«Bien sûr que le Flon est traversé par une problématique qui lui est propre. Les violences extrêmes se déroulent en milieu urbain — souvent dans des milieux festifs — et pas à Chexbres ou à Chavannes-de-Bogis.» Yohan Ziehli, vice-président de l’UDC Vaud, ironise lorsqu’il parle du célèbre quartier lausannois. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère. «Les récentes agressions qui s’y sont produites sont le résultat d’un laisser-aller de la part des autorités communales, cantonales et même fédérales, notamment pour ce qui touche au contrôle des frontières. La Ville de Lausanne n’est pas la seule responsable. Mais nous devons la faire sortir de son sommeil coupable, et vite.»
Ce qui excite le jeune conseiller communal de la capitale vaudoise? Il y a un peu plus d’un mois, une rixe mortelle s’est déroulée au cœur du terrain de jeu des clubbeurs. Au petit matin du 7 novembre, une nouvelle altercation sanglante se serait déroulée au même endroit. Une femme, après avoir refusé de donner son pseudonyme sur Snapchat à un individu, aurait été tabassée et même attaquée au couteau.
Des événements insupportables qui ont laissé des stigmates, a constaté Blick. Sur les quinze femmes rencontrées sur place dans la nuit de vendredi à samedi, treize confiaient s’y déplacer la peur au ventre. Les derniers événements n’y sont évidemment pas pour rien. Mais pas seulement. Le harcèlement de rue et ses conséquences venaient quasi systématiquement s’ajouter à la pile d’angoisses portée par ces noctambules.
Ouvrir le poste de police du Flon la nuit?
L’UDC va agir, annonce à Blick Yohan Ziehli. Son camarade Valentin Christe défendra prochainement au sein de l’organe délibérant lausannois un plan d’actions pour lutter contre les violences urbaines. «Il sera par exemple proposé d’ouvrir les postes de police de proximité durant la nuit, comme celui du Flon, rebondit le vice-président du parti conservateur. Nous devons donner les moyens à la police de faire correctement et confortablement son travail.»
L’élu enchaîne: «La criminalité représente une situation globale et les crimes violents augmentent.» Vraiment? «Il y a en tout cas un sentiment d’impunité insupportable quand on voit les dealers faire leur œuvre en pleine rue comme si de rien n’était, bifurque-t-il. Lausanne la rouge n’y voit pas de problème alors que cela crée de l’insécurité.»
Philippe Miauton, le président de la section lausannoise du PLR, estime pour sa part que la Ville joue son rôle face au deal de rue, «en rendant la police visible et en faisant des actions ciblées». Concernant le Flon, l’élu local peine à dire si le quartier est véritablement plus dangereux que d’autres à Lausanne. «Cependant, les témoignages que vous avez recueillis ne m’étonnent pas, assure-t-il. Le harcèlement de rue est une problématique bien suivie par la Ville et les efforts en la matière doivent se poursuivre.»
Sur le papier, le libéral-radical ne serait pas contre l’ouverture du poste de police du Flon durant la nuit si cela permet de rassurer les gens qui ont besoin de l’être. «La thématique n’est toutefois pas aussi simple, précise-t-il. Cela pose des questions de planification et d’effectifs dans leur présence sur le terrain plutôt que dans un local.»
Analyse plus molle à gauche
Justement. Les effectifs de police sont-ils suffisants pour assurer la sécurité des fêtards et fêtardes du Flon? «Sans chiffres et analyses scientifiques, je ne peux que vous répondre au doigt mouillé et ce n’est pas mon genre, contrairement à d’autres, rétorque Denis Corboz, député socialiste au Grand Conseil vaudois et président du PS Lausanne. Par contre, la peur exprimée par les femmes dans votre article doit maintenant être entendue et appelle une réponse politique. La question mérite donc d’être posée. Il faut cependant rappeler que 100 nouveaux postes de policiers ont déjà été créés durant la dernière législature.»
Pour la conseillère nationale lausannoise Léonore Porchet, augmenter le nombre d’agents dans le quartier des boîtes de nuit serait une erreur. «La police ne protège pas du harcèlement, assène-t-elle. Dans 90% des cas, elle ne peut rien faire. Les faits ne sont souvent pas pénaux et elle ne pourrait même pas donner une amende d’ordre.»
«Les forces de l’ordre elles-mêmes ne sont pas exemptes de violence», renchérit-elle, en s’appuyant sur sa propre expérience. «Cette année, je suis allée déposer une plainte pour harcèlement, raconte l’élue verte. Pour être prise au sérieux par la police municipale, j’ai dû faire état de mon statut de conseillère nationale. Il y a énormément à faire pour simplifier les procédures et pour mieux former les agents à ces questions, c’est la priorité.»
Concernant le cas spécifique du Flon, Léonore Porchet trouverait plus judicieux d’augmenter la présence des correspondants de nuit. «Au lieu de mettre en place une réponse sécuritaire, il faut faire de la médiation avec des travailleurs sociaux, des personnes formées qui pourraient aussi améliorer l'accueil des cibles de ces violences», plaide-t-elle.
