J'ai longtemps répugné à l'usage du terme «islamo-gauchisme», le trouvant excessif, vecteur de division et faisant obstacle à la possibilité même d’un débat politique. Toutefois, j'ai dû reconsidérer mon jugement. Bien que le terme n'ait rien perdu de son manque d'élégance, il reflète désormais une réalité indéniable, sauf à vouloir s'infliger une cécité volontaire.
Depuis deux décennies, notre monde occidental est confronté à l’islam radical. Un islamisme porteur d’un projet politique sociétal diamétralement opposé à l’héritage du siècle des lumières, à ses idéaux de liberté, d’égalités des chances et de parité.
Les attentats perpétrés en Europe, armes automatiques, couteaux, bombes ou camions à l'appui, témoignent de cette violence. Sans oublier les discours rétrogrades qui, autrefois confinés à des pays comme l'Iran ou l'Afghanistan, trouvent aujourd'hui un écho dans certaines mosquées européennes, malgré les efforts pour expulser leurs promoteurs.
L'islamisme conquérant dans les universités
On pourrait se rassurer en pensant que ces discours et actes horribles sont l'œuvre de marginaux, intellectuellement et moralement précaires, souvent toxicomanes et désorientés, finissant parfois par succomber aux tentacules d'un État islamiste. Cependant, depuis 2001, le visage de l'Occident a drastiquement changé. Le pivot est effrayant. Nos universités, censées être des bastions de la réflexion, sont désormais des cibles non pas pour des fusillades, mais pour propager un discours alliant une gauche radicale à un islamisme conquérant.
Il ne s'agit plus de quelques émeutiers, hooligans de l’Islam, mais de citoyens éduqués, souvent diplômés, peut-être doctorants ou même professeurs, dit-on, qui s’habillent en Yasser Arafat pour scander «from the river to the sea», prônant la destruction de l'État d'Israël. Ces groupes revendiquent la discrimination et l'exclusion de toute collaboration avec un État, sur la base de son identité même, juive, tout en manifestant un antisémitisme à peine masqué.
Une gauche identitaire et victimiste
Comment rester de marbre devant cette gauche qui s'identifie si profondément à la cause palestinienne qu'elle en adopte les codes vestimentaires, les slogans déplorables, et se montre si partiale dans ses indignations qu'elle soutient implicitement certains des régimes les plus oppressifs au monde, des Ayatollahs aux Talibans?
Cette alliance entre une gauche identitaire et victimiste, ouvertement anticapitaliste, et un islam s'éloignant de toute sécularisation possible pour basculer dans le fanatisme, aboutit à cette notion d'islamo-gauchisme qui, si elle me révulsait en tant que terme, me révulse désormais bien plus encore en tant que réalité.
En tant que citoyens, même reconnaissant le droit inaliénable d’Israël à se défendre, il est légitime et nécessaire de souhaiter un cessez-le-feu. Nous pouvons et devons exprimer cette demande avec vigueur.
Cependant, il est indécent de le faire sans mentionner l’indispensable libération des otages. Il n'est pas juste de réclamer un retrait de Tsahal sans considérer la reddition inévitable du Hamas. Les pertes civiles gazaouies sont horrifiantes, elles n’effacent pas la barbarie des massacres du 7 octobre. Appeler à la paix n’implique pas de se faire le porte-voix des exigences de groupes terroristes.
Alliance de deux extrémismes
L'occupation des universités par ces soi-disant résistants suscite bien des agacements. On peut espérer que l'État rétablira un semblant d'ordre public, comme il a su le faire face à d'autres mouvements.
Mais cette alliance de deux extrémismes, que tout devrait opposer, constitue un mariage de circonstance uni par une aversion commune pour le libéralisme occidental, qu'ils désignent naïvement comme capitalisme ou impérialisme. Cela aura des conséquences désastreuses bien au-delà des campus de Sciences-po, UCLA ou Dorigny.