environ 150 entreprises ont tenté de développer des vaccins contre le Covid. Nous avons désormais une dizaine de vaccins dans le monde qui ont été jugés sûrs et efficaces par les autorités de réglementation. Cela montre qu'il n'est pas si facile de réussir dans la phase recherche.
Il semble qu'une nouvelle percée ait été réalisée avec les pilules antivirales, qui seraient très efficaces. A-t-on encore besoin d'un vaccin si l'on a un médicament?
En principe, la prévention, c'est-à-dire la protection contre une infection, est toujours préférable à la maladie. Mais un traitement antiviral peut combler une lacune, surtout chez les adultes. Pour les personnes souvent exposées au coronavirus ou pour celles qui, en raison d'une maladie antérieure, ne développent qu'une protection insuffisante avec les vaccins, de telles thérapies sont un complément.
Pfizer veut mettre sur le marché un médicament antiviral appelé Paxlovid. La Suisse ne l'a pas encore commandé.
Nous sommes en contact avec Swissmedic et l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) à ce sujet. Mais aucun traitement antiviral de Pfizer n'a encore reçu d'autorisation de mise sur le marché en Suisse.
Dans d'autres cas, la Suisse a déjà conclu des contrats préliminaires. Pourquoi cela n'a-t-il pas encore fonctionné pour vous?
Nous y travaillons avec l'OFSP.
Vous avez donc bon espoir de faire affaire avec la Confédération?
Oui, je suis confiante!
Quand pourriez-on obtenir cette autorisation de mise sur le marché en Suisse?
C'est difficile à dire. Mais nous devrions avoir, début 2022, suffisamment de données à fournir à Swissmedic pour que l'organe puisse commencer l'examen. Cette thérapie antivirale pourrait, si tout se passe bien, contribuer à soulager les hôpitaux.
A partir du 1er janvier, les caisses maladie devront payer à la Confédération 25 francs par dose de vaccin au lieu de 5. La Confédération ne révèle rien sur les raisons de cette augmentation. L'on suppose donc que les fabricants de vaccins comme Pfizer ont augmenté les prix des vaccins Covid. Est-ce le cas ?
Je ne connais pas les accords passés entre la Confédération et les caisses d'assurance maladie. Les coûts sont toujours du même ordre de grandeur, il n'y a pas eu de changement important.
Dans des pays comme la Suisse et l'Autriche, nous sommes en mesure de nous payer les médicaments nécessaires. Il en va autrement dans les pays en voie de développement. Que fait Pfizer face aux problèmes de répartition?
Dès le début, l'objectif était de mettre le vaccin à la disposition de tous. Sur les trois milliards de doses de vaccin que nous produisons cette année, un milliard est parti aux États-Unis à prix coûtant. Celui-ci sera ensuite distribuée aux pays en voie de développement. Nous avons fait don de 40 millions de doses à Covax, l'organe mondial pour une distribution équitable des vaccins. Et nous travaillons également avec les gouvernements des pays africains et latino-américains pour leur fournir le vaccin. Mais cela ne suffit pas.
Pourquoi?
Il s'est avéré qu'il fallait aussi une aide pour la distribution du vaccin. Car notre vaccin doit être ultracongelé à une température de moins 60 à 90 degrés. Il faut donc des congélateurs spéciaux, qui ne sont pas disponibles dans tous les pays. Parfois, les routes ne permettent pas non plus de livrer le vaccin partout. Nous devons donc trouver de nouveaux moyens pour que les gens reçoivent leur dose.
Qu'avez-vous en tête?
Les routes aériennes, par exemple. Au Ghana, avec un partenaire, nous apportons des vaccins par drones dans des zones difficiles d'accès. Mais savez-vous ce que nous avons constaté ?
Quoi donc?
Coca-Cola a un excellent système de distribution. La boisson se trouve en effet pratiquement partout dans le monde. Pfizer travaille avec Coca-Cola pour voir comment nous pouvons apporter le vaccin aux patients dans tous les pays. Il y a des idées similaires à celles du transport par drone qui naissent.
Donc, que Coca-Cola apporte, en même temps que ses bouteilles, le vaccin dans ses camions réfrigérés?
Ce n'est malheureusement pas si simple, car le vaccin doit être réfrigéré à très basse température. Dès qu'il n'est plus réfrigéré à ce point, il doit être inoculé rapidement. Mais une collaboration serait possible pour le dernier kilomètre. Si la chaîne du froid et les délais de livraison sont respectés à la lettre, notre vaccin peut atteindre les régions les plus reculées.