Vous rappelez-vous la votation sur la libéralisation des horaires commerciaux, la «querelle de la saucisse»? Cette campagne avait, dans une ambiance dadaïste, lié l'autorisation de vendre des schübligs à celle d'ouvrir les magasins le dimanche dans les gares et aéroports.
Contre toute attente et par une mince majorité, le peuple avait alors franchi un pas vers ce que certains dramatisaient comme l'avènement du mercantilisme, une chute vers un «enfer social». Les augures pessimistes avaient prédit des cataclysmes bibliques pour quiconque oserait profaner le repos dominical, consacrant une alliance inhabituelle entre ecclésiastiques et syndicats.
Deux décennies plus tard, force est de constater que la société n'a pas subi de bouleversements majeurs. Il s'est avéré pratique de pouvoir faire des achats de dernière minute le jour du seigneur à la «Coop Pronto» de la gare. Quant aux boutiques d'aéroports, il serait impensable de les voir fermer leurs portes le week-end dans une ambiance anachorétique.
La morale est sauve
Mais pour ce qui est des prophéties de désolation, on repassera. Les grandes chaînes ont résisté au pêché de lucre. Les magasins de vêtements et les centres commerciaux ferment religieusement leurs portes, comme à leur habitude, un jour sur sept. Nos cités conservent leur atmosphère monacale, tous les dimanches. Et les Suisses continuent à choisir Milan, Paris et Lyon pour leurs hérétiques week-ends de shopping. La morale est sauve.
Constatant cette évolution, le Conseil national a adopté ma motion visant à autoriser l'ouverture dominicale des petites épiceries en dehors des centres urbains (et seulement de celles-ci). Il est important de rappeler l'existence de ceux qui résident loin des gares, des aéroports et des commerces, dans des localités parfois même dépourvues d'églises.
Préserver l'équilibre social
Cette mesure a suffi à soulever l'indignation des syndicats, qui y voient le prélude à une dégradation de nos valeurs commerciales et familiales. Cependant, en vingt ans, les comportements ont évolué. Le commerce en ligne a explosé, les magasins s'automatisent, et les familles avec enfants deviennent moins courantes.
Il serait raisonnable de permettre à quelques petites épiceries de village d'ouvrir leurs portes, facilitant ainsi la vie de tous, sans menacer l'équilibre social. Cette approche pragmatique semble se perdre en politique. Je crains que cette question, somme toute anecdotique, ne déclenche une lutte disproportionnée, comme il est coutume pour les petits pays, de se focaliser sur de «petits soucis».