La pression est devenue trop forte: la Banque centrale européenne (BCE) annonce ce jeudi après-midi le relèvement de ses taux directeurs de 0,5 point de pourcentage. Le tournant des taux d'intérêt est ainsi amorcé dans la zone euro — un mois après la Suisse, qui avait anticipé cette hausse.
Il s'agit du «début d'un voyage», comme l'a récemment formulé la présidente de la BCE Christine Lagarde. La première hausse des taux d'intérêt de l'institution monétaire européenne depuis 2011 devrait être suivie d'autres: les économistes tablent sur une nouvelle poussée allant jusqu'à 1,5% au printemps prochain. Décryptons.
1. Qu'est-ce que cela signifie?
Concrètement, le taux d'intérêt auquel les banques peuvent emprunter de l'argent à la banque centrale sur une longue période passe de 0 à 0,5%. Il s'agit en quelque sorte d'un coup de frein à main. En juin, l'inflation dans la zone euro a bondi à 8,6%. Une valeur record depuis près de 25 ans (1999), lors de l'introduction de l'euro.
2. Pourquoi maintenant?
La BCE agit comme prévu, mais plutôt tardivement. «Elle a attendu beaucoup trop longtemps», ose Reto Föllmi, professeur d'économie à l'Université de Saint-Gall. Celui-ci rappelle que la BCE vise une inflation de 2% à long terme. Un cap qu'elle a largement perdu de vue, selon le spécialiste.
En réalité, c'est surtout la hausse des prix de l'énergie qui a fait bouger les banquiers centraux à Francfort. «Au début, il y avait l'espoir que cela ne soit que temporaire, mais cela ne s'est pas produit. Au contraire, c'est une inflation forte et durable qui se dessine, et cela a été complètement sous-estimé, décrypte Reto Föllmi. Or, une fois qu'un processus inflationniste est engagé, il est difficile de le stopper.»
3. Pourquoi avoir autant attendu?
Si la BCE a tant évité d'actionner ce frein à main, c'est en raison du fort endettement des États membres, en particulier au sud de l'Europe. L'Italie, l'enfant terrible, est considérée comme un obstacle à une politique monétaire restrictive. Car l'augmentation du taux directeur annoncée aujourd'hui va faire bondir les intérêts de la dette publique italienne.
«Le pays n'a pas profité de la période de haute conjoncture pour réduire sa dette, et celle-ci a fortement augmenté durant le Covid. Tout cela se retourne contre l'Italie aujourd'hui», analyse le professeur de l'Université de Saint-Gall.
4. Qu'est-ce que cela implique pour la Suisse?
La Suisse est à une toute autre enseigne: la décision de la BCE est une excellente nouvelle pour le pays et la Banque nationale suisse (BNS) en particulier. «Avec cette augmentation du taux directeur européen, sa marge de manœuvre s'élargit à nouveau», explique Reto Föllmi.
Pourquoi? Parce que le taux directeur plus élevé sera suivi d'une demande plus forte pour l'euro. Cela enlève un peu la pression du franc fort et ouvre la voie à d'autres adaptations à la hausse du taux directeur en Suisse. Les experts s'attendent à ce que la BNS remonte les taux d'intérêt dès septembre.