Ils portent des noms comme Ibisio ou Barritus Rex, et sont censés protéger les plantes contre les parasites et les maladies. Ils ne peuvent toutefois pas être utilisés en Suisse, car ces pesticides ne disposent pas d'une autorisation de mise sur le marché.
Pourtant, l'année dernière, cinq fois plus d'autorisations d'urgence ont été délivrées pour de tels produits par rapport à 2019. Comme l'a rapporté la télévision suisse romande RTS début janvier, le nombre d'autorisations pour ce type de produits phytosanitaires est passé de six à 29 en cinq ans (de 2019 à 2024).
Les critères se durcissent
A quoi cela est-il dû? Selon l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), les critères d'autorisation des produits phytosanitaires n'ont cessé de se durcir au cours des deux dernières décennies, «pour mieux protéger l'homme, l'animal et l'environnement».
De nombreuses substances actives et produits anciens ne remplissent plus les critères actuels. «Les titulaires d'autorisation ne veulent parfois plus supporter les dépenses liées à de nouvelles études, c'est pourquoi les produits phytosanitaires ne peuvent plus être utilisés par la suite», explique la porte-parole de l'OFAG Tiziana Boebner, dans le «Beobachter». Parallèlement, de nouveaux agents pathogènes ont fait surface ces dernières années.
208 pesticides retirés de la circulation
Lorsqu'un ravageur ou une maladie ne peut plus être combattu avec les produits phytosanitaires autorisés, l'OFAG peut délivrer au fabricant une autorisation d'urgence. «La plupart des autorisations d'urgence sont délivrées pour des produits qui sont déjà régulièrement autorisés, mais pas pour la combinaison culture-agent pathogène concernée», explique la porte-parole de l'Office fédéral de l'agriculture. Les autorisations d'urgence sont valables au maximum pour un an, mais peuvent être accordées plusieurs années de suite.
Ce sont au total 208 substances actives acceptées, dont l'autorisation a pourtant été retirée depuis 2005. Selon Sandra Helfenstein, responsable de la communication de l'Union suisse des paysans, cela représente un énorme défi pour les agriculteurs. «La protection des cultures est de moins en moins garantie et le risque de production augmente énormément.»
Davantage de résistances
Comme les substances actives font défaut, les résistances aux produits encore existants gagnent du terrain. «Lorsqu'il existe des possibilités de protection alternatives, elles sont mises en œuvre dans la pratique», explique Sandra Helfenstein. Si elles font défaut, si elles ne fonctionnent pas de manière fiable ou si les alternatives demandent trop de travail ou sont trop coûteuses, la production de certains légumes, fruits ou aliments pour animaux est abandonnée.
Elle cite en exemple divers ravageurs contre lesquels il n'y a pas de remède, dont l'acarien, les vers fil de fer ou encore de nouveaux ravageurs comme le charançon des graines de fraises.
De nouvelles espèces ravageuses
Lorsqu'un ravageur apparaît pour la première fois en Suisse, l'OFAG agit immédiatement. L'année dernière, il a délivré cinq autorisations d'urgence afin d'éviter la propagation du scarabée du Japon. Il cause d'importants dégâts aux racines, aux feuilles, aux fleurs et aux fruits de plus de 400 plantes hôtes. «Chacune de ces autorisations d'urgence est valable pour différents produits phytosanitaires contenant la même substance active, afin de lutter contre le coléoptère du Japon sur différentes cultures», explique Tiziana Boebner.
Au total, l'OFAG a délivré l'an dernier dix autorisations d'urgence pour lutter contre des ravageurs émergents. Sept nouveaux ravageurs ont ainsi pu être contrôlés, selon la porte-parole.
Autorisations d'urgence pour les nouveaux ravageurs
L'Union des paysans n'est pas la seule à observer les développements autour des autorisations d'urgence pour les pesticides. Hans-Jakob Schärer de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL), codirecteur des sciences des plantes utiles, l'est également. Il étudie entre autres les produits phytosanitaires biologiques, qui entrent aussi dans la catégorie des pesticides.
Il constate que ce ne sont pas seulement les nouveaux ravageurs, mais aussi les conséquences du changement climatique qui font que des autorisations d'urgence doivent être délivrées. «Tantôt, il fait trop sec et trop chaud, et les insectes peuvent se multiplier, tantôt, il fait extrêmement humide, ce qui entraîne une augmentation des attaques d'organismes nuisibles.»
Selon lui, il faut garder un œil sur les endroits où de nouvelles autorisations d'urgence sont accordées année après année pour les mêmes problèmes. «Il n'est pas possible que les fabricants contournent la procédure d'autorisation régulière avec cet instrument», martèle Hans-Jakob Schärer.
En principe, l'OFAG fait bien son travail et s'efforce de favoriser les moyens doux par rapport aux massues chimiques lorsque cela est possible. Mais pour les nouveaux ravageurs, il faut agir dès le début et de manière rigoureuse, avant qu'il ne soit trop tard.