Celle qui est par ailleurs cofondatrice de l’application contre le harcèlement «Eyes Up» insiste: «Il n’y a pas davantage de harcèlement de rue le soir qu’à midi, même si la nuit ces agressions sont plus flippantes. Nos données le prouvent.» Plus globalement, toujours selon elle, les établissements nocturnes — au Flon ou ailleurs — peineraient à prendre leurs responsabilités, malgré quelques bonnes initiatives telles que le festival La Belle Nuit: «Ce qui est appelé de la drague lourde, alors qu’il s’agit en réalité de violences sexistes et sexuelles, est largement admis dans ce milieu. Il y a par ailleurs un abandon des autorités publiques qui disent à ces clubs qu’ils doivent s’organiser dans leur coin. Il manque une feuille de route qui ferait de la prévention une priorité.»
«Il faut gérer la montée en puissance»
Pierre-Antoine Hildbrand, municipal PLR de la Sécurité, refuse de se faire enfermer dans la question du nombre de policiers au Flon: «Les témoignages que vous avez reçus sont malheureusement largement partagés par les femmes mais ils préexistaient à la mort tragique causée par l’affrontement de deux bandes, avance-t-il. Jusqu’à preuve du contraire, ce drame n’a pas de lien avec d’autres événements survenus récemment ou encore avec la rumeur d’agressions au GHB dans un établissement bien connu de la place. On ne peut donc pas dire qu’il y a un problème général au Flon, vu aussi le nombre de noctambules qui s’y retrouvent sans soucis.»
Cependant, à mesure que la vie d’avant le Covid reprend ses droits, l’édile explique que la Ville travaille pour améliorer la coordination entre les différents acteurs présents au Flon: la police, les agents de sécurité, le propriétaire du quartier Mobimo (lire encadré ci-dessous), les clubs, les correspondants de nuit ou encore les secouristes. «Renforcer l’organisation et la coordination générale de la sécurité, sont des axes que j’entends faire mettre en œuvre, annonce-t-il. Mettre davantage de policiers n’est, dans ce cadre, pas toujours l’action la plus efficace en terme d’engagement des moyens.»
Impossible de parler du Flon sans sonder Mobimo, la société propriétaire du quartier. Une question est sur toutes les lèvres: en fait-elle assez pour assurer la sécurité des noctambules? En préambule, l'entreprise déplore les récents incidents survenus sur ses terres. Mais n'en endosse pas la responsabilité.
«La police municipale assure la sécurité publique dans toute la ville de Lausanne et notre dispositif de sécurité privé diurne et nocturne, vient le compléter, et ce depuis de nombreuses années, détaille Teodor Teodorescu, manager du quartier chez Mobimo. Nos agents de sécurité patrouillent dans le quartier et un dispositif de sécurité modulable est en place, adapté en fonction des événements et du moment de la journée ou de la semaine. Par exemple, le week-end ou lors d’événements spéciaux, les équipes de sécurité sur le terrain sont renforcées.» Pour lui, c'est suffisant: «Ce dispositif de sécurité modulable est, à notre avis et selon notre expérience, proportionnel à la fréquentation variable et à la typologie du Flon».
Pas de problématique propre au Flon
La société se veut par ailleurs rassurante. «Nous entretenons une étroite et excellente collaboration avec la police municipale et avons régulièrement des réunions de coordination et d’échange avec cette dernière», affirme le cadre. En outre, la sécurité serait un thème essentiel pour Mobimo, «afin que le quartier reste un lieu convivial pour ses usagers».
Pour cette dernière, le Flon n’est pas plus dangereux qu’un autre endroit du genre. «La sécurité est un thème primordial pour tous les quartiers d’une ville attractive, jure Teodor Teodorescu. Nous y prêtons une attention particulière en coordination avec la police municipale et également les autres parties prenantes. Le quartier est confronté aux mêmes problématiques que tout autre quartier ou endroit accueillant beaucoup de monde.»
Impossible de parler du Flon sans sonder Mobimo, la société propriétaire du quartier. Une question est sur toutes les lèvres: en fait-elle assez pour assurer la sécurité des noctambules? En préambule, l'entreprise déplore les récents incidents survenus sur ses terres. Mais n'en endosse pas la responsabilité.
«La police municipale assure la sécurité publique dans toute la ville de Lausanne et notre dispositif de sécurité privé diurne et nocturne, vient le compléter, et ce depuis de nombreuses années, détaille Teodor Teodorescu, manager du quartier chez Mobimo. Nos agents de sécurité patrouillent dans le quartier et un dispositif de sécurité modulable est en place, adapté en fonction des événements et du moment de la journée ou de la semaine. Par exemple, le week-end ou lors d’événements spéciaux, les équipes de sécurité sur le terrain sont renforcées.» Pour lui, c'est suffisant: «Ce dispositif de sécurité modulable est, à notre avis et selon notre expérience, proportionnel à la fréquentation variable et à la typologie du Flon».
Pas de problématique propre au Flon
La société se veut par ailleurs rassurante. «Nous entretenons une étroite et excellente collaboration avec la police municipale et avons régulièrement des réunions de coordination et d’échange avec cette dernière», affirme le cadre. En outre, la sécurité serait un thème essentiel pour Mobimo, «afin que le quartier reste un lieu convivial pour ses usagers».
Pour cette dernière, le Flon n’est pas plus dangereux qu’un autre endroit du genre. «La sécurité est un thème primordial pour tous les quartiers d’une ville attractive, jure Teodor Teodorescu. Nous y prêtons une attention particulière en coordination avec la police municipale et également les autres parties prenantes. Le quartier est confronté aux mêmes problématiques que tout autre quartier ou endroit accueillant beaucoup de monde.»