Pour Blick, Philippe Nantermod, conseiller national libéral-radical (PLR) valaisan, et Benoît Gaillard, coresponsable de la communication de l'Union syndicale suisse (USS), ont accepté de s'envoyer leurs meilleures punchlines sur WhatsApp. Objet de cette discorde organisée? La réforme de la prévoyance professionnelle (LPP), sur laquelle le peuple se prononcera ce dimanche 22 septembre.
C'est un projet technique. Celui-ci prévoit notamment un abaissement du taux de conversion de 6,8% à 6% — le pourcentage qui détermine le montant minimal de la rente par rapport au capital accumulé — et une baisse du seuil d'accès au deuxième pilier. Et voit deux camps s'affronter.
D'un côté, la majorité de droite, favorable à l'objet soumis au vote. De l'autre, la gauche et les syndicats. Pour ouvrir les feux, parole à Philippe Nantermod: pourquoi faut-il, à ses yeux, soutenir cette réforme de la LPP?
Cette réforme renforce nos retraites. Elle permet à des dizaines de milliers de personnes d’accéder à la prévoyance professionnelle: les petits salaires, les personnes qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel. En particulier, les femmes qui reviennent sur le marché du travail pourront (enfin!) combler les lacunes de leur deuxième pilier.
Elle réduit aussi le désavantage des séniors sur le marché du travail qui cotisent aujourd’hui à un taux trop élevé, en réduisant les écarts entre les catégories d’âge.
Enfin, elle prévoit 11 milliards de francs de compensations ciblées pour les petites retraites, pour amortir l’adaptation nécessaire du taux de conversion, une réduction qui est déjà en vigueur pour 85% de la population.
Le cœur de la réforme, c’est la baisse du taux de conversion. 12% de retraite en moins pour le même avoir de vieillesse obligatoire! Et ça concerne tout le monde, même les personnes assurées au-dessus du minimum. Car les caisses pourront baisser encore plus tous les taux de conversions actuels.
Cette baisse n’est pas nécessaire. Les caisses de pension vont bien, leurs réserves sont pleines. Par contre, les futurs retraités ont besoin de chaque franc pour vivre!
D’ailleurs, quelqu’un d’influent a dit: «Quand le projet a été mis sur la table, le taux de conversion était une grande préoccupation, elle l’est de moins en moins. On pourrait reprendre le projet sans la baisse du taux de conversion, et uniquement avec les autres aspects.»
Cette personne, c’était vous Monsieur Nantermod (à écouter en cliquant ici dès la minute 22). C’est une excellente idée. Pour la réaliser, il faut dire non le 22 septembre.
Les caisses sont gérées paritairement. Elles ne fixent pas un taux de conversion politique, mais un taux durable. Ceux qui pensent pouvoir faire mieux peuvent toujours prendre leur capital et le gérer eux-mêmes.
Malheureusement, sans adapter le taux de conversion minimum, les autres adaptations nécessaires aux petits revenus sont impossibles. Si certaines caisses parviennent à financer des solutions pour les temps partiels, c’est parce qu’elles ont déjà baissé leur taux de conversion pour la partie surobligatoire.
Les caisses gèrent notre épargne, individuelle, qui n’est pas là pour être redistribuée. Dans le deuxième pilier, on ne cotise pas pour les autres, mais pour soi-même. Ce que vous appelez des «caisses pleines», ce sont simplement des caisses qui n’ont pas égaré nos économies. Encore heureux! Mais si on maintient un taux de conversion trop haut, on prend à ceux qui ont épargné pour le donner à ceux qui n’ont pas assez cotisé. C’est inacceptable.
Dommage ne pas en rester à vos propos d’il y a deux semaines. Parce que le fait est que la baisse dramatique des rendements redoutée depuis la crise de 2008 n’a pas eu lieu. Pour tenir un taux de conversion de 6.8%, il faut un rendement sur le capital d’environ 4.5%. Ces dernières années, les caisses ont fait (bien) mieux.
Vous aviez raison en disant qu’une baisse drastique n’était pas nécessaire! Elle suffit à justifier le «non».
Quant à mieux couvrir les bas salaires: tout le monde était d’accord. Mais les employeurs et le Conseil fédéral avaient aussi soutenu un principe: pas de baisses de rentes! On ne peut pas dire à quelqu’un qui a 55 ans que, finalement, il aura 100 ou 150 francs de moins à la retraite que ce à quoi il s’attendait, même avec compensation. C’est inacceptable.
Mais que racontez-vous? Le rendement des caisses de pension des dix dernières années était de 3.5% en moyenne, bien en dessous de ce que vous prétendez (la preuve ici: le rapport 2024 de Swisscanto). Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le taux de conversion a dû être réduit pour la part surobligatoire.
Le système de la LPP, c’est la primauté des cotisations, pas celle des prestations. Si l’espérance de vie et de rendement ne permet pas une certaine rente, ce n’est pas aux autres assurés de la garantir.
La gauche mène une guerre culturelle contre le deuxième pilier, en voulant y introduire de la répartition. Vous voulez partager les richesses, faire de l’AVS dans la LPP, pour que les uns cotisent pour les autres. Je combats ce projet. Dans la LPP, c’est chacun pour soi. La solidarité, c’est celle de l’employeur qui participe à la retraite de son employé. C’est le dernier bastion des assurances sociales où mon travail sert à ma retraite, pas à celle de mon voisin.
La baisse généralisée des rendements, qui était redoutée, ne s’est pas produite, celle du taux de conversion n’est donc pas urgente. S’il fallait en planifier une, il n’y aurait pas besoin d’une baisse aussi drastique, qui va faire mal à beaucoup de personnes qui prendront leur retraite dans les 10 ou 15 ans.
Et laissons les procès d’intention. Parlons de la réforme. Vous êtes bien placé pour savoir que les syndicats étaient d’accord pour moderniser la LPP. L’avoir de vieillesse LPP, c’est aussi un pécule à disposition pour d’autres choses, un projet, une maison. C’est la plus grosse économie pour beaucoup de gens une fois à la retraite. Pas d’opposition à ça.
Mais on peut moderniser sans baisse de rentes! Nous ne faisons pas un combat de principe, mais un combat concret contre ces effets délétères pour des gens qui auront bossé dur pendant 45 ans.
Mais que dites-vous? La baisse généralisée des rendements s’est bien produite (graphique ci-dessous) et celle du taux de conversion est déjà une réalité pour 85% des assurés. Si elle n’avait pas eu lieu, les caisses seraient vides. La baisse proposée corrigera un taux de conversion insoutenable pour les 15% des assurés qui reçoivent aujourd'hui l'épargne des autres.
On ne peut pas moderniser la LPP sans toucher au taux de conversion. Dans le deuxième pilier, on ne dépense pas autre chose que l’argent de son propre compte.
Le combat culturel dont je parle n’est certainement pas un procès d’intention, mais une réalité. L’année dernière, la gauche unanime a voté une initiative parlementaire pour abolir le deuxième pilier en faveur de l’AVS. Les jeunes socialistes ont encore pris ce printemps une position pour abolir le premier pilier. Et si les syndicats soutenaient un premier projet, c’est parce qu’il prévoyait de faire de la répartition dans la LPP. Comment extraire votre argumentaire du contexte de vos combats politiques?
Ce n’est tout de même pas moi qui ai affirmé en public au «Forum prévoyance» du «Temps» que la baisse du taux de conversion n’était plus si urgente. C’est vous.
Votre tableau est génial. Si on prolonge la droite rouge, on aura donc des rendements négatifs d’ici peu, c’est ça? Les caisses vont faire faillite encore plus vite que l’AVS!
La vérité est que les caisses de pension sont gérées depuis des années avec une immense prudence. Ç'a une conséquence: les avoirs des actifs sont peu rémunérés (le taux minimal est en dessous de l’inflation, merci le Conseil fédéral), les rentes ne sont pas indexées, à la place, on constitue d’innombrables réserves.
Et pendant ce temps, la réforme ne fait aucun ménage dans les trop nombreux frais de gestion de fortune, de courtage et d’intermédiation. Dans les fondations collectives, les grands assureurs peuvent garder 10% du rendement brut (legal quote). C’est du bénéfice pratiquement sans aucun risque! Il faut restreindre ce self-service avant de taper sur les pensions des assurés qui n’ont que le minimum LPP. Une meilleure réforme est possible et nécessaire. Celle-ci est catastrophique. Alors c’est non